Conférence d’Orcières Merlette du 7 Aout 2009

Robert-Faure4Conférence du 7 août 2009 à Orcières

 

 

 

POUR LES RESIDENTS SECONDAIRES DU CHAMPSAUR

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Dans leur ensemble, les résidents secondaires qui ont acheté un appartement ou une maison dans le Champsaur souhaitent avoir le maximum d’informations sur leur pays d’adoption et sont curieux d’en connaître les traditions, les coutumes et l’histoire.

C’est pour évoquer ces thèmes que l’ARPPOM (association qui regroupe les résidents secondaires, propriétaires, du canton d’Orcières) a demandé à Robert FAURE, auteur de plusieurs livres sur le Champsaur, de tenir, le 7 août 2009, devant 250 personnes, une conférence à la Salle des Ecrins à Orcières-1850.

Voici le texte de la conférence de Robert FAURE :

Je vais d’abord vous dire que, moi Champsaurin, je suis heureux de me trouver parmi vous puisque, tous, vous avez tous été, un jour, attirés par le Champsaur et que vous êtes venus dans le Champsaur.

Qu’on en rêve, qu’on l’habite, qu’on le quitte, ou qu’on y vienne, le Champsaur, c’est d’abord un pays qu’on aime.

Et pourquoi on l’aime : on l’aime pour son présent, pour la beauté du cadre, pour l’harmonie des paysages, pour la neige, pour ses pistes de ski, pour son bon air…

Chacun a eu une raison plus particulière qui l’a poussé à s’ installer dans le Champsaur.

Déjà Jean GIONO , dans « Le chant du monde ». » avait la sienne : « Toussaint voulait partir dans le Champsaur avec elle, la tirer plus haut, là haut dans les montagnes, pour être seul avec elle. »

Oui, c’est un argument de Giono qui, paraît il, en a inspiré plus d’un…

Mais le Champsaur, ce n’est pas seulement un rêve, un bout de terre, un appartement, c’est aussi toute une histoire, des traditions, des gens, tout un passé.

Et, pour comprendre ce passé, le meilleur moyen de l’ aborder c’est, je crois, en discutant avec mes classards, avec les vieux-vieux .

Promenez vous.

Ecoutez les, ces anciens, prêtez l’oreille, et vous découvrirez d’abord leur parler si particulier .

LE PARLER DES ANCIENS

Le champsaurisme, c’est ma langue maternelle ( ni langue d’oc, ni provençal alpin, ni pur français).

Le champsaurisme, ce sont les premiers mots bizarres que j’ai entendus à Prégentil dans la grande ferme, quand, le soir, sous la lampe à manchon, on était tous réunis autour de mon père (qui « en savait de loin » puisqu’il était né en 1877), de ma mère, de mes trois frères, de mes trois soeurs, de la « parenté », des « drolles » des hameaux d’alentour…et que les bruyantes et joyeuses veillées (dans les années 1935, 1936, 1937…) allaient bon train.
Moi, le petit dernier, à 5 ans, 6 ans, 7 ans, j’en avais plein les oreilles et je n’en ratais pas une miette.

Je ne remercierai jamais assez ceux qui m’ont émerveillé avec les premiers mots entendus.

… Le temps a passé. J’ai du, dans mon métier, renier tous ces mots.

Il ne fallait surtout pas se risquer, à la radio, dans la presse, à la télé, à laisser passer le moindre mot à tendance pezzouillarde!

Ces mots, pourtant, je les ai redécouverts avec grand plaisir à l’heure de ma retraite, mais hélas, je constate que ces premiers mots, qui m’ont tant ébloui, ne dépasseront pas un siècle.

Aussi, écoutez les! Ecoutez ce que disent les anciens, les « vieux-vieux », les « reires-grants » et vous entendrez , sous leur accent chantant, tous ces « mots-dits », un riche vocabulaire, des expressions oubliées et colorées, des termes imagés, de savoureux et jolis mots venus d’une langue lointaine et revivifiés, qui s’implantent naturellement, qui « gisclent » au milieu des conversations, des mots qui font peut-être sourire, mais qui rendent heureux, des mots tout simples qui n’ont aucun équivalent en français et que l’on ne peut souvent traduire que par des périphrases, des mots si particuliers qu’ils ont parfois permis à des « émigrés » champsaurins qui « languissaient » leur vallée de s’identifier comme « pays ».

Ecoutez aussi ces tournures bizarres où l’on abuse d’être et avoir: « A Gap, on y a eu assez été pour les foires », le rythme de ces phrases grandiloquentes où sont maniés avec dextérité les passés antérieurs: « Je les ai eu entendus dans le temps », où l’on n’hésite pas à à inverser avec brio les auxiliaires: « Il a pas resté là dans ce pays des mourres froids, il a puis parti à quelque part se cagnarder avec la première estivante qui se l’est aganté».

Ne sursautez pas quand les masculins sont employés au féminin, ou inversement : on dit parfois la lièvre, la platane, une aigle, une incendie, un espèce de, un paire de…

On en est encore quelquefois au septante et au noanante.

On entend dize-sept et non pas di-sèt.

Si, dans la conversation, vous devez parler de Camille, gare au piège. Vous devez prononcer Camiye si c’est une dame et Camillleu si c’est un homme.

Et attention aux faux amis, à ces mots qui ont un autre sens en français :

La caille n’est pas un petit oiseau, c’est la femelle du porc.

Gouverner ne veut pas dire diriger, non, gouverner c’est s’occuper des bêtes.

Les femmes vont acheter une pointe (pour se mettre sur la tête ) à la mercerie et non à la quincaillerie.

La dépense n’est pas la dilapidation de son argent, non, la dépense, c’est la pièce qui sert de cuisine.

Aller camper, ce n’est pas partir avec les scouts, non, aller camper c’est aller mener les vaches au pâturage.

POUR QUALIFIER LES COULEURS

D’ailleurs, dans le champsaurisme, on a des précisions plus riches qu’en langue française. Pour qualifier les couleurs, par exemple, le français a bien des mots comme: blanc, noir, vert, jaune… mais il n’a pas de qualificatif pour exprimer une combinaison de couleurs.

Si un Marseillais rencontre un berger, il n’aura qu’une phrase pour lui dire: « Vos trois vaches, elles sont toutes blanc et noir ».

Le berger local, plus subtil, lui répliquera: «  Non, elles ne sont pas seulement blanc et noir. La première, elle est bardelle, car c’est le noir qui domine sur le blanc. La seconde, elle est jaille, car, là, c’est le blanc qui domine sur le noir. Quant à la troisième, elle est boucharde, car elle est comme salie en plusieurs endroits de tâches blanches et noires.

LES VIEILLES

Cette richesse du vocabulaire est également démultipliée à l’intérieur du Champsaur.

Pour les traditions par exemple :

Prenons ces grands feux de joie qui crépitaient sur toutes les collines,

le premier dimanche de carême, qui étaient prétextes à des rondes endiablées et à des piétinements de braises, (ces feux de la Saint Jean que l’on a continué à allumer, encore cette année, dans certains villages du bas Champsaur).

On appelle ces feux , à Orcières et à Champoléon, les « vieilles » parce qu’autrefois, paraît il, on brûlait à cette occasion la plus vieille femme du village . Bien sur, les curés de la paroisse l’ont toujours démenti, disant qu’il fallait comprendre qu’à cette occasion, on devait seulement brûler les vieilles…habitudes…

Ces feux, on les appelle les « cargues » à Saint Jean Saint Nicolas, les « friselles » à Saint Léger, les « soulestéous » à Saint Firmin, les « brandons » à Saint Bonnet…

DES CONVERSATIONS PITTORESQUES

Et que de richesses dans le langage champsaurin!

A Paris, quand quelqu’un n’est pas normal, on dit: « Il n’est pas normal celui là! ».

Ici, on ne dit pas seulement: « il n’est pas normal! » mais ici, on a plus de cent mots pour définir son anormalité, depuis « barulot », « bayanèou », « bécassou », « brancassi », « broque », …jusqu’à « tèbi », « toti », « testori » …en passant par « estrasse », « gounflaïre », « porte-lagne », « raclaïre », « vire-tomes », « troun de l’air », « tête de miaule »…etc…

On aime les expressions pittoresques . Je me souviens de certaines conversations qu’on avait quand on était gamins: « Oh Momond, traverse un peu, on va faire un vir. Mais où t’étais passé? T’es affublé comme un espavant.

Bèh, j’étais aller fourmouger, puis poser brailles dans l’écurie des agneaux.

Ah! Et si on allait maintenant barontier avec les drolles, reluquer les couratières, bouéder des mesurons, se niasquer puis foutre la rouste aux Orsatus. On a la rogne contre eux.

Ouh bèh! faudra pas manquer de voille. Vaï, faudra pas faire vergogne. » etc

LA RAVE

Si je dois vous raconter ce qu’étaient les distractions des gamins champsaurins dans les années 1940-1950, les trois événements les plus attractifs étaient la rave, le vin-chaud et le barri.

Quand une fille du village prenait un mari « estranger » (qui ne faisait pas partie de la communauté) les jeunes du village tendaient à la sortie de l’église une barrière ( en fait un ruban tenu à chaque extrémité qui barrait la route) .

(On avait fait ça au mariage de Camille Galleron, la fille du sacristain, près du monument aux morts de Pont du Fossé) .

Nous faisions ainsi comprendre au nouveau marié, selon la tradition, que, s’il ne voulait pas subir notre réprobation, il devait « payer la rave », c’est à dire nous donner une somme d’argent que nous pourrions aller dépenser en joyeux banquet chez Faure-Autard.

En général, tout se passait bien. La barrière était enlevée et les Champsaurins offraient alors une liqueur (plutôt du génépy que de la pétafouère) pour leur dire qu’ils étaient ravis et qu’ils souhaitaient aux « novis » bienvenue et beaucoup de bonheur.

Si, dans d’autres cas, la rave paraissait insuffisante, la nuit de noce était alors accompagnée par un charivari étourdissant: huchements, bruits de casseroles, de bidons, de sonnailles, de crécelles, de clochettes.

LE VIN CHAUD

Si les invités voulaient, le soir, poursuivre la fête, ils préparaient pour les « novis » une soupe bizarre dont voici notre recette : en fond de pot: un bon litre de vin blanc ou de vin jaune, (ne pas hésiter à poivrer fortement pour qu’on le sente bien chaud à la dégustation), en surnage : des rondins de chocolat grossièrement sculptés, en agrément : un semis de feuilles de papier à cigarettes nappées de crème de marrons, le tout présenté dans un beau vase de nuit … (acheté fraichement pour l’occasion) et nous partions à la recherche des « novis » pour leur porter ce « vin chaud ».

La chasse nocturne à la chambre nuptiale était toute une aventure, (on n’a pas toujours été récompensés: il y en a eu des rattrapages et des beaux vases piétinés et écrabouillés) , mais si les « novis » étaient surpris dans leur lit, ils n’avaient rien de mieux à faire que d’accepter de boire ce « vin chaud », à la couleur douteuse, et au goût inhabituel, et de rire avec les autres…

Même le maire de Saint Jean Saint Nicolas, Marcel Papet, y a eu droit pour son mariage.

Bizarre, bizarre…mais fallait bien qu’on se distraie! On n’avait pas la télévision!

Quant aux soupirants énamourés et en attente, ils pouvaient bien, après la fête, aller chanter la nuit, près des forests, la sérénade, sous les fenêtres de la désirée.

Les Orsatus, les gens d’Orcières, chantaient alors le « renveillé » : « Renveillez vous, belle endormie, venez parler à votre amant, il vous dira son sentiment…Mettez la tête à la fenêtre. Toute la nuit je pense à vous. Toute la nuit mon coeur s’éveille…»

On savait aussi, à l’époque, être romantique!

En revanche, si la mariée du jour avait eu auparavant de tendres sentiments avec un jeune du pays avant de le délaisser, gare à ce malheureux, car les jeunes du village, ses gentils copains, avaient tôt fait de se rendre à la demeure de ce pauvre délaissé , et ils plantaient au sommet de son toit un saule pleureur garni d’oignons.

LE BARRI

Autre genre de coutume pour mobiliser et occuper les jeunes villageois: le « barri ».

Fin juin, au soir de la Saint Jean, on venait récupérer dans le village et dans les fermes tout ce qui trainait, tout ce qui semblait abandonné , tout ce qu’ils pouvaient trouver dans les granges et les remises: charrues, tombereaux, échelles, brouettes, outils, bêtes de somme , petites chèvres, et même les hommes qui s’étaient allongés (et endormis) dans leur tombereau pour qu’il ne soit pas enlevé , et on amoncelaient, la nuit, en barrière, au milieu de la voie publique tout ce butin hétéroclite pour faire un immense « barri ».

Et, que de ricanements le lendemain matin quand chacun tentait de récupérer ,dans l’entrelacement de ce « barri », tout ce qui lui avait été kidnappé .

UNE LANGUE INTERCALAIRE QUI VA DISPARAITRE

Barri, novis, cargues, rave … et tous ces autres vieux mots ont formé une langue intercalaire.

Les anciens peuvent confirmer qu’ils ont souvent entendu leurs pères, leurs mères et leurs grands parents ne parler entre eux que le provençal originel. Mais, pour s’adresser à leurs enfants qui, eux, étaient plongés dans un environnement totalement français – le patois était puni à l’école et les maîtres tiraient les oreilles des « bayanèous » qui « estropiaient » la langue officielle – ces mêmes parents ont du essayer , avec une attention touchante, de s’exprimer en français…ou, dans la difficulté, de franciser leur patois.

Comme le champsaurisme est une langue essentiellement parlée, donc non fixée par un dictionnaire, on peut noter parfois quelques variantes d’un village à l’autre, néanmoins, presque toujours, la compréhension et le contact passent.

En sortant ces mots de l’oubli, en les prononçant, en les reparlant, je retrouve les émotions, l’environnement, les moments d’intimité, les sons, la vision, l’affection d’une époque pas très lointaine, intercalaire, et relativement courte (celle du passage du patois au français)…qui n’aura duré qu’une cinquantaine d ‘années et qui risque d’être très vite oubliée.

Aujourd’hui, d’ailleurs, les jeunes Champsaurins, qui font presque tous des études, souvent loin du Champsaur ,et qui sont fiers, heureux et savants, parlent l’anglais, le chinois, le français, le d’jeune … mais qu’un brisou de champsaurisme quand ça leur escape.

LA VIE DURE DES PAYSANS

Tout a bien changé, bien vite.

La vie de leurs ancêtres Champsaurins n’a pas toujours été drôle!

Le Champsaur a longtemps vécu en autarcie : au sein de familles patriarcales où l’autorité du chef de famille était reconnue jusqu’à un âge avancé.

Le père, on le respectait, on le craignait, on le vouvoyait.

Les règles qu’il enseignait: travail, dur travail dans des terres difficiles et peu généreuses, persévérance quand même, respect de la parole donnée, générosité, entraide.

Sa vie : labourer, semer, récolter, faucher, garder, gouverner.

Les pères étaient tout puissants, les mères courageuses .

Une vie pénible avec quantité d’enfants.

Les mères, parce que les hommes couraient trop souvent les marchés (Ah, les foires à répétition, « faire la foire » :belles excuses et lieux de perdition), pendant ce temps, les mères se crevaient la paillasse à bugadier dans les barquiers, à nourrir le coche et la caille, à laver dans la pile, à faire la fenaison, à tourner le ventaïre, à escouber les pous de la remise, à remander les frusques, à s’occuper de faire l’hort, de faire des gosses, la mangeaille …et, en plus, le soir, un foulard sur la tête, le cabas au bras, un bidon pour descendre le lait le lendemain, elles montaient aux forests des Marches. Elles ramassaient les vaches. Après la traite, elles caillaient le lait et barattaient le beurre. Puis, enfin , dormaient un peu et ne regagnaient la ferme, en bas, les bras chargés, qu’après avoir assuré la nouvelle traite du matin…Une vie vraiment très dure pour les femmes de montagne…

Pour les jeunes, la cohabitation avec les parents était inévitable.

L’habitat était austère, rudimentaire, étroit, glacial.

Les parcelles à travailler étaient maigres eu égard à l’importance des familles qui vivaient dessus.

Il fallait compter avec l’altitude qui limitait l’utilisation des terres . Subir parfois six mois d’hiver, réensemencer des blés de printemps sans savoir si un futur automne clément permettrait de les récolter.

En plus, il fallait ne pas trop se fier aux terres en pente qui glissaient vers la vallée.

GILLES DE GENNES

Dans la préface d’un des livres que j’ai publié : « Les Hautes Alpes à découvrir », le prix Nobel Pierre Gilles de Gènes, qui venait souvent aux Fourès , entre Orcières et Prapic (et que vous connaissiez puisqu’il a été un de mes prédécesseurs comme conférencier pour votre association) raconte sa proximité avec les gens simples.

Il s’intéressait à ses voisins, ces hommes et ces femmes qui ont fait la vie de ces vallées.

Il soulignait leur courage, la lutte sans merci menée quotidiennement pour conquérir un pouce de ce terrain ingrat.

« Témoins, disait il, dans cette vallée d’Orcières, ces tonnes de pierres, cailloux, arrachés à la terre, qui jalonnent les chemins et les champs, formant ces bas-flancs de terrasses aux Fourès, vues depuis nos vieilles bergeries dominant le Drac, les terrasses d’en face montent à l’assaut du Garabru. Ici, elles sont encore cultivées par nos voisins : J. Martin et R. Pommier, et nous avons déjà vu les mêmes parcelles travaillées par leurs pères et leurs mères… » etc

LES DEPARTS AUX USA

Très dure vie.
On comprend que de nombreux jeunes n’aient eu qu’une idée en tête : partir, même au delà des mers.

Plus de 5000  Champsaurins sont partis aux Amériques (ou en Algérie, comme les parents de Paul Robert, l’auteur de grand dictionnaire, qui étaient voituriers à Saint Bonnet en Champsaur).

Ils ont quitté la vallée surtout entre 1845 et 1935.

Ils ont laissé le Champsaur – et leurs parents qu’ils aimaient – parce que la vie y était vraiment trop difficile.

 

Les pauvres terres n’arrivaient plus à nourrir la surpopulation de la vallée.

Et eux, ils voulaient survivre.

La plupart ont choisi les États Unis pour tenter d’obtenir de bonnes situations en relations avec ce qu’ils savaient faire, surtout comme moutonniers, mais aussi comme laitiers, blanchisseurs, gens de maison…

 

Certaines mères champsaurines ont vu la quasi totalité de leurs enfants partir aux Amériques. Chez les Motte, aux Foulons, à Saint Jean Saint Nicolas, sur les six enfants, cinq sont partis aux États Unis et y sont restés.

Ils sont partis surtout en Californie, en raison du climat bien meilleur que le climat haut-alpin, (d’ailleurs les studios de Hollywood  se trouvent , pour plus de la moitié, sur des des terrains qui ont été vendus, fort cher, aux magnats du cinéma par des Champsaurins qui en étaient les précédents propriétaires . )

Ils sont allés aussi au Wyoming parce qu’il y avait beaucoup de prairies pour les moutonniers, en Louisiane parce qu’on y parlait français.

Si l’aventure n’a pas toujours été mirifique, certains, toutefois, ont réussi très bien, comme Jean Pierre Gueydan qui avait quitté Saint Bonnet en 1845, à l’âge de 18 ans. Il parvenait à bien mener sa vie, surtout dans le commerce des moutons, achetait en Louisiane 16 000 hectares de terres. Il créait une petite ville qui compte aujourd’hui 1700 habitants. Cette petite ville est célèbre dans tous les Etats Unis, car c’est là qu’a lieu chaque année le «  Festival américain du canard ». Quatre jours de chasse et de fêtes, chaque année, au mois d’août, dans cette petite ville qui porte encore aujourd’hui le nom de Gueydan, son fondateur champsaurin.

De même, dans l’Orégon, une contrée porte le nom de Vigne, le nom des premiers occupants: les Vigne des Alliberts, près de Saint Bonnet.

Il y eut d’autres aventures champsaurines: Jo Mouren-Laurens de Saint Julien qui fit fortune à Los Angeles après avoir inventé « le bidon d’huile d’un litre », Melle Réallon, de Saint Jean Saint Nicolas, qui fut gouvernante chez Walt Disney, Martin Seinturier, champion de rodéo aux Etats Unis, avant de venir mourir en France pour défendre son pays, Jo Marillac d’Ancelle qui fut, en 1960, directeur aux Jeux Olympiques de Squaw Valley.

Quand certains émigrés revenaient dans leur Champsaur, ils faisaient gamberger pas mal de gens. Comme ces deux frères Escallier de Champoléon qui, de retour au pays, âgés de 56 et 54 ans, avec de larges chapeaux, des breloques d’or et des gants de cuir qui n’ont pas tardé à épouser de jeunes et jolies compatriotes âgées d ‘à peine 16 ans.

Et, parce qu’il voulait être enterré dans le Champsaur, Antoine Chaix a fait construire à N. D. de Boisvert (beau lieu de promenade) une chapelle funéraire dont un vitrail le représente entouré de deux indiens.

Très belle aventure ici que celle des frères Bonnabel : Joseph (père de deux jumeaux Joseph et Jean) et Maurice qui ont quitté Orcières les Audiberts, en 1953 pour le Montana chez leur oncle Camille, propriétaire d’un ranch de 3000 hectares pour s’occuper d’un important élevage d’ ovins. Fortune faite, les Bonnabel sont revenus au pays, en 1961, et ils ont participé activement au développement de la station d’Orcières-Merlette (immeubles, magasins , responsabilités municipales… Bravo.)

Mais il y a eu aussi des drames: l’aîné des Seillon, venu de Molines, a été assassiné dans la prairie pour n’avoir pas compris un avertissement, faute de connaître la langue.

Joseph Allemand de Saint Bonnet et Joseph Lagier de Chabottes, ont été abattus par des gardiens de vaches parce que leur troupeau de moutons passait sur le terrain des cow-boys..

 

Beaucoup de Champsaurins modestes n’ont pas eu ni la vie ni la mort dont ils rêvaient : ils ont fini dans des cimetières américains, enterrés dans des rangées réservées aux moutonniers, leurs noms champsaurins étant surmontés d’une tête d’agneau en tôle repoussée.

 

Oh, heureusement, beaucoup de Champsaurins ont pu aussi mener une vie des plus normales aux Etats Unis et s’y sont fixés.

Et on constate que de plus en plus de leurs descendants entrent en relations avec leur parenté Champsaurine. Ils veulent, souvent par internet, retrouver leurs racines.

 

Inversement on essaye de ne pas couper le contact.

Dans la famille de mon père, sur les 7 enfants, 4 ont émigré.

J’ai maintenant, comme la plupart des familles champsaurines, beaucoup de cousins aux Amériques: notamment en Californie à Santa Barbara, et en Argentine à Santos Lugares dans la Province de Buenos-Aires.

On s’écrit, on se voit parfois.

Le mois dernier, mon fils et mes petits enfants sont allés 22 jours aux Etats Unis, vers Los Angeles, sur les traces des oncles et des tantes.

Ainsi, de génération en génération, les liens du souvenir tentent de se maintenir.

 

LA VIE DURE AUTREFOIS

Dans le Champsaur, pendant ces migrations, la population a pu garder, en dépit des difficultés de toutes sortes , un système pastoral qui lui a permis de subvenir à ses propres besoins.

Concernant ces paysans d’autrefois, pour les détails de leurs gestes et pour leur savoir-faire, je vous conseille d’aller voir, de visu, la très intéressante « Fête des Terroirs » qui a lieu, chaque année, vers la mi-août, à Saint Bonnet , ou, encore, si vous vous intéressez au pastoralisme, la « Maison du Berger » à Champoléon. Pour l’habitat de « la maison paysanne » : le musée-moulin de Pont du Fossé.

Partout, on se distrait et on apprend.

 

Mais, après la guerre de 1939-1945, tout craque.

On assiste à la disparition de cet immuable mode de vie.

La mécanisation de l’agriculture transforme peu à peu la vie dans les fermes.

Le tracteur remplace le mulet, les produits phyto-sanitaires viennent à bout des doryphores (que nous, écoliers, venions auparavant enlever à la main par classes entières), les engrais permettent l’accroissement des récoltes, la sélection animale et l’insémination artificielle améliorent l’élevage. (Les enfants n’ont plus à mener la vache au taureau).

 

Autre énorme changement: le lancement en 1960 de la station d’Orciéres Merlette sous l’impulsion de Camille Ricou et de certains jeunes du pays dynamiques.

 

Le tourisme change alors totalement l’évolution économique du Champsaur, un Champsaur qui se désenclave, attire du monde.

Principal avantage: la possibilité de permettre à davantage de Champsaurins de travailler et de vivre au pays.

Parallèlement l’économie agro-pastorale tente de se maintenir, avec un certain brio parfois, puisque le Champsaur est la première zone de production laitière de la région PACA.

 

Aujourd’hui, vivre en Champsaur n’est plus comme autrefois un douloureux défi.

Et bravo si le pays s’en sort sans renier son passé.

 

LA CREATION DU CHAMPSAUR

 

Son passé , le Champsaur a été façonné par les gens, mais aussi par l’histoire. Tout autant que l’Andorre ou Monaco, le Champsaur mérite son histoire. C’était autrefois un duché à l’égal de la Normandie et de la Bourgogne.

La création du Champsaur est assez bizarre.

 

Sans le Champsaur, la France serait peut être, aujourd’hui, un état protestant, comme l’Angleterre.

Je m’explique:

Le Haut Alpin le plus célèbre s’appelle Lesdiguières.

Son nom figure en lettres d’or, à Paris, au Louvre, sur la porte d’un pavillon qui lui est consacré.

Il est né dans le Champsaur, à Saint Bonnet, le premier avril 1543.

On lui pardonne difficilement dans le Champsaur, de tradition catholique et même ultra catholique d’avoir, à l’époque pillé les églises, mis le feu à la cathédrale d’Embrun, d’avoir pratiquement obligé tous les gens du pays, sous menaces : « viendrez ou brulerez » :(« venez avec moi ou je fais brûler votre maison), à se convertir à la religion protestante naissante.

Tous les hommes étaient enrôlés sous ses ordres dans son armée, et les femmes perdaient leurs cheveux à force de porter des pierres pour construire ses châteaux.

 

Célèbre dans le Champsaur par son autoritarisme et ses guérillas sanglantes notamment contre les Gapençais, Lesdiguières était vite remarqué par Henri IV.

Il devenait bientôt le chef des armées protestantes françaises qu’il menait à de multiples conquêtes au point de recevoir de son ami le roi Henri IV le bâton de Maréchal de France.

Les relations étaient alors bonnes entre le chef protestant et le roi catholique.

Mais, en 1610, Henri IV était assassiné. Le futur roi Louis XIII n’avait que 9 ans. La France était fragile. La régente, Marie de Médicis n’était pas très aimée par la puissante armée française qui était derrière Lesdiguières.

De son coté, Lesdiguières, maréchal des armées, était en contact avec d’influentes personnalités comme Bouillon, Condé, Soissons, qui développaient un parti d’ opposants dans de nombreuses régions de France.

Tous ces comploteurs prenaient alors la décision de demander au tout puissant Lesdiguières, de prendre la tête d’une vaste confédération de tous ces protestants qui se disaient prêts à prendre les armes pour s’emparer du pouvoir en France et transformer le Royaume en République protestante.

Dans un premier temps, Lesdiguières, intéressé, leur donnait son accord : oui, il était capable d’armer 10 000 hommes avec l’ arsenal de son château de Vizille et 3000 cavaliers, et de les amener jusque sous les murs de Paris.

Le coup d’état allait il se produire?

 

C’était sans compter sur la rouerie féminine de Marie de Médicis.

Astucieusement, connaissant la faiblesse naturelle de Lesdiguières: (son amour fou pour sa terre natale), elle lui faisait la proposition suivante: M. le Maréchal, pour vous récompenser de m’aider dans cette période difficile, et, en attendant de vous donner un jour l’épée de connétable (qui fera de vous le deuxième personnage de la France, après le roi), je vous offre aujourd’hui de devenir « duc du Champsaur » et, en présent, je vous cède l’ancien domaine des Dauphins soit 21 paroisses du Champsaur.

Que faire? Rêvant de devenir l’égal du duc de Bretagne, du duc de Normandie, du duc de Bourgogne, (et craignant de subir l’épouvantable sort de Ravaillac s’il échouait) , Lesdiguières n’hésitait pas longtemps.

Et le 17 août 1611, un an après l’assassinat d’Henri IV, un décret érigeait en duché-pairie la terre des Diguières . Le vaillant soldat des Diguières, devenu Duc de Lesdiguières , pouvait alors régner en souverain sur un duché de terres et de seigneuries comprenant, si l’on s’en réfère à l’administration actuelle, les communes du canton d’Orcières (Orcières, Champoléon, Saint Jean Saint Nicolas, Chabotonnes), toutes les communes du canton de Saint Bonnet, et 4 communes du canton de Saint Firmin en Valgaudemar (Saint Firmin, Aspres les Corps, Chauffayer, et le Glaizil), soit, au total, un peu plus de 10 000 habitants.

En renvoyant ainsi dans sa vallée natale le bouillant maréchal, la régente Marie de Médicis s’assurait que Lesdiguières consacrerait le meilleur de son temps au développement de son beau duché du Champsaur et qu’il ne gambergerait plus à Paris auprès des comploteurs.

Lesdiguières était comblé. Les plus déçus dans cette histoire furent finalement ses vaillants lieutenants champsaurins qui se voyaient déjà tous ministres dans le gouvernement de la première république française: les Martin de Champoléon, les Roux de Prégentil, les Georges du Serre, les Giraud des Estachis…

 

Hélas, il ne reste de cette faste période que les vastes ruines de son château champsaurin du Glazil , que vous avez sans doute visitées.

(Si l’on ne veut pas trop s’attarder sur les ruines, on peut se consoler en allant voir dans ce coin du Bas Champsaur, deux autres châteaux , réputés surtout pour une gastronomie qui va au delà des tourtons et des ravioles: le restaurant du château d’Aspres les Corps et le restaurant du château des Herbeys). (Fermons la parenthèse)

Revenons au château du Glaizil: nos pires ennemis, les Savoyards, pour se venger du Champsaurin qui leur avait repris la ville de Grenoble et l’avait rendue à la France, ont brûlé en 1692, son château du Glaizil, et incendié 10 945 maisons dans le Champsaur et dans le Gapençais, opérant ainsi une dévastation systématique et odieuse de toute la région.

Ce fut très dur pour le Champsaur,

Traumatisé et exsangue, le Champsaur qui avait été au coeur de l’évolution de la France allait rester plusieurs décennies sous l’éteignoir, occupé à relever ses ruines et à apaiser les haines pour retrouver son unité. Tout était à refaire.

Louis XI, en anoblissant ses meilleurs amis du Champsaur, avait donné aux populations de la vallée un encadrement. On allait retrouver nombre de leurs descendants champsaurins parmi les capitaines de Lesdiguières et même à la cour des rois Henri IV et Louis XIII. A cette époque, la majorité des familles champsaurines étaient nobles et portaient un blason (voir « L’armorial du Dauphiné »).

Hélas, les guerres, les pestes et les révoltes religieuses ou politiques, toutes aussi dévastatrices, allaient décapiter les élites, les populations et le bel élan régional. Le Champsaur, profil bas, repartait à zéro.

Lesdiguières a été le dernier connétable de la France.

Il a trop fait peur à la royauté.
Les futurs rois n’ont plus voulu d’autre connétable.

 

PETITS FILS DE ROIS

Le Champsaur a été assez gâté en personnages, singuliers et de haut rang, qui ont laissé non seulement des traces dans l’histoire mais aussi des traces dans la population.

Je cite : « Là, les traditions ont forgé une race de tempérament et de style et ont donné aux habitants de la vallée un cachet de noblesse qui impressionne toujours l’étranger de passage au pays ».

Quel est donc le mystère de cette race noble qui a tant fasciné l’abbé POUTRAIN, venu de son Nord natal pour évangéliser, dans les années 1940 une vallée en cul de sac!

On aurait pu lui répondre : les traditions, mais aussi le sang.
Et si les Champsaurins étaient tous des petits fils de rois!

La généalogie est à la mode.

On cherche nos ancêtres et qui sont ces ancêtres.

Les généalogistes soutiennent qu’à partir de la sixième génération tous les habitants d’une même région sont parents et ont des ancêtres communs…à plus forte raison dans une vallée fermée, cernée par les montagnes, comme l’est le Champsaur.

Mais qui sont, en fait, nos vrais ancêtres?

 

Remontons très loin.

Commençons par un château.

Le château se dressait sur la colline de Frustelle, près de Pont du Fossé. Il s’appelait Montorcier.

C’était le château d’été des rois dauphins du Dauphiné: un beau château féodal de marbre noir ciselé, entouré de fortifications et de quatre tours carrées où flottaient les bannières aux couleurs et armes delphinales, (hélas totalement en ruines aujourd’hui.) Et c’est dans ce château, réservé aux fêtes, que les rois du Dauphiné prenaient leur quartier, chaque été, avec toute leur cour.

Là, entouré d’hommes d’armes, d’écuyers, d’officiers de bouche, de valets de chiens, de musiciens, sans parler de l’inévitable nain, le roi du Dauphiné Humbert II multipliait les festivités, recevant troubadours, jongleurs, baladins, montreurs d’ours, et organisait tournois, parties de chasse avec meutes et fauconniers.

Humbert II aimait les distractions, les plaisirs et les festins.

Sa table était si somptueuse et si raffinée qu’il n’hésitait pas à donner en cadeau, le 22 juin 1339, à son cuisinier et maître d’hôtel Etienne Roux (pour être certain de le conserver) , le fief voisin de Prégentil, (avec son charmant manoir), qui faisait partie de son domaine royal.

Il recevait beaucoup, conviait et recherchait dans la population environnante spectateurs, spectatrices, gentes dames… et proies faciles.

Avait beau séduire qui venait de loin.

Qui ne succombait pas aux désirs et aux bons plaisirs du roi?

Que de bâtards royaux nés en ce temps là!

(Entre autres, d’après l’« Armorial du Dauphiné », les Gras, qui furent seigneurs de Prégentil, seraient des fils naturels de dauphins).

 

Mais, ce n’est pas tout!

Montorcier tombait, lors de la vente du Dauphiné à la France, dans l’escarcelle royale. Le château du Champsaur devenait alors le lieu idéal pour les récréations et les ébats des nouveaux dauphins.

Imaginons le jeune dauphin, futur Louis XI, régnant en souverain sur le Dauphiné, en pleine force de l’âge, droit de cuissage compris, folâtrant dans la vallée entre 24 et 33 ans, l’âge des passions.

Habile à charmer, il adorait les rencontres, se prêtant volontiers aux expériences et aux amours nouvelles. Il occupait beaucoup de ses temps d’ennui à aimer sur son passage les plus belles de nos Champsaurines.

Combien de bergères ont du être séduites quand le futur roi , autour de sa résidence secondaire, (le château de Montorcier), randonnait dans le Champsaur avec son compagnon de chasse, fournisseur de filles et de gibier, le paysan Martin de Champoléon, (qu’il anoblira par la suite pour services rendus), ou. quand, venant de Grenoble et passant par Orcières, le col de Freissinières et le Val Pute, il se rendait à ses dévotions à Embrun.

Les historiens reconnaissent, pour Louis XI dauphin plusieurs maîtresses officielles. Selon Murray Kendall, l’historiographe de Louis XI, il eut, entre autres, dans la région, comme maîtresse reconnue, Félise Renard qui lui donna des enfants. La famille Renard était installée à Saint Julien en Champsaur.

Et au delà des maîtresses officielles, combien, pendant 7 ans, de maîtresses officieuses et de conquêtes à l’abordage!

Que de bâtards royaux nés en ce temps là! Dont les descendants se sont mariés et entrecroisés dans l’écrin de cette vallée.

 

 

Mais le plus vaillant, en ce domaine, fut certainement Lesdiguières, chaud lapin et coureur de jupons.

Or Lesdiguières assurait qu’il avait une ascendance royale. N’a t’ il pas laissé entendre à son ami Henri IV qu’il descendait de Guigues le Gras, premier roi dauphin du Viennois, et qu’il pouvait lui disputer la souveraineté du pays.

Il se vantait beaucoup.

Selon lui, dans ses conquêtes militaires, comme dans ses conquêtes féminines, personne ne lui résistait.

A Champoléon où la tradition orale s’est maintenue, on retrace encore, dans les soirées, l’itinéraire secret qu’empruntait Lesdiguières, nuitamment, à travers la montagne, pour venir, clandestinement, retrouver ses bonnes amies au fond de la vallée.

Qui pouvait résister à Lesdiguières qui, souvenez vous, avait comme mot d’approche: « Viendrez ou brûlerez! »

 

Que de bâtards royaux et de bâtardes royales, nés en ces temps là…qui sont peut être nos vrais ancêtres!

 

Ainsi, de générations en générations, de conquêtes en mariages, de mariages en naissances, les sangs se sont mêlés, par bâtards et bâtardes interposés, dans cette vallée encaissée, protégée, où l’endogamie était monnaie courante.

 

Il ne serait donc pas anormal de penser qu’aujourd’hui chaque Champsaurin a, dans ses veines, du sang de Louis XI, du sang d’Humbert II, du sang de Guigues le Gras.

…L’ADN le confirmera peut être un jour…

Chaque Champsaurin peut donc penser, si ça l’amuse, qu’il est petit fils de roi. Gamberges, gamberges…diront certains.  Légendes, légendes…diront d’autres…

 

HANNIBAL DANS LE CHAMPSAUR

Mais, autre prétendue légende champsaurine, chaque Champsaurin pourrait penser aussi qu’il a ,parmi ses anciens ancêtres, des soldats d’ Hannibal qui a traversé le Champsaur avec ses éléphants.

 

Deux thèses s’affrontent: il y a ceux qui disent: « Hannibal n’est jamais passé par le Champsaur, on n’a pas trouvé d’os d’éléphant! »

Et il y a ceux qui disent: « Les petits Champsaurins ont toujours entendu leurs parents dire qu’Hannibal avait bien traversé le Champsaur avec ses éléphants… »

Et, dans le Champsaur, on croit ce que disent les parents, même si les événements se sont passés il y a 2226 ans.

 

Voyons les faits.

Voyons les textes.

Hannibal est un guerrier audacieux d’Afrique du Nord. Il veut, par n’importe quel moyen arrêter l’expansion des Romains. Et il pense que, pour attaquer Rome, le meilleur chemin n’est pas la voie maritime Tunis-Rome, mais la route terrestre.

Il rassemble donc à Carthagène, en Espagne conquise, en 218 avant Jésus-Christ, 12 000 cavaliers, 50 000 fantassins et 37 éléphants , résistants et rapides.

Et tout ce monde part vers la Gaule, traverse les Pyrénées, longe le Languedoc, s’approche de Marseille.

Là, Hannibal se rend compte que Marseille, la Grecque est plutôt fidèle à Rome et Hannibal n’est pas pressé d’affronter les légions de Scipion.

Il décide alors, si l’on s’appuie sur les récits de Polybe, de «marcher le long des fleuves et des rivières jusqu’à leur source».

La longue troupe remonte donc le Rhône jusqu’à son confluent avec l’Isère . Puis, « elle s’avance vers l’Orient, comme si elle faisait route vers le centre de l’Europe. »

L’écrivain latin Tite-Live précise qu’ « après avoir remonté le cours de l’Isère et être arrivée vers Grenoble, la troupe traverse le pays des Allobroges et se dirige vers le territoire des Tricorii…avant d’arriver à la Druantia »

Or, qui sont les Tricorii ? Les Tricorii sont les habitants des trois régions: le Trièves, le Valgaudemar et le Champsaur qui occupent la haute vallée du Drac.

Hannibal suit donc cette route et arrive à Puy Maure (le col de Manse) où il installe son campement sur le plateau. Il envoie des émissaires à Gap pour s’informer de la situation et aussi pour ramener du ravitaillement pour ses soldats.

Il apprend alors qu’il n’a pas intérêt à poursuivre vers Gap et Embrun, où la population , liée aux Romains, est très dense et lui est hostile, où la Durance est capricieuse et dévastatrice, et où les chemins sont impraticables.

Il change de cap, préférant une route plus courte, plus sure, chez une peuplade plus indépendante.

Il se renforce dans son idée première : suivre les fleuves et les rivières jusqu’à leur source.

TITE LIVE (XXI,31), (que l’on peut consulter, comme moi, à la Bibliothèque Nationale ou à la Mazarine), écrit: « Hannibal se détourna sur la gauche vers le pays des Tricastins et, côtoyant l’extrème frontière des Voconces, il pénétra sur le territoire des Tricorii… jusqu’au bord de La Durance. »

Hannibal remonte donc le Drac avec son immense armée de cavaliers, de fantassins, d’éléphants, et, sous le regard épouvanté des habitants, traverse La Plaine de Chabottes, Pont du Fossé, part vers Orcières, s’engage dans la montée qui va vers le lac des Estaris, par un chemin étroit, raboteux, longeant des précipices.

Arrivé là, dans un cirque encaissé, cerné de roches rousses, de dalles et de rochers blanchâtres et de terres blanches, il décide de « camper au pied des montagnes. »

Hannibal constate que, finalement, jusque là, son armée n’a pas eu de très gros problèmes dans sa traversée des Alpes. Elle arrive , avec les éléphants, au point culminant. (On peut aujourd’hui se rendre compte – les touristes qui vont à Orcières-Merlette prennent la même route – qu’un passage d’éléphants le long de la montagne n’est pas quelque chose d’impossible.)

Hannibal, donc, parvenu là, sur un plateau d’une douzaine d’hectares, fait allumer des feux et octroie un peu de repos à son armée, en attendant les traînards.

 

Mais c’est là, sur le plateau des Estaris, que les vrais problèmes vont commencer.

 

Le plus inattendu: une attaque surprise à rebrousse poil venue de Gaulois réunis à Champoléon qui passent, malgré les ravins et les précipices, par le col de Prèles, dévalent en trombe des crêtes de Prèles, font rouler des rochers et tombent sur les Carthaginois , les surprennent, commencent à les massacrer, à les disperser, et tentent de voler du butin.

La bataille est assez sanglante. mais Hannibal est un bon stratège . Il parvient à rassembler son armée et les Carthaginois prennent finalement le dessus.

Les Gaulois restants sont obligés de se rendre. (Le col de Prèles doit d’ailleurs son nom à cette bataille: « proelium » signifiant, en latin: « combat ».)

Que faire de tous ces prisonniers? Hannibal imagine alors, pour récompenser ses soldats vainqueurs de leur offrir du beau spectacle, quelque chose d’assez épouvantable.

Il organise donc des duels terribles entre les montagnards vaincus: un Gaulois contre un Gaulois. Ne peuvent avoir la liberté que ceux qui la gagnent par le courage…

L’horrible spectacle de tuerie entre frères, cousins, amis, dure toute une soirée… La moitié d’entre eux périssent. Et les vainqueurs, sont délivrés pour le prix de leur victoire…

Hannibal dit alors à ses soldats: « Je vous ai donné ce spectacle pour que vous appreniez à combattre avec autant de valeur et autant d’adresse qu’en avaient les Tricorii. »

 

Orgies, et repos du guerrier bien mérités, s’en suivent.

Les Carthaginois repartent, le lendemain,vers le col de Freissinières et Dormillouse.

 

Et c’est alors, en redescendant vers Freissinières, que l’armée carthaginoise va s’engager dans des sentiers fort malaisés et dans des défilés particulièrement redoutables.

Les pentes sont escarpées, les ravins sont profonds, des éboulements obstruent le passage.

Il faut dégager la piste, abattre des arbres, élargir et adoucir la piste pour permettre le passage des éléphants, détacher les blocs en suspension en embrasant la roche et en l’imprégnant de vinaigre bouillant pour la faire éclater.

De plus, intempéries et chutes de neige s’en mêlent.

La population n’est ni accueillante, ni coopérative.

« Dans cette région, raconte Polybe, les Carthaginois sont terrorisés par les neiges qui semblent se confondre avec les creux, par les huttes grossières suspendues aux pointes des rochers, par des hommes sauvages et hideux, par une nature inanimée presque engourdie par la glace. »

C’est la catastrophe, mais, tant bien que mal ce qui reste de l’armée carthaginoise progresse à coups d’efforts surhumains , dans une nature terriblement hostile, pour finalement gagner, au pied de la montagne de La Bessée, la vallée de la Durance .

L’historien Jacques Auguste de Thou indique que c’est dans la montagne de La Bessée, (près de L’Argentière), dite « Saltus Annibalis », que le héros carthaginois éprouve les plus grands obstacles.

« Hannibal, à partir de la Druantia, arrive au bas des Alpes par une voie qui est en majeure partie une route de plaine » (Tite Live , XXI, XXXII, 6).

Sa troupe n’éprouve aucune difficulté jusqu’à Briançon et le col du Mont Genèvre, pour arriver en Italie où les Romains ne l’attendent pas mais où il doit encore rencontrer les Taurini.

Son effectif est réduit de moitié.

Tous les éléphants sont morts , sauf un, qui devient la monture d’Hannibal.

Telle est l’histoire d’Hannibal vue par les Champsaurins.

 

LES ARABES MAITRES DU CHAMPSAUR

On pourrait aussi parler de ces Arabes qui ont été les maîtres du Champsaur.

On trouve en effet que certaines familles du Champsaur (notamment dans les fonds de vallées) ont conservé un type maure.

Faut-il , pour l’expliquer, remonter à ce qui s’était passé dans notre vallée à la fin du premier millénaire?

Après la défaite qu’elles avaient subie à Poitiers face à Charles Martel, les bandes maures pourchassées s’étaient retirées vers le sud-est, et les Arabes, en déroute, s’étaient finalement réfugiés dans les fonds de vallées, dans celle du Champsaur principalement.

Ils avaient installé, notamment dans les rochers et cavernes de Corbières, des positions inexpugnables. De là, ils pouvaient attaquer voyageurs et paysans.

Leur endroit de prédilection se situait à quelques kilomètres en amont de Pont du Fossé, à l’embranchement des deux Dracs, où l’on garde encore le souvenir d’une tour sarrasine dont les murs épais de deux mètres étaient encore visibles au 19 ème siècle.

C’est près de là que se situe le petit hameau que l’on appelle « Le Mayeul », en souvenir de Saint Mayeul, abbé de Cluny, qui a été capturé là par les Sarrasins, en 974 , alors qu’il revenait de Rome, à pieds, avec des pèlerins, après être passé par le nord de l’Italie, le col de Freissinières, Orcières, les Tourrengs .

Là, dans un guet-apens , les Sarrasins se saisissaient de Mayeul, blessé au bras par une flèche, puis le jetaient en prison.

Mayeul n’était rendu à la liberté qu’au bout de 24 jours , après avoir reçu et versé une rançon de mille livres d’argent.

Il fallut cette capture pour que les Comtes de Provence entreprennent une guerre pour chasser les impies du Champsaur.

 

LE BRASSAGE DES POPULATIONS

Des impies… Mais, dans les fonds de nos vallées, (où sont venus les rois) se sont aussi réfugiés des bandits, des malfrats, des déserteurs, des traîtres, des proxénètes, des anarchistes, des révolutionnaires…

et, maintenant, quantité de braves gens, comme vous, avec qui la cohabitation est bonne et fructueuse.

 

Le brassage des populations se poursuit …

 

A vous d’apporter un nouveau paragraphe à la future histoire du Champsaur!

 

A chacun ses rêve!

A chacun son avenir!

 

Bienvenue… Et beaucoup de bonheur et de découvertes pour vous tous dans le Champsaur!

 

M. Robert Faure.

 

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5 comments

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