CHAMPOLEON : le retour du loup et la maison du berger

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Article écrit par Robert Faure, réactualisé en octobre 2016.  

 

L’automne, c’est la descente des ovins des alpages, c’est la foire aux tardons, la fête de l’agneau aux Borels, à Champoléon, le 3 octobre, mais c’est aussi l’époque du bilan des dégats causés par le loup.

Si, pour l’année 2016, on signale, du coté des écologistes, une stabilisation des pertes suite aux efforts de protection de la part des éleveurs et de quelques prélèvements, en revanche, du coté des agriculteurs, on insiste sur le fait que plus de 600 moutons ont été tués cette année par le loup et qu’il n’y a plus de raisons pour estimer que le loup doit être encore une espèce protégée.

Et, pour Jean Marie Bernard, président du département des Hautes Alpes, : « Il faut maintenant choisir entre les éleveurs, le bétail et le loup ».

 

 

D’une manière générale, les éleveurs du Champsaur estiment que l’élevage ovin est quelque chose d ‘essentiel pour eux qui vivent en montagne et trouvent dans cet élevage un moyen de survie. Or, ils sont persuadés qu’une montagne envahie par les loups détruirait très vite toute possibilité d’élevage et ne tarderait pas à devenir une jungle.

Protestation des écolos qui rappellent que la France a signé et ratifié en 1993 la convention de Berne qui donne au loup le statut d’espèce « strictement protégée ».
Ils pensent qu’il faut trouver un juste milieu qui permette aux loups et aux troupeaux de coexister pacifiquement.
Dieu sait pourtant si, au fil des siècles, tout a été fait pour la destruction totale de cet animal qui, dans les veillées champsaurines, n’était qu’un voleur de moutons, un croqueur de petites filles, un mangeur d’enfants.

Dès le Moyen-Age, les tueurs de loups étaient récompensés et considérés comme des héros locaux.
Les archives de Gap nous apprennent que le 17 janvier 1648 Jean Coste a reçu 3 liards pour la tête d’un loup qu’il a tué, tête qui a été mise et cloutée au portail de l’Hôtel de Ville, suivant l’ancienne coutume. Récompensés aussi de 3 liards Sallomon de Puymore, Jean Brochier, Antoine Ariey. Trois  liards, ce n’était pas grand chose: le prix d’une paire de perdrix rouge, mais leurs noms sont passés à la postérité: félicitations écrites pour avoir participé à l’extermination des loups.

 

 

Photo extraite du livre   » Le monde étrange et fascinant des animaux » de Reader Digest.
                   

Mais, un siècle plus tard, les loups étaient toujours là.
Les archives nous apprennent que, lors d’un procès en 1739, le porte – parole de Saint Laurent du Cros se plaignait ainsi: « La forêt de Saint Laurent du Cros est la seule qu’il y ait dans le Champsaur   (Les Robin, producteurs de forêts, existaient ils déjà???). Tous les loups, renards, ours et sangliers qui s’écartent pendant l’hiver, s’y réfugient au commencement du printemps . En conséquence les San Laurentins demandent au Maître des Eaux et Forêts de Grenoble de les exterminer parce qu’ils détruisent la forêt ».

Ce curieux berger accueille les visiteurs à l’entrée de la vallée de Champoléon.

 

Mais, dans les fonds de vallées du Dauphiné, on n’attendait pas toujours les autorisations administrative pour « brûler les loups ». Les légendes racontent que les habitants poursuivaient les loups avec leurs chiens en les effrayant jusqu’aux fonds des gorges où ils acculaient la horde. Puis, du haut des rochers, ils faisaient dévaler sur eux des bois morts, des sapins et des mélèzes. Ils enflammaient le tout et festoyaient autour de l’étrange bûcher.

Ce n’est finalement que vers 1930 que la France est venue à bout du loup.
On le croyait totalement exterminé, mais une soixantaine d’années plus tard, venant d’Italie, il a remontré son museau en traversant les Alpes.
Beau sujet de débats pour les futurs élèves de « La Maison du Berger ».

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L’ancienne maison paysanne champoléarde : authentique et toujours robuste.

 

       A Champoléon, où se trouve « La Maison du Berger », on garde le souvenir du célèbre guide Bernard et de son chien berger.

« La Maison du Berger »

Elle a été installée dans une vieille ferme rénovée de Champoléon, la maison Pourroy, en hommage au pastoralisme et à nos racines. Elle a été inaugurée le 27 octobre 2007. Déjà on peut trouver là : musée du mouton, photos, témoignages sonores, vidéos sur la vie des bergers d’alpage, repas avec plats régionaux…

 

                                                    La « Maison du Berger » qui vient d’ouvrir ses portes.

Mais « La Maison du Berger » va avoir aussi une vocation pédagogique.
Ouverte en avril, elle formera les nouvelles générations de bergers… des bergers devenus indispensables.
Succès assuré à cette école.
Les provocateurs ne disent-ils pas : « Plus il y aura de loups, plus on aura besoin de bons bergers! »

« La maison du berger » s’est construite sur l’ancienne « maison Pourroy ».

Les Pourroy de Champoléon sont  très connus depuis longtemps.

Pourroy est d’ailleurs le seul titre de noblesse champsaurin qui persiste depuis 1609, quand Paul Pourroy, descendant des Pourroy de Champoléon, fournisseur des armées de Lesdiguières, à été anobli par Henri IV.

 Pourroy est un  titre de noblesse régulièrement porté actuellement par le comte Bruno Pourroy de Quinsonas-Oudinot, châtelain en Isère, château du Touvet.

 

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Ci-dessus un vieux document: un contrat passé en 1665, par devant Sarrazin, notaire royal à Champoléon ,concernant une vente au sieur Piaurroy (orthographe de l’époque).

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Pierre MELET, ancien berger, a légué ses biens à la commune de Champoléon, ce qui a permis le rachat de la Maison POURROY. La MAISON DU BERGER a souhaité, le 11 juin 2011, marquer l’événement des 20 ans de la disparition de Pierre MELET par une journée de rencontre en présence des compagnons de la Bergerie Nationale de Rambouillet et des élèves bergers de l’Ecole du Merle.

LE DRAC N’A CESSE DE RAVAGER LA VALLEE

Tout au long des siècles, le loup n’a pas été le pire ravageur de nos vallées. Le pire serait plutôt le Drac, le dragon malfaisant qui, dans sa furie, n’a cessé d’emporter maisons et gens.

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Sur la photo ci-dessus, prise en 1896, on aperçoit le village des Auberts qui était situé au fond de la vallée de Champoléon avec ses pauvres maisons aux toits en mosaïque: chaume, lauzes, planches de mélèzes. Hélas, ce village a été emporté par les eaux et par les avalanches. Il n’en subsiste que des ruines.

Les inondations du Drac, déjà, au 15ème siècle, étaient une affaire nationale.
Le Drac avait ravagé la vallée. Les habitants voulaient tous quitter leur pays.
Sur 160 maisons, il n’en restait plus que 40.
Louis XI, ami des Champsaurins, les dissuadait.
Et, le 13 avril 1447, il écrivait une lettre remettant la moitié de leurs impôts aux gens de Champoléon pour 40 ans à cause des dégâts occasionnés par le Drac.
Puis, sur l’insistance de son compagnon de chasse, Martin de Champoléon, (qu’il avait anobli), le roi Louis XI renouvelait cette faveur le 12 décembre 1490.

Auparavant, en 1348, près de l’église de Champoléon, l’inondation avait déjà renversé une dizaine de maisons et onze familles avaient disparu. Toujours en 1348, au village du Clapier, envahi par les eaux, 22 personnes mouraient, ensevelies sous les gravats.

Plus tard, en 1790, le jour de la fête de la Toussaint, le Drac emportait l’église, son clocher, le cimetière, emmenant dans ses flots les cercueils.


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De nouvelles menaces encore, notamment en 1928 et en 1963.

Quel courage il a fallu à tous ceux qui ont survécu !

 

Le restaurant-auberge des Ecrins, aux Borels, dans la vallée de Champoléon .

  

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                                                Quand Champoléon commençait à vouloir se faire connaître.

 

CHAMPOLEON : la  plus « zen » des vallées alpines.


 

Photo Pierre Collombert

Photo Pierre Collombert.  Mon ami, le photographe Pierre Collombert qui a produit, avec Jean Pierre Coffe, le somptueux livre : « Paysans, nos racines », m’a confié cette photo qu’il a prise à Champoléon … quand les bergères n’avaient pas peur des loups.

 A CHAMPOLEON: MANIFESTATIONS ET PROJETS

Beaucoup de participants aux dernières 
journées « Paysage d’alpage », qui ont eu lieu du 29 au 31 mai 2009  (sorties de terrain, notamment au hameau des Clots, au fond de la vallée de Champoléon, et au « Saut du Laire», au fond de la vallée d’ Orcières, et à « La Maison du Berger » aux Borels : concerts de musiques classiques et populaires, expositions : dessins sur l’alpage, films, débats, animations…

 Le restaurant-auberge des Ecrins, aux Borels, dans la vallée de Champoléon .

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Le Sirac vu des Clots. 

La « Maison du Berger » a profité de ces journées pour rappeler le souvenir de Pierre MELLET, disparu en 1991, initiateur et bienfaiteur de cette « Maison du Berger » ( un hommage plus important lui sera rendu en 2011 ) et de Jean Pierre DEFFONTAINE, chercheur à l’Institut de Recherche Agronomique, qui a inspiré ces journées.

 

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