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La Résistance de janvier 1942 à septembre 1943
Les Italiens vont occuper la région jusqu’au 8 septembre 1943, date à laquelle ils devront partir et laisser la place aux Allemands. Sans le savoir, les Français ont donc quelques mois pour s’organiser avant l’arrivée de cet ennemi autrement redoutable.
La Résistance se renforce.
1/ Comme nous venons de le voir les communistes rentrent massivement dans la Résistance après la rupture du pacte de «non-agression» par les Allemands face à l’URSS.
2/ Depuis le débarquement des Alliés en Afrique du Nord (1942), les Allemands ont volontairement démobilisé les militaires français. Les casernes doivent fermer et les soldats en grand nombre rejoignent non pas leur domicile mais le maquis, avec leur savoir faire. C’est ainsi que l’on voit arriver en 1942 surtout à Champoléon, certains grands noms de la Résistance : le lieutenant Paul Marie Radius (chef régional de l’ORA), ses amis le lieutenant Jean-Bernard Rouxel et le sous-lieutenant Vollaire (qui deviendra le bras droit de Paul Héraud pour la formation des jeunes), le capitaine Henri Baudel qui supervisera dans bien des domaines Champoléon et qui éditera plus tard la revue « Maquisard », le colonel Daviron, le lieutenant René Pellegrin, le lieutenant Raymond Grandjean, le sergent Aimée Roux (qui intégrera la Trentaine PIOT car il habitait sur le secteur), et bien d’autres.
3/ Mais c’est le «Service du Travail Obligatoire » institué le 16 février 1943 par Laval qui fournit le plus grand nombre de jeunes Résistants aux FFI du Champsaur. Ces jeunes rejoignent surtout le maquis de Champoléon (centre le plus important) mais également celui du village de Saint-Jean, celui de Saint Firmin, des Barraques….. Certains STO rallient la Résistance mais d’autres se cachent dans les montagnes ou dans des familles d’accueil.
4/ On peut également citer les jeunes Alsaciens qui refusent d’intégrer l’armée allemande et qui rejoignent la Résistance. Ce fut le cas à Saint Firmin, à Saint Jean (30 alsaciens environ), à Champoléon, dans toute la vallée. Certains ont appris plus tard que leur famille en Alsace avait été déportée suite à leur désertion ! On se rend compte que les Allemands ne laissaient rien au hasard. Cette information peut faire réfléchir: entrer dans la Résistance c’était une chose, engager sa famille en était une autre.
5 / De nombreux juifs prennent les armes et entrent dans le Maquis. Malheureusement certains groupes de maquisards ne leurs feront pas très bon accueil. A Champoléon tout se passera bien.
Trentaines et Maquis du Champsaur, un essor difficile
…entre 1942 et 1943
Concernant cette période, Richard Duchamblo nous met en garde en 1946, juste après la guerre «Comment raconter clairement ce que fut ce réel assez confus, mettre de l’ordre dans ce désordre d’actions et de groupes divers, … où certains agirent de leur propre initiative, sans même tenir compte des préparations minutieuses de leurs chefs… ». Duchamblo avait pourtant vécu tous ces évènements parmi eux de 1939 à 1944.
Nous allons donc tenter d’être clair à notre tour, 75 ans plus tard, sans être simpliste pour autant !
Les Trentaines en 1942-1943
Elles sont largement coordonnées par Paul Héraud. Il ne manque pas de fil à retordre. Non seulement les Trentaines ont des difficultés de recrutement, de mise en route, d’armement, mais également de hiérarchies partagées. D’un côté elles peuvent appartenir à une mouvance nationale telle que les FTP (Francs tireurs communistes), le groupe Combat, l’ORA, l’AS (plutôt militaire), mais de l’autre elles sont quand même soumises dans le Champsaur à une seule direction bicéphale : Paul Héraud et le colonel Daviron. On comprend mieux la survenue de dissensions car les directives nationales du partie communiste (FTP) par exemple n’étaient peut-être pas toujours celles de la Résistance des Hautes-Alpes !
Quelques Champsaurins m’ont signalé également qu’il y avait des tiraillements entre les FTP communistes et les jeunes issus du scoutisme ou encore certains militaires catholiques. Ils avaient du mal à se supporter.
Mais aussi d’un village à l’autre les sensibilités politiques différaient. Par exemple, le village de Chaillol avait la réputation d’être plutôt de droite (voire Pétainiste) et Mollines plutôt de gauche. Paul Héraud devait composer avec toutes ces variantes et ce n’était pas simple.
Heureusement ces Trentaines auront toutes le même objectif à partir de 1942 et seront formées par les même militaires libérés de leurs obligations. Grâce à ces derniers, les connections s’établissent entre Maquis et Trentaines. Le colonel Daviron (surnommé Ricard) chef de toute la Résistance et Paul Héraud (surnommé Dumont) iront de groupe en groupe dans toute la vallée pour superviser cette constellation hétéroclite… et le résultat sera excellent puisque le 20 Août 1944 ils arriveront à libérer Gap.
Paul Héraud, qui faisait partie des Francs-Tireurs en 1942 et du MUR en 1943, organisera plusieurs opérations très efficaces de sabotage dans le sud-est avec ces hommes venant de tous les horizons.
Le Maquis (à proprement parler) nait vraiment en 1942 :
Bien que relevant parfois des même mouvances que les Trentaines, les Maquis seront composés d’hommes venus de l’extérieur à la région (soldats libérés en 1942, Juifs, Alsaciens, jeunes du STO, jeunes qui sont recherchés, Espagnols en mal de vengeance, quelques Tunisiens …comme nous venons de le voir).
La plus grosse concentration de Maquis se trouvait dans la petite vallée de Champoléon avec le groupe des Garnauds, des Méollions (prononcé Méoullions car en Occitan le O est prononcé OU), des Tourronds, des Borels. Toute la population de la vallée était solidaire autour d’eux.
Le capitaine Conan (Henri Baudel) assurait le commandement de l’ensemble des camps de Champoléon, aidé par Angel Amar (issu du 159eme RIA de Gap).
Puis chacun de ces camps avait à sa tête un militaire. Le lieutenant Radius (tout jeune Saint Cyrien, membre de l’ORA puis de l’AS) et son ami le lieutenant Rouxel dirigeaient les Méollions. Pierre Poutrain (le frère de Louis, le curé de St Jean) dirigeait les Garnauds. Le curé des Borels (l’abbé Robin surnommé Ludovic dans la Résistance) s’occupait de la logistique (plaque tournante de tout le matériel) au cœur même du village. Ces camps avaient la visite régulière du colonel Daviron responsable de tout le Champsaur, du capitaine Henri Baudel, du colonel Sapin, du colonel Descours, du capitaine Lecuyer…
Non loin de Champoléon, au village de St Jean, le Père Poutrain accueillait également de nombreux jeunes qui devenaient ensuite maquisards.
La vallée de Champoléon
Sur les hauteurs, cette vallée était truffée de Maquisards. Vu le lieu (il s’agit d’un cul de sac) et les hautes montagnes, on comprend le choix des maquisards. Pourtant en septembre 1943, les Allemands les attaqueront là-haut, dans leurs camps. Prévenus par un gendarme, tous arriveront à s’échapper ! Un seul camp sera épargné : les Garnauds (dirigé par Pierre Poutrain) dont les Allemands semblent avoir ignoré l’existence.
Une population acquise à la Résistance
Les spécialistes de 39-45 affirment que le Champsaur a été un lieu de Résistance vigoureux. Or il n’y a pas de Maquis valable sans qu’il ne soit soutenu par une population favorable.
C’est vrai, les Champsaurins ont eu parfois la réputation d’être regardants et méfiants à l’égard de tous ces jeunes inconnus qui circulaient dans la vallée en ces temps difficiles. Cette méfiance, malgré tout bien justifiée, ressort dans certains écrits. Ces jeunes étaient-ils des collabos, des mouchards, des fuyards, des chapardeurs de récoltes, des Résistants, des STO…? L’époque était dangereuse et les habitants ne donnaient pas facilement leur confiance. Mais ensuite, lorsque la personne était bien repérée et adoptée alors les cœurs étaient ouverts et les langues se déliaient. Pierre Poutrain en fut témoin. Responsable du Maquis des Garnauds, il s’occupait surtout de l’approvisionnement. Les débuts ont été difficiles mais ensuite tout le monde lui ouvrait sa porte très volontiers et l’aidait. Il était très aimé car c’était un homme de grande envergure et d’une amabilité sans faille. Grâce à lui (et la population) les 50 jeunes Résistants pouvaient manger tous les jours à leur faim malgré la pénurie générale.
Certaines familles champsaurines sont allés jusqu’à accueillir des jeunes en difficulté, recherchés par les Allemands. Ce n’était pas sans risque ! A Chauffayer par exemple deux familles juives ont été cachées par Jean Jourdan, instituteur. Ces deux familles ont été sauvées. La famille de Marcel Rodrigue a vécu une véritable errance dans la vallée de Champoléon mais jamais abandonnée par la population (trahie une fois auprès des Allemands suite à une bévue consternante : voir plus loin leur témoignage). Autres exemples : à Poligny de nombreux jeunes ont été accueillis par la famille d’Aimée Roux car leur ferme était isolée au pied du Mont Moutet, le père Louis Poutrain (curé du village de St Jean et frère de Pierre Poutrain) a accueilli jusqu’à 50 jeunes. Il a été arrêté par les Allemands le 13 novembre 1943 et déporté. La famille de Paul Motte aux Alliberts a également caché des Résistants (Emile Bertrand et Henri Baume) qui la nuit dormaient dans la petite chapelle des Alliberts. Nous pouvons citer aussi l’abbé Robin qui accueillait des jeunes dans son presbytère des Borels avant qu’ils ne partent vers le Maquis !
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Cliché inédit, aimablement transmis par Mme Claudette Roux-Laurent. Il a été pris par sa famille à Poligny alors que les jeunes étaient accueillis chez eux.
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Comment Trentaines et Maquis recrutaient-ils ?
Pour les Trentainesévidemment tout se passait par connaissance, par amitié, par affinité politique, de village en village. Les choses étaient discrètes et se faisaient en toute confiance.
Pour le Maquison peut parler de filières et de prudence extrême. Je vous livre un témoignage intéressant concernant Ange Zanotti et son beau frère Henri Reynereau qui m’a été adressé par son fils : « Mon père et mon oncle ont rejoint le maquis du Champsaur en Juin 1943. Ils étaient domiciliés tous deux à Draguignan dans le Var. Quand ils ont reçu la lettre de route du STO pour aller travailler en Allemagne, ne voulant pas être enrôlés de force, ils ont décidé de prendre le maquis.
Ne sachant absolument pas comment faire, discrètement dans leur entourage, ont leurs a conseillé de s’adresser à monsieur X installé comme artisan boucher dans la ville.
Ils sont allés le voir tous les deux à la tombée de la nuit dans la plus grande discrétion car tout le monde doutait de tous. Ce boucher de Draguignan a d’abord tout nié, et ce n’est que quelques jours plus tard qu’il les a recontactés, après sûrement s’être renseigné sur eux et sur le maquis.
Il leurs a dit qu’ils devaient se rendre à GAP par leurs propres moyens, et là-bas se rendre dans un bar sur la place principale où après un échange de mots de passe, on leurs a dit de se cacher pour la nuit. Le lendemain une personne est venue pour les conduire vers un groupe dans les montagnes alentours. Voila comment ils se sont retrouvés dans le Champsaur. Mais le voyage n’était pas terminé.».
Partis de Draguignan, les 2 compères arrivent dans les Alpes.
«Ange Zanotti et Henri Reynereau ont quelques difficultés a trouvé le camp des Méollions. Depuis 3 jours ils rodent dans la région sans trouver. Toutefois à leur entrée dans la vallée de Champoléon tous les deux ont été repérés et signalés. Madame Bernard des Borels (village principal) est prévenue… attention deux jeunes arrivent.
La vallée de Champoléon.
Ils arrivent enfin un soir chez l’abbé Robin (curé des Borels), et lui demandent l’hospitalité ainsi que la route des Méollions. L’abbé Robin prend de haut la nouvelle d’un camp aux Méollions. Mais comme il est tard il leurs indique une ferme où ils peuvent être hébergés. Le lendemain matin, il les reçoit les questionne et en cachette prévient le camp des Méollions. Différentes personnes interrogent à leur tour ces 2 jeunes. Sont-ils des Résistants ou des mouchards ? Ce qui inquiète le curé c’est qu’ils arrivent d’une filiaire inconnue. Finalement après deux jours de pourpalers pendant lesquels ils sont consignés, on leurs présente enfin le lieutenant Rouxel et le lieutenant Vollaire. Ensuite les nouveaux venus sont vêtus, chaussés, récupèrent un sac à dos… La cure se révèle alors un magasin d’habillement fort complet. »
Ce que nos deux jeunes ne savent pas, c’est que sous le plancher de la crypte se trouvent 107 fusils. Lorsque les Allemands quelques mois plus tard feront une descente musclée dans ce presbytère, ils ne trouveront rien. Ces fusils sortiront de leur cache juste avant la libération de Gap le 20 Août 1944.
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L’église des Borels où les 2 jeunes ont été accueillis avant de monter dans le camp des Méollions.
Mais l’épreuve n’est pas terminée pour nos 2 compères :
« C’est à la nuit tombante seulement qu’ils montent aux chalets de Méollions. Zanotti et Reynereau ont noté l’impression pénible de cette montée dans l’obscurité et cette arrivée aux Méollions. L’aspect du lieu est sinistre la nuit. »
Toute une mise en scène est en place pour tester ces 2 jeunes. Voici leur témoignage :
« Nous contournons les chalets. L’entrée est là ! Dans une salle basse, mal éclairée par une bougie, des hommes se tiennent autour d’un poêle-cuisinière. C’est lugubre. L’un d’eux a la tête et les bras entourés de pansements : il geint. Les présentations sont faites. C’est un sergent d’active Toto (Desprez)… puis on leurs présente un être hirsute, en traillis, un tôlard … Mais l’épreuve a une fin. Les maquisards ont pu juger les réactions de leurs nouveaux camarades. Le lendemain, la farce est dévoilée, blessé et tolard sont joyeux et en bonne santé.
Ce matin là, le lieutenand Rouxel s’approche des arrivants et leur souhaite la bienvenue, puis demande les noms. Sans hésiter les 2 nouveaux déclinent leur identité : « Reynereau Henri – Ange Zanotti » Non pas le vrai leur dit ce gradé, mais celui de guerre. Dix secondes pour trouver « Grimaldi – François ». Très bien venez manger. Les autres jeunes leurs font alors un accueil inoubliable. »
Ange Zanotti est décédé le 23 février 2013.
Ce long témoignage est intéressant car il montre à quel point les contacts étaient difficiles à trouver et les filières secrètes, cloisonnées. Les premiers contacts étaient disséminés dans la ville et pouvaient être boulanger, boucher, artisan (Clément à Gap), médecin (je pense au Dr Ramadout à Chorges et au Dr Coronat à Gap qui s’occuperont des soins médicaux auprès des Résistants), curé, voire entreprise avec pignon sur rue comme la maison Farçat qui livrait du fuel ou de l’essence (elle était truffée de Résistants), ou le service des « Eaux et Forêts ». Ces points de contact citadins connaissaient eux la conduite à tenir pour l’étape suivante mais pas plus.
Par contre, quand la nouvelle recrue arrivait dans la filière, la prudence était à nouveau extrême. Le groupe du père Louis Poutrain a été malheureusement trahi en septembre 1943 par un mouchard (un certain Grasset) dont il ne s’était pas assez méfié. Une fois accueilli, de nuit il avait pu découvrir dans le presbytère les faux papiers que préparait le Père avec l’aide de la Préfecture. Le même Grasset fit arrêter en décembre 1943 une vingtaine de jeunes réfractaires au STO à St Firmin, organisa la descente dans le village des Combes le 5 janvier 1944 et encore lui qui dénonça les camps de Champoléon en allant jusqu’à donner des photos. Il en fit autant dans la vallée de Briançon et de l’Ubaye. Chaque fois ces arrestations ont fait suite à des manques de prudence.
Et les traitres ne manquaient pas en cette époque troublée. On peut citer Léon Michel également qui a été embauché par l’entreprise Farçat comme Résistant et qui devint plus tard un collabo notoire.
En voici l’histoire succincte. Alors qu’il travaillait dans cette entreprise, il est arrêté le 23 novembre 1943. Devant l’effroi de la torture ou de la déportation (qui pourrait le lui reprocher ?) il a accepté de changer de bord et de devenir agent de la Gestapo. Donc, à la surprise de tous, il est relâché très vite après son arrestation. Malheureusement il devint zéler dans sa nouvelle tache ! Il va trahir certaines familles, racketter des familles juives, faire du marchandage ignoble… Par contre il ne trahira pas ses anciens collègues de travail qui sont Résistants. Certains diront qu’il n’y avait pas que du mauvais en lui. A la libération il sera exécuté par les Français le 7 juin 1945. Ariez, chef de la Trentaine d’Ancelle, avait même de l’estime pour lui et des Champsaurins ont regretté sa condamnation à mort, jugée comme excessive.
Il y aura également comme collabo notoire, un certain Vallet qui aidera les Allemands dans leur tâche, et Pierre Poutrain sera arrêté par lui.
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Les deux grandes portes d’entrée dans le Maquis.
Une fois le premier contact établi en ville, il fallait donc trouver le Maquis. Ce n’était pas toujours simple. Où le trouver ? Il y avait quelques balises, quelques personnes volontairement plus repérables…qui prenaient de gros risques. Je crois qu’on peut citer en premier lieu le curé du village des Borels (à Champoléon), le Père Robin qui s’occupait de stocker pour les 4 camps de la vallée, la nourriture et l’armement. Ce prêtre est cité en tout premier lieu car il était en quelque sorte la vitrine de la Résistance, connu de tous. On savait où le trouver. Bien-sûr il était chapeauté par la hiérarchie militaire des camps, et encore plus par Daviron et Héraud. Mais en terme de filières il était en quelque sorte le premier contact. Fin 1943, les Allemands sont arrivés à son presbytère mais n’ont pas pu l’arrêter faute de preuve. Les soldats par leur poids faisaient craquer le parquet où étaient cachés les 107 fusils. Très inquiet, le prêtre avec une fausse naïveté leur demanda de sortir de la pièce « par peur de casser le parquet ! »…et les Allemands ont accepté la demande et sont sortis.
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L’église de Saint Jean.
La deuxième filière a été bien-sûr celle du Père Louis Poutrain curé dans le village de Saint Jean (commune de Pont du Fossé). On est dans le même cas de figure que le père Robin. C’était un premier contact mais il a pris d’énormes risques. Ce prêtre avait fondé en 1941 un lycée professionnel (menuiserie) où il avait fini par accueillir près de 50 jeunes (STO, juifs, Alsaciens….) à ses risques et périls. Nous raconterons plus loin son arrestation et sa déportation en septembre 1943. Il en est revenu …cachectique.
En réalité ce lycée était très vite devenu un tremplin, une plaque tournante, une filière pour la Résistance. Le Père poussait ces jeunes à rejoindre ensuite les vrais Maquis perchés dans la montagne. Il disait lui-même qu’il avait du mal à comprendre qu’un jeune n’intègre pas le Maquis et ne prenne pas les armes pour défendre son pays. Bien-sûr, il les laissait libre de leur choix.
Puis les jeunes intégraient les Maquis.
Présentation des 4 camps de Champoléon
Cette photo est exceptionnelle. Elle a été prise le 11 novembre 1943. Les Résistants fêtent avec le colonel Daviron l’armistice du 11 novembre 1918 au camp des Tourronds dans la montagne. Le 12 novembre 1943 (le lendemain) le camp sera attaqué par les Allemands. Les maquisards prévenus par la gendarmerie, ont pu rapidement cacher le matériel et s’échapper avant leur arrivée. A la libération cette photo a été retrouvée dans les affaires de la Gestapo laissées sur place à Gap. Mystère ! La pellicule a-t-elle été récupérée par les Allemands au moments de leur attaque ? Certains ont affirmé que c’était le jeune Grasset qui l’avait transmise aux Allemands.
« Les camps de base étaient joyeux et pleins d’amitié » (Richard Duchamblo)
Le père Louis Poutrain, en les voyant s’entendre si bien, prêts à rendre service à tout moment et parfois au péril de leur vie, disait d’eux dans son livre « La déportation au coeur d’une vie », « Quelle belle jeunesse… »
Richard Duchamblo va dans le même sens : « Ses compagnons de Résistance étaient pour la plupart des héros qui n’hésitaient pas à risquer leur vie. Mais, les coups durs une fois passés, ils se reposaient en savourant les plaisirs de la vie. »
Parmi ces militaires, ils y avaient beaucoup d’anciens scouts, et « les veillées étaient magnifiques, avec un grand feu, des chants, des histoires où tous riaient bien volontiers. »
Je vous livre également le témoignage d’un ancien Résistant « L’amour de la Patrie et l’esprit de la Résistance nous unissaient vraiment. Radius et Rouxel étaient vraiment des chefs…..des hommes trempés durs. A cette qualité s’ajoutait celle de la gentillesse. Je n’ai jamais vu d’aussi chics garçons. Mes copains et moi nous nous serions fait hacher pour eux. Radius était infatigable. Il marchait jour et nuit, s’occupant de notre ravitaillement. Souvent il arrivait tard la nuit, haletant sous son sac tyrolien lourdement chargé… »
« …ces chefs savaient se faire obeir et se faire aimer. Nous avions une entière confiance en eux et nous serions allés à la mort s’ils l’avaient demandé……abnégation, dévouement, patriotisme…. »
« Ah notre lieutenant Paul Radius ! …..monsieur Paul, comme nous l’appelions était d’une gentillesse et d’une loyauté » (Etienne Rougny)
« Radius et Rouxel étaient d’une activité débordante, plein d’entrain et de gaieté. Pour nous ils ont été mieux que des chefs, mieux que des guides, ils ont été l’âme de l’équipe… ».(Desprez-D’assas)
Après la guerre, beaucoup d’anciens Résistants diront avec force que ces camps de Champoléon (menés par Rouxel, Radius, Poutrain et Vollaire…) leurs avaient laissé un souvenir extraordinaire, inoubliable mais qu’ensuite, mutés à Chorges, à la Bégüe ou dans le Dévoluy, l’ambiance n’avait pas été aussi exceptionnelle.
Dans plusieurs documents les auteurs insistent pour dire que le rythme dans les camps de Champoléon était très soutenu, qu’ils avaient vocation à former des soldats et non des «planqués». Effectivement, en d’autres régions, certains jeunes voulaient seulement éviter d’aller travailler en Allemagne. Ils se cachaient donc dans la montagne, sans autre but. Ces jeunes vivaient de la générosité des gens du lieu ou de rapines mais n’avaient aucun but militaire.
A Champoléon, rien de cela, ce sont des camps de jeunes Résistants, qui demandent à reprendre les armes et à être formés.
Un autre point peut surprendre : c’est la grande pratique religieuse. La prière était quotidienne, la messe fréquente. Lorsqu’ils avaient un peu de temps, en 1943, ils sont allés reconstruire une petite église au Chatelard qui était en ruine. (voir photo plus loin)
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Cette photo date de février 1943.Il s’agit du groupe de résistants du Maquis des Garnauds à Champoléon. Les Garnauds accueillait 20 jeunes environ. Pierre Poutrain (le frère du Père Louis Poutrain) debout, deuxième à gauche fut capturé dans la cabane où il se cachait et fusillé le 19/06/1944. Nous parlerons d’eux un peu plus loin.
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Un petit mot de M. Paul Motte concernant cette photo:« Je suis vraiment étonné de voir que des personnes aient eu le courage de faire des photos à cette époque où la peur nous habitait. C’était très compromettant tant pour le photographe que pour le laboratoire qui développait. Heureusement pour l’histoire, ces documents éxistent.»
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Mais que faisait le Maquis en 1942-1943 ?
Je vous livre un témoignage étonnant reçu d’un fils de Résistant du Champsaur. « D’après ce que m’en a dit mon père, au début ils étaient un peu livrés à eux-mêmes sans véritable commandement. Mon père faisait les liaisons à travers les montagnes à pieds entre les camps alentours.
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Ils se nourrissaient des aliments donnés par quelques paysans du coin proche des maquisards, de chasse au collet pour économiser les munitions et certaines fois en chapardant de la nourriture dans les fermes. Ils étaient très mal armés, peu de fusils et peu de munitions ».
Un Champsaurin à qui j’ai lu ce témoignage a été très surpris. Il m’a affirmé que dans le Champsaur il n’avait jamais entendu parler de vol ou de chapardage dans les fermes et de rajouter « dans d’autres régions de France oui, mais à ma connaissance pas dans le Champsaur.»
Autre témoignage contradictoire en apparence
«Voici donc le planning d’une journée habituelle :
Lever tôt le matin, prière, lever du drapeau, entraînement militaire, sport. Chacun à son tour s’occupait du repas de midi et des différentes corvées. L’après-midi entrainement militaire ou selon sa mission (ravitaillement, réparation, message à transmettre à d’autres camps, …) tous étaient très occupés. Prière le soir et ces fameuses veillées qui ont laissé des souvenirs inoubliables ».
Ces 2 témoignages sont en apparence discordants mais ne concernent pas la même période. Le premier date de début 1942 en l’absence totale de hiérarchie militaire. Le deuxième nous montre les camps tels qu’ils étaient fin 1942, lorsque les militaires sont libérés de leurs obligations et arrivent dans la région. Paul Marie Radius, Pierre Poutrain, Jean Bernard Rouxel, le sous-lieutenant Vollaire, Henri Baudel … tous ces jeunes militaires vont mettre de l’ordre et un esprit militaire dans les camps.
Voici la mission de ces camps de maquisards
1 / Récupération des armes …
Le premier travail des maquisards a été de récupérer toutes les armes du secteur. Il s’agissait d’une mission dangereuse pour eux-mêmes et pour la population qui y contribuait. Certains paysans avaient caché leurs armes dans de vieilles remises, ou les avaient enterrées à distance de la ferme. Toutes étaient récupérées. Le curé de Champoléon, l’abbé Robin, nous l’avons vu, avait pu cacher dans son église les fameux 107 fusils Lebell. Fin 1943, les maquisards recevront du matériel beaucoup plus moderne, grâce aux parachutages des Alliés, matériel qu’il faudra aller récupérer en montagne dans des conditions difficiles à cause de la neige. Le premier, à notre connaissance a eu lieu en septembre 1943 à l’Adroit de Pontis pas très loin de Serre Ponçon. A partir de 1944 il furent nombreux : Ancelle, Saint Jean….mais ils étaient aussi destinés aux maquis des Basses Alpes, du Vercors, du Devoluy, de l’Isère… Vous trouverez un peu plus loin la liste de ces parachutages.
en 1944.
2 / la formation des futurs combattants
Au fond de cette tablée, Paul Marie Radius indiquée par la flèche et son ami JB Rouxel à sa droite.
Trois jeunes Saint-Cyriens, Jean-Bernard Rouxel (22 ans), Paul-Marie Radius (22 ans) et le sous-lieutenant Vollaire ont formé les jeunes de la vallée (maquis et trentaines) aux maniements des armes. Ils s’entrainaient soit dans la vallée de Champoléon, soit dans le village de Saint-Jean, non loin de la cure du père Poutrain.
Le groupe de Résistants de Prégentil.
Photo des jeunes Alsaciens cachés par le Père Louis Poutrain, extraite du livre du Père Louis Poutrain « la déportation au coeur d’une vie ».
De gauche à droite : Emile Arnaud, René Baumann, Pierre Poutrain, Léon Specklin, Armand Hengy, Henri Parmentier (tué au combat à Laye le 17/07/1944). La plupart de ces jeunes logeaient au presbytère de Saint Jean puis rejoignaient le Maquis de Champoléon pour l’entrainement. Certains ont participé en 1944 (après la fermeture du lycée par les Allemands) au combat de Laye organisé par la Trentaine de Saint Laurent du Cros. Nous y reviendrons plus loin.
A propos également de ce groupe, je cite les écrits de Léon Specklin (22 ans à l’époque) « A Champoléon, il y avait deux camps de maquisards (en réalité, il y en avait quatre), un aux Tourronds et un autre aux Méollions. Le groupe de Prégentil se joignait souvent à eux. Un matin nous nous sommes retrouvés dans les bois au dessus du pont de Corbières, nous présentions les armes au Colonel Descours, un des commandants du Vercors. Le soir nous avons transporter des armes cachées dans une grotte et nous les avons déposées avec l’aide des 2 maquis dans une cachette non loin des Borels. Un autre soir nous eûmes aux Garnauds la visite du père du sous-Lieutenant Vollaire, un ancien colonel de réserve… Il nous disait son espoir d’une victoire prochaine, et nous rappelait que nous aurions une carte importante à jouer. Les responsables militaires savaient qu’ils pouvaient compter sans réserve sur les jeunes Résistants de la vallée. »
Ce texte nous fait découvrir que la hiérarchie militaire du Vercors visitait aussi la Résistance du Champsaur, que certains militaires de réserve rendaient visite, que beaucoup d’actions se passaient la nuit, que les armes commençaient à être récupérées et cachées…
Probable séance d’entrainement. Ce cliché inédit m’a été adressé par la famille d’Aimé Roux qui se trouve complètement à droite. A priori ce sont tous d’anciens militaires, libérés en 1942.
Concernant la formation des futurs combattants, 1943 est une année importante. Les organisations Combat, Libération et Franc-Tireur fusionnent dans ce qui devient les « Mouvements Unis de la Résistance » (MUR). Paul Héraud va alors s’occuper de l’organisation de ce Mouvement dans le département avec le commandant Ricard (Daviron). Tous les deux organisent le département en secteurs de Résistance, chaque secteur ayant son chef et son maquis. Ils créent une école des cadres et la mise en place de formation pour les maquisards. En 1943, l’action de Paul Héraud est considérable. Il organise dans le cadre de ses responsabilités des sabotages d’usines, traque les collaborateurs et les miliciens, assure le lien entre les différents groupes, repère les terrains qui peuvent servir aux parachutages par les Alliés, forme des groupes pour la récupération du matériel. Son activité de sabotage s’étend jusqu’à Marseille et Gardanne (usine d’aluminium sur demande des Britannique).
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3 / Ces groupes de Résistants étaient en lien les uns avec les autres :
Lorsqu’on relit la vie de Pierre Poutrain, du capitaine Baudel, de Paul Héraud, de Paul Marie Radius, de Rouxel et de tous les autres, on se rend compte qu’ils passaient beaucoup de temps à circuler dans la vallée, soit pour la formation militaire, soit pour passer les informations d’un camp à l’autre ou tout simplement pour apporter des vivres. Pierre Poutrain faisait jusqu’à 50 km par jour ! C’est d’ailleurs comme ça qu’il s’est fait arrêter : épuisé après une nuit de marche (dont le col du Noyer) il s’est endormi dans une sorte de bergerie, à quelques centaines de mètres de son camp habituel et a été trahi. Une personne m’a signalé qu’il faisait effectivement 50 km par jour mais une partie en vélo lorsque la route était praticable. Lors de son arrestation, effectivement son vélo était à la réparation …il avait tout fait à pied.
Ces groupes étaient en lien aussi avec d’autres régions comme la Drôme, le Vercors, l’Isère, la Haute Savoie. En juillet 1944, lorsque le colonel Drouot l’Hermine arrive de la Drôme pour préparer le débarquement et favoriser la remontée ensuite des Alliés vers le Nord-Est, il trouve la région du Champsaur prête aux combats. Le tissu de la Résistance était en place, fédérée par ces incessants déplacements.
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4 / Cacher toutes les personnes susceptibles d’être arrêtées :
De nombreux jeunes étaient recherchés. Ils trouvaient refuge, soit dans la montagne, soit chez l’habitant. La Résistance procurait à ces jeunes (et moins jeunes) de fausses pièces d’identité, grâce d’ailleurs à l’administration française.
C’est à cause de ces faux papiers que le groupe de « Prégentil » s’est fait démasquer. Un collabo dénommé Grasset (condamné par contumace aux travaux forcés à perpétuité à la Libération) s’est introduit dans le groupe, a repéré les faux papiers et les a dénoncés.
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5 / Distribution de tracts et de revues dans tout le Champsaur et à Gap.
Le groupe de Saint-Léger présent dès 1939 (et seul groupe pendant 2 ans environ) va non seulement réfléchir à mettre en place la Résistance sur le secteur (et dans le Dévoluy) mais encore va éditer tracts, revues, faux papiers, faux bons de requisition allemands. Le groupe de Saint-Léger-les-Mélèzes dirigé par Marcel Arnaud et le commandant Mauduit avait une place à part dans la Résistance locale. C’était la tête pensante du secteur.
Ce groupe éditera les revues Vérité, Liberté, Petites ailes, Combat, Témoignage Chrétien. Ce sont les 2 frères Gaston et Raymond Ribaud qui feront ce travail au péril de leur vie dans une petite imprimerie de la Rue Bresson à Gap. Certains lycéens et scouts participèront à la distribution de tous ces papiers avec autant de risques.
Les faux papiers que donnait le Père Louis Poutrain à ses jeunes dans le Lycée professionnel provenaient soit de la Préfecture soit de cette imprimerie de Gap.
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6 / Détente : les Maquisards de Champoléon construisent en 1943 une chapelle
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Au Chatelard, cette petite chapelle a été reconstruite par les maquisards : c’était une ruine à leur arrivée. Un correspondant m’écrit « ... la reconstruction de cette chapelle avait été malgré tout un bon alibi pour leur activité de Résistance. En effet en cas d’arrestation, elle pouvait expliquer la présence d’un groupe d’hommes jeunes, tous ensemble au même endroit. » .
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La fin des camps de Champoléon en résumé :
Faisons un saut dans le futur. En septembre 1943 les allemands arrivent dans la région. Très rapidement ils comprennent qu’il y a un foyer de Résistance important dans la vallée de Champoléon. Après avoir recueilli suffisamment d’informations, ils attaquent les camps de Champoléon et le village de Saint-Jean avec de gros moyens militaires (500 hommes). Toute les Résistants de la vallée de Champoléon arriveront à s’échapper, mais ceux de Saint-Jean seront arrêtés.
Nous allons y revenir en détails un peu plus loin…
Deux témoignages reçus sur cette période 1942-1943
Ces témoignages sont intéressants car ils fourmillent de petits renseignements sur la période 42-43 et nous font vivre très concrètement, sous nos yeux en quelque sorte, cette période si compliquée.
Une histoire touchante :
Le jeune Jacques Levy, futur propriétaire des cafés Maurice à Toulon était maquisard dans la vallée de Champoléon. Il aidait l’abbé Robin (curé des Borels) à gérer le matériel et la nourriture qui ensuite étaient distribués dans les différents Maquis perchés dans la montagne. Or ses parents avaient trouvé également refuge dans une famille du Champsaur, à Chauffayer.
Un jour on demande à Jacques Lévy, et à quelques-uns de ses compagnons, d’aller dans la vallée pour l’approvisionnement des camps. En passant par Chauffayer, il tombe nez à nez avec ses parents. Ni lui, ni ses parents n’ont fait mine de se connaître et se sont donnés une simple poignée de main : c’est tout. La prudence devait être absolue. En cas d’arrestation, personne ne devait savoir qu’il y avait un lien de parenté entre eux et encore moins d’indiquer un lieu d’habitation !
L’entrevue a duré cinq minutes, puis les jeunes maquisards ont repris leur chemin. L’émotion des retrouvailles est restée totalement cachée ! Tel était le prix de la survie pour les Juifs. Finalement toute la famille a été sauvée. Par contre Jacques Lévy essuiera en novembre 1943, le tir des mitraillettes allemandes lors de l’attaque de Champoléon. Il fuiera comme tous les jeunes hébergés aux Borels dans la montagne. « Les balles sifflaient à nos oreilles, les feuilles des arbres nous tombaient dessus, mais pas un jeune n’a été blessé » Seul l’abbé Robin n’a pas bougé de son presbytère. Il est arrêté puis libéré car il n’y avait aucune preuve contre lui. Tout le matériel était astucieusement caché sous le plancher !
Une histoire à tomber à la renverse !
Je parlais précédemment de la famille Rodrigue, famille juive, qui a vécu une véritable errance dans le Champsaur pour échapper aux Allemands. Elle avait trouvé refuge à l’hôtel Martin de Pont du Fossé. Mais le lieu devenait dangereux car la famille avait été repérée. Elle a pu alors se loger sur les hauteurs de Pont-du-Fossé dans une sorte de bergerie, à la « Coche ». Voici ce que m’écrit M. Rodrigue dans son témoignage « Quelques jours après notre installation à la « Coche », la Gestapo alla interroger M. Léon Martin (le propriétaire de l’hôtel où nous logions juste avant) pour savoir où nous étions partis. M. Martin leur dit qu’il n’en savait rien et n’en démordit pas malgré leurs menaces. La propriétaire qui nous avait loué ce nouveau logis (à la Coche), l’ayant appris, voulut s’assurer qu’elle était en règle en téléphonant à la gendarmerie.
La Coche (dans le cercle rouge)
Un gendarme de Pont du Fossé a pu entendre la teneur du coup de fil « Ai-je le droit de louer ma maison à des Juifs – mais oui Madame, où est-elle située ? quel est le nom de ces gens ? Depuis quand louez-vous ? Quel est l’itinéraire pour s’y rendre ? Où sont-ils actuellement ? etc..etc.. ». Stupide ! La Gestapo, forte de tous ces renseignements, débarque presque immédiatement à la Coche mais les Rodrigue arrivent à s’échapper grâce à un voisin qui les prévient (via la gendarmerie) et retarde les Allemands en faisant un trou en plein milieu du chemin qui menait à la Coche. Les Rodrigue trouvent une grotte pour se réfugier ! La population leur apportera de quoi manger pendant des semaines. Toute la famille sera sauvée !
– 7 / Champsaurins morts pour la France (noms et circonstances) : Cliquez ICI.
– 8 / Paul Héraud : chef de la Résistance dans le Champsaur : Cliquez ICI .
– 9 / Pierre Poutrain : un Résistant exceptionnel….fusillé le 19 juin 1944 :Cliquez ICI .
– 10 / Paul-Marie Radius : Saint-Cyrien, Grand Résistant…..fusillé le 10 juillet 44 à 24 ans : Cliquez ICI .
– 11 / Histoire d’une famille juive dans le Champsaur : cliquez ICI .
– 12 / Léon Michel : ancien résistant passé à la Gestapo. Une histoire sidérante :Cliquez ICI.
– 13 / Ange Zanotti : résistant dans le Champsaur. Lettre de sa famille : Cliquez ICI .
– 14 /Aimé Roux:résistant dans Champsaur, mort en Indochine :Cliquez ICI.
– 15 / Souvenirs de guerre d’un petit enfant (JP Clot, chirurgien) :Cliquez ICI.
Résistance dans le Champsaur de 1942 à 1943
Mémoire du Champsaur édite en ce mois de décembre 2018, un livre sur la Résistance 39-45 dans le Champsaur. Pour en savoir plus Cliquez ICI
La Résistance de janvier 1942 à septembre 1943
Les Italiens vont occuper la région jusqu’au 8 septembre 1943, date à laquelle ils devront partir et laisser la place aux Allemands. Sans le savoir, les Français ont donc quelques mois pour s’organiser avant l’arrivée de cet ennemi autrement redoutable.
La Résistance se renforce.
1/ Comme nous venons de le voir les communistes rentrent massivement dans la Résistance après la rupture du pacte de «non-agression» par les Allemands face à l’URSS.
2/ Depuis le débarquement des Alliés en Afrique du Nord (1942), les Allemands ont volontairement démobilisé les militaires français. Les casernes doivent fermer et les soldats en grand nombre rejoignent non pas leur domicile mais le maquis, avec leur savoir faire. C’est ainsi que l’on voit arriver en 1942 surtout à Champoléon, certains grands noms de la Résistance : le lieutenant Paul Marie Radius (chef régional de l’ORA), ses amis le lieutenant Jean-Bernard Rouxel et le sous-lieutenant Vollaire (qui deviendra le bras droit de Paul Héraud pour la formation des jeunes), le capitaine Henri Baudel qui supervisera dans bien des domaines Champoléon et qui éditera plus tard la revue « Maquisard », le colonel Daviron, le lieutenant René Pellegrin, le lieutenant Raymond Grandjean, le sergent Aimée Roux (qui intégrera la Trentaine PIOT car il habitait sur le secteur), et bien d’autres.
3/ Mais c’est le «Service du Travail Obligatoire » institué le 16 février 1943 par Laval qui fournit le plus grand nombre de jeunes Résistants aux FFI du Champsaur. Ces jeunes rejoignent surtout le maquis de Champoléon (centre le plus important) mais également celui du village de Saint-Jean, celui de Saint Firmin, des Barraques….. Certains STO rallient la Résistance mais d’autres se cachent dans les montagnes ou dans des familles d’accueil.
4/ On peut également citer les jeunes Alsaciens qui refusent d’intégrer l’armée allemande et qui rejoignent la Résistance. Ce fut le cas à Saint Firmin, à Saint Jean (30 alsaciens environ), à Champoléon, dans toute la vallée. Certains ont appris plus tard que leur famille en Alsace avait été déportée suite à leur désertion ! On se rend compte que les Allemands ne laissaient rien au hasard. Cette information peut faire réfléchir: entrer dans la Résistance c’était une chose, engager sa famille en était une autre.
5 / De nombreux juifs prennent les armes et entrent dans le Maquis. Malheureusement certains groupes de maquisards ne leurs feront pas très bon accueil. A Champoléon tout se passera bien.
Trentaines et Maquis du Champsaur, un essor difficile
…entre 1942 et 1943
Concernant cette période, Richard Duchamblo nous met en garde en 1946, juste après la guerre «Comment raconter clairement ce que fut ce réel assez confus, mettre de l’ordre dans ce désordre d’actions et de groupes divers, … où certains agirent de leur propre initiative, sans même tenir compte des préparations minutieuses de leurs chefs… ». Duchamblo avait pourtant vécu tous ces évènements parmi eux de 1939 à 1944.
Nous allons donc tenter d’être clair à notre tour, 75 ans plus tard, sans être simpliste pour autant !
Les Trentaines en 1942-1943
Elles sont largement coordonnées par Paul Héraud. Il ne manque pas de fil à retordre. Non seulement les Trentaines ont des difficultés de recrutement, de mise en route, d’armement, mais également de hiérarchies partagées. D’un côté elles peuvent appartenir à une mouvance nationale telle que les FTP (Francs tireurs communistes), le groupe Combat, l’ORA, l’AS (plutôt militaire), mais de l’autre elles sont quand même soumises dans le Champsaur à une seule direction bicéphale : Paul Héraud et le colonel Daviron. On comprend mieux la survenue de dissensions car les directives nationales du partie communiste (FTP) par exemple n’étaient peut-être pas toujours celles de la Résistance des Hautes-Alpes !
Quelques Champsaurins m’ont signalé également qu’il y avait des tiraillements entre les FTP communistes et les jeunes issus du scoutisme ou encore certains militaires catholiques. Ils avaient du mal à se supporter.
Mais aussi d’un village à l’autre les sensibilités politiques différaient. Par exemple, le village de Chaillol avait la réputation d’être plutôt de droite (voire Pétainiste) et Mollines plutôt de gauche. Paul Héraud devait composer avec toutes ces variantes et ce n’était pas simple.
Heureusement ces Trentaines auront toutes le même objectif à partir de 1942 et seront formées par les même militaires libérés de leurs obligations. Grâce à ces derniers, les connections s’établissent entre Maquis et Trentaines. Le colonel Daviron (surnommé Ricard) chef de toute la Résistance et Paul Héraud (surnommé Dumont) iront de groupe en groupe dans toute la vallée pour superviser cette constellation hétéroclite… et le résultat sera excellent puisque le 20 Août 1944 ils arriveront à libérer Gap.
Paul Héraud, qui faisait partie des Francs-Tireurs en 1942 et du MUR en 1943, organisera plusieurs opérations très efficaces de sabotage dans le sud-est avec ces hommes venant de tous les horizons.
Le Maquis (à proprement parler) nait vraiment en 1942 :
Bien que relevant parfois des même mouvances que les Trentaines, les Maquis seront composés d’hommes venus de l’extérieur à la région (soldats libérés en 1942, Juifs, Alsaciens, jeunes du STO, jeunes qui sont recherchés, Espagnols en mal de vengeance, quelques Tunisiens …comme nous venons de le voir).
La plus grosse concentration de Maquis se trouvait dans la petite vallée de Champoléon avec le groupe des Garnauds, des Méollions (prononcé Méoullions car en Occitan le O est prononcé OU), des Tourronds, des Borels. Toute la population de la vallée était solidaire autour d’eux.
Le capitaine Conan (Henri Baudel) assurait le commandement de l’ensemble des camps de Champoléon, aidé par Angel Amar (issu du 159eme RIA de Gap).
Puis chacun de ces camps avait à sa tête un militaire. Le lieutenant Radius (tout jeune Saint Cyrien, membre de l’ORA puis de l’AS) et son ami le lieutenant Rouxel dirigeaient les Méollions. Pierre Poutrain (le frère de Louis, le curé de St Jean) dirigeait les Garnauds. Le curé des Borels (l’abbé Robin surnommé Ludovic dans la Résistance) s’occupait de la logistique (plaque tournante de tout le matériel) au cœur même du village. Ces camps avaient la visite régulière du colonel Daviron responsable de tout le Champsaur, du capitaine Henri Baudel, du colonel Sapin, du colonel Descours, du capitaine Lecuyer…
Non loin de Champoléon, au village de St Jean, le Père Poutrain accueillait également de nombreux jeunes qui devenaient ensuite maquisards.
La vallée de Champoléon
Sur les hauteurs, cette vallée était truffée de Maquisards. Vu le lieu (il s’agit d’un cul de sac) et les hautes montagnes, on comprend le choix des maquisards. Pourtant en septembre 1943, les Allemands les attaqueront là-haut, dans leurs camps. Prévenus par un gendarme, tous arriveront à s’échapper ! Un seul camp sera épargné : les Garnauds (dirigé par Pierre Poutrain) dont les Allemands semblent avoir ignoré l’existence.
Une population acquise à la Résistance
Les spécialistes de 39-45 affirment que le Champsaur a été un lieu de Résistance vigoureux. Or il n’y a pas de Maquis valable sans qu’il ne soit soutenu par une population favorable.
C’est vrai, les Champsaurins ont eu parfois la réputation d’être regardants et méfiants à l’égard de tous ces jeunes inconnus qui circulaient dans la vallée en ces temps difficiles. Cette méfiance, malgré tout bien justifiée, ressort dans certains écrits. Ces jeunes étaient-ils des collabos, des mouchards, des fuyards, des chapardeurs de récoltes, des Résistants, des STO…? L’époque était dangereuse et les habitants ne donnaient pas facilement leur confiance. Mais ensuite, lorsque la personne était bien repérée et adoptée alors les cœurs étaient ouverts et les langues se déliaient. Pierre Poutrain en fut témoin. Responsable du Maquis des Garnauds, il s’occupait surtout de l’approvisionnement. Les débuts ont été difficiles mais ensuite tout le monde lui ouvrait sa porte très volontiers et l’aidait. Il était très aimé car c’était un homme de grande envergure et d’une amabilité sans faille. Grâce à lui (et la population) les 50 jeunes Résistants pouvaient manger tous les jours à leur faim malgré la pénurie générale.
Certaines familles champsaurines sont allés jusqu’à accueillir des jeunes en difficulté, recherchés par les Allemands. Ce n’était pas sans risque ! A Chauffayer par exemple deux familles juives ont été cachées par Jean Jourdan, instituteur. Ces deux familles ont été sauvées. La famille de Marcel Rodrigue a vécu une véritable errance dans la vallée de Champoléon mais jamais abandonnée par la population (trahie une fois auprès des Allemands suite à une bévue consternante : voir plus loin leur témoignage). Autres exemples : à Poligny de nombreux jeunes ont été accueillis par la famille d’Aimée Roux car leur ferme était isolée au pied du Mont Moutet, le père Louis Poutrain (curé du village de St Jean et frère de Pierre Poutrain) a accueilli jusqu’à 50 jeunes. Il a été arrêté par les Allemands le 13 novembre 1943 et déporté. La famille de Paul Motte aux Alliberts a également caché des Résistants (Emile Bertrand et Henri Baume) qui la nuit dormaient dans la petite chapelle des Alliberts. Nous pouvons citer aussi l’abbé Robin qui accueillait des jeunes dans son presbytère des Borels avant qu’ils ne partent vers le Maquis !
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Cliché inédit, aimablement transmis par Mme Claudette Roux-Laurent. Il a été pris par sa famille à Poligny alors que les jeunes étaient accueillis chez eux.
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Comment Trentaines et Maquis recrutaient-ils ?
Pour les Trentaines évidemment tout se passait par connaissance, par amitié, par affinité politique, de village en village. Les choses étaient discrètes et se faisaient en toute confiance.
Pour le Maquis on peut parler de filières et de prudence extrême. Je vous livre un témoignage intéressant concernant Ange Zanotti et son beau frère Henri Reynereau qui m’a été adressé par son fils : « Mon père et mon oncle ont rejoint le maquis du Champsaur en Juin 1943. Ils étaient domiciliés tous deux à Draguignan dans le Var. Quand ils ont reçu la lettre de route du STO pour aller travailler en Allemagne, ne voulant pas être enrôlés de force, ils ont décidé de prendre le maquis.
Ne sachant absolument pas comment faire, discrètement dans leur entourage, ont leurs a conseillé de s’adresser à monsieur X installé comme artisan boucher dans la ville.
Ils sont allés le voir tous les deux à la tombée de la nuit dans la plus grande discrétion car tout le monde doutait de tous. Ce boucher de Draguignan a d’abord tout nié, et ce n’est que quelques jours plus tard qu’il les a recontactés, après sûrement s’être renseigné sur eux et sur le maquis.
Il leurs a dit qu’ils devaient se rendre à GAP par leurs propres moyens, et là-bas se rendre dans un bar sur la place principale où après un échange de mots de passe, on leurs a dit de se cacher pour la nuit. Le lendemain une personne est venue pour les conduire vers un groupe dans les montagnes alentours. Voila comment ils se sont retrouvés dans le Champsaur. Mais le voyage n’était pas terminé.».
Partis de Draguignan, les 2 compères arrivent dans les Alpes.
«Ange Zanotti et Henri Reynereau ont quelques difficultés a trouvé le camp des Méollions. Depuis 3 jours ils rodent dans la région sans trouver. Toutefois à leur entrée dans la vallée de Champoléon tous les deux ont été repérés et signalés. Madame Bernard des Borels (village principal) est prévenue… attention deux jeunes arrivent.
La vallée de Champoléon.
Ils arrivent enfin un soir chez l’abbé Robin (curé des Borels), et lui demandent l’hospitalité ainsi que la route des Méollions. L’abbé Robin prend de haut la nouvelle d’un camp aux Méollions. Mais comme il est tard il leurs indique une ferme où ils peuvent être hébergés. Le lendemain matin, il les reçoit les questionne et en cachette prévient le camp des Méollions. Différentes personnes interrogent à leur tour ces 2 jeunes. Sont-ils des Résistants ou des mouchards ? Ce qui inquiète le curé c’est qu’ils arrivent d’une filiaire inconnue. Finalement après deux jours de pourpalers pendant lesquels ils sont consignés, on leurs présente enfin le lieutenant Rouxel et le lieutenant Vollaire. Ensuite les nouveaux venus sont vêtus, chaussés, récupèrent un sac à dos… La cure se révèle alors un magasin d’habillement fort complet. »
Ce que nos deux jeunes ne savent pas, c’est que sous le plancher de la crypte se trouvent 107 fusils. Lorsque les Allemands quelques mois plus tard feront une descente musclée dans ce presbytère, ils ne trouveront rien. Ces fusils sortiront de leur cache juste avant la libération de Gap le 20 Août 1944.
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L’église des Borels où les 2 jeunes ont été accueillis avant de monter dans le camp des Méollions.
Mais l’épreuve n’est pas terminée pour nos 2 compères :
« C’est à la nuit tombante seulement qu’ils montent aux chalets de Méollions. Zanotti et Reynereau ont noté l’impression pénible de cette montée dans l’obscurité et cette arrivée aux Méollions. L’aspect du lieu est sinistre la nuit. »
Toute une mise en scène est en place pour tester ces 2 jeunes. Voici leur témoignage :
« Nous contournons les chalets. L’entrée est là ! Dans une salle basse, mal éclairée par une bougie, des hommes se tiennent autour d’un poêle-cuisinière. C’est lugubre. L’un d’eux a la tête et les bras entourés de pansements : il geint. Les présentations sont faites. C’est un sergent d’active Toto (Desprez)… puis on leurs présente un être hirsute, en traillis, un tôlard … Mais l’épreuve a une fin. Les maquisards ont pu juger les réactions de leurs nouveaux camarades. Le lendemain, la farce est dévoilée, blessé et tolard sont joyeux et en bonne santé.
Ce matin là, le lieutenand Rouxel s’approche des arrivants et leur souhaite la bienvenue, puis demande les noms. Sans hésiter les 2 nouveaux déclinent leur identité : « Reynereau Henri – Ange Zanotti » Non pas le vrai leur dit ce gradé, mais celui de guerre. Dix secondes pour trouver « Grimaldi – François ». Très bien venez manger. Les autres jeunes leurs font alors un accueil inoubliable. »
Ange Zanotti est décédé le 23 février 2013.
Ce long témoignage est intéressant car il montre à quel point les contacts étaient difficiles à trouver et les filières secrètes, cloisonnées. Les premiers contacts étaient disséminés dans la ville et pouvaient être boulanger, boucher, artisan (Clément à Gap), médecin (je pense au Dr Ramadout à Chorges et au Dr Coronat à Gap qui s’occuperont des soins médicaux auprès des Résistants), curé, voire entreprise avec pignon sur rue comme la maison Farçat qui livrait du fuel ou de l’essence (elle était truffée de Résistants), ou le service des « Eaux et Forêts ». Ces points de contact citadins connaissaient eux la conduite à tenir pour l’étape suivante mais pas plus.
Par contre, quand la nouvelle recrue arrivait dans la filière, la prudence était à nouveau extrême. Le groupe du père Louis Poutrain a été malheureusement trahi en septembre 1943 par un mouchard (un certain Grasset) dont il ne s’était pas assez méfié. Une fois accueilli, de nuit il avait pu découvrir dans le presbytère les faux papiers que préparait le Père avec l’aide de la Préfecture. Le même Grasset fit arrêter en décembre 1943 une vingtaine de jeunes réfractaires au STO à St Firmin, organisa la descente dans le village des Combes le 5 janvier 1944 et encore lui qui dénonça les camps de Champoléon en allant jusqu’à donner des photos. Il en fit autant dans la vallée de Briançon et de l’Ubaye. Chaque fois ces arrestations ont fait suite à des manques de prudence.
Et les traitres ne manquaient pas en cette époque troublée. On peut citer Léon Michel également qui a été embauché par l’entreprise Farçat comme Résistant et qui devint plus tard un collabo notoire.
En voici l’histoire succincte. Alors qu’il travaillait dans cette entreprise, il est arrêté le 23 novembre 1943. Devant l’effroi de la torture ou de la déportation (qui pourrait le lui reprocher ?) il a accepté de changer de bord et de devenir agent de la Gestapo. Donc, à la surprise de tous, il est relâché très vite après son arrestation. Malheureusement il devint zéler dans sa nouvelle tache ! Il va trahir certaines familles, racketter des familles juives, faire du marchandage ignoble… Par contre il ne trahira pas ses anciens collègues de travail qui sont Résistants. Certains diront qu’il n’y avait pas que du mauvais en lui. A la libération il sera exécuté par les Français le 7 juin 1945. Ariez, chef de la Trentaine d’Ancelle, avait même de l’estime pour lui et des Champsaurins ont regretté sa condamnation à mort, jugée comme excessive.
Il y aura également comme collabo notoire, un certain Vallet qui aidera les Allemands dans leur tâche, et Pierre Poutrain sera arrêté par lui.
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Les deux grandes portes d’entrée dans le Maquis.
Une fois le premier contact établi en ville, il fallait donc trouver le Maquis. Ce n’était pas toujours simple. Où le trouver ? Il y avait quelques balises, quelques personnes volontairement plus repérables…qui prenaient de gros risques. Je crois qu’on peut citer en premier lieu le curé du village des Borels (à Champoléon), le Père Robin qui s’occupait de stocker pour les 4 camps de la vallée, la nourriture et l’armement. Ce prêtre est cité en tout premier lieu car il était en quelque sorte la vitrine de la Résistance, connu de tous. On savait où le trouver. Bien-sûr il était chapeauté par la hiérarchie militaire des camps, et encore plus par Daviron et Héraud. Mais en terme de filières il était en quelque sorte le premier contact. Fin 1943, les Allemands sont arrivés à son presbytère mais n’ont pas pu l’arrêter faute de preuve. Les soldats par leur poids faisaient craquer le parquet où étaient cachés les 107 fusils. Très inquiet, le prêtre avec une fausse naïveté leur demanda de sortir de la pièce « par peur de casser le parquet ! »…et les Allemands ont accepté la demande et sont sortis.
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L’église de Saint Jean.
La deuxième filière a été bien-sûr celle du Père Louis Poutrain curé dans le village de Saint Jean (commune de Pont du Fossé). On est dans le même cas de figure que le père Robin. C’était un premier contact mais il a pris d’énormes risques. Ce prêtre avait fondé en 1941 un lycée professionnel (menuiserie) où il avait fini par accueillir près de 50 jeunes (STO, juifs, Alsaciens….) à ses risques et périls. Nous raconterons plus loin son arrestation et sa déportation en septembre 1943. Il en est revenu …cachectique.
En réalité ce lycée était très vite devenu un tremplin, une plaque tournante, une filière pour la Résistance. Le Père poussait ces jeunes à rejoindre ensuite les vrais Maquis perchés dans la montagne. Il disait lui-même qu’il avait du mal à comprendre qu’un jeune n’intègre pas le Maquis et ne prenne pas les armes pour défendre son pays. Bien-sûr, il les laissait libre de leur choix.
Puis les jeunes intégraient les Maquis.
Présentation des 4 camps de Champoléon
Cette photo est exceptionnelle. Elle a été prise le 11 novembre 1943. Les Résistants fêtent avec le colonel Daviron l’armistice du 11 novembre 1918 au camp des Tourronds dans la montagne. Le 12 novembre 1943 (le lendemain) le camp sera attaqué par les Allemands. Les maquisards prévenus par la gendarmerie, ont pu rapidement cacher le matériel et s’échapper avant leur arrivée. A la libération cette photo a été retrouvée dans les affaires de la Gestapo laissées sur place à Gap. Mystère ! La pellicule a-t-elle été récupérée par les Allemands au moments de leur attaque ? Certains ont affirmé que c’était le jeune Grasset qui l’avait transmise aux Allemands.
« Les camps de base étaient joyeux et pleins d’amitié » (Richard Duchamblo)
Le père Louis Poutrain, en les voyant s’entendre si bien, prêts à rendre service à tout moment et parfois au péril de leur vie, disait d’eux dans son livre « La déportation au coeur d’une vie », « Quelle belle jeunesse… »
Richard Duchamblo va dans le même sens : « Ses compagnons de Résistance étaient pour la plupart des héros qui n’hésitaient pas à risquer leur vie. Mais, les coups durs une fois passés, ils se reposaient en savourant les plaisirs de la vie. »
Parmi ces militaires, ils y avaient beaucoup d’anciens scouts, et « les veillées étaient magnifiques, avec un grand feu, des chants, des histoires où tous riaient bien volontiers. »
Je vous livre également le témoignage d’un ancien Résistant « L’amour de la Patrie et l’esprit de la Résistance nous unissaient vraiment. Radius et Rouxel étaient vraiment des chefs…..des hommes trempés durs. A cette qualité s’ajoutait celle de la gentillesse. Je n’ai jamais vu d’aussi chics garçons. Mes copains et moi nous nous serions fait hacher pour eux. Radius était infatigable. Il marchait jour et nuit, s’occupant de notre ravitaillement. Souvent il arrivait tard la nuit, haletant sous son sac tyrolien lourdement chargé… »
« …ces chefs savaient se faire obeir et se faire aimer. Nous avions une entière confiance en eux et nous serions allés à la mort s’ils l’avaient demandé……abnégation, dévouement, patriotisme…. »
« Ah notre lieutenant Paul Radius ! …..monsieur Paul, comme nous l’appelions était d’une gentillesse et d’une loyauté » (Etienne Rougny)
« Radius et Rouxel étaient d’une activité débordante, plein d’entrain et de gaieté. Pour nous ils ont été mieux que des chefs, mieux que des guides, ils ont été l’âme de l’équipe… ».(Desprez-D’assas)
Après la guerre, beaucoup d’anciens Résistants diront avec force que ces camps de Champoléon (menés par Rouxel, Radius, Poutrain et Vollaire…) leurs avaient laissé un souvenir extraordinaire, inoubliable mais qu’ensuite, mutés à Chorges, à la Bégüe ou dans le Dévoluy, l’ambiance n’avait pas été aussi exceptionnelle.
Dans plusieurs documents les auteurs insistent pour dire que le rythme dans les camps de Champoléon était très soutenu, qu’ils avaient vocation à former des soldats et non des «planqués». Effectivement, en d’autres régions, certains jeunes voulaient seulement éviter d’aller travailler en Allemagne. Ils se cachaient donc dans la montagne, sans autre but. Ces jeunes vivaient de la générosité des gens du lieu ou de rapines mais n’avaient aucun but militaire.
A Champoléon, rien de cela, ce sont des camps de jeunes Résistants, qui demandent à reprendre les armes et à être formés.
Un autre point peut surprendre : c’est la grande pratique religieuse. La prière était quotidienne, la messe fréquente. Lorsqu’ils avaient un peu de temps, en 1943, ils sont allés reconstruire une petite église au Chatelard qui était en ruine. (voir photo plus loin)
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Cette photo date de février 1943. Il s’agit du groupe de résistants du Maquis des Garnauds à Champoléon. Les Garnauds accueillait 20 jeunes environ. Pierre Poutrain (le frère du Père Louis Poutrain) debout, deuxième à gauche fut capturé dans la cabane où il se cachait et fusillé le 19/06/1944. Nous parlerons d’eux un peu plus loin.
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Un petit mot de M. Paul Motte concernant cette photo :« Je suis vraiment étonné de voir que des personnes aient eu le courage de faire des photos à cette époque où la peur nous habitait. C’était très compromettant tant pour le photographe que pour le laboratoire qui développait. Heureusement pour l’histoire, ces documents éxistent.»
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Mais que faisait le Maquis en 1942-1943 ?
Je vous livre un témoignage étonnant reçu d’un fils de Résistant du Champsaur. « D’après ce que m’en a dit mon père, au début ils étaient un peu livrés à eux-mêmes sans véritable commandement. Mon père faisait les liaisons à travers les montagnes à pieds entre les camps alentours.
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Ils se nourrissaient des aliments donnés par quelques paysans du coin proche des maquisards, de chasse au collet pour économiser les munitions et certaines fois en chapardant de la nourriture dans les fermes. Ils étaient très mal armés, peu de fusils et peu de munitions ».
Un Champsaurin à qui j’ai lu ce témoignage a été très surpris. Il m’a affirmé que dans le Champsaur il n’avait jamais entendu parler de vol ou de chapardage dans les fermes et de rajouter « dans d’autres régions de France oui, mais à ma connaissance pas dans le Champsaur.»
Autre témoignage contradictoire en apparence
«Voici donc le planning d’une journée habituelle :
Lever tôt le matin, prière, lever du drapeau, entraînement militaire, sport. Chacun à son tour s’occupait du repas de midi et des différentes corvées. L’après-midi entrainement militaire ou selon sa mission (ravitaillement, réparation, message à transmettre à d’autres camps, …) tous étaient très occupés. Prière le soir et ces fameuses veillées qui ont laissé des souvenirs inoubliables ».
Ces 2 témoignages sont en apparence discordants mais ne concernent pas la même période. Le premier date de début 1942 en l’absence totale de hiérarchie militaire. Le deuxième nous montre les camps tels qu’ils étaient fin 1942, lorsque les militaires sont libérés de leurs obligations et arrivent dans la région. Paul Marie Radius, Pierre Poutrain, Jean Bernard Rouxel, le sous-lieutenant Vollaire, Henri Baudel … tous ces jeunes militaires vont mettre de l’ordre et un esprit militaire dans les camps.
Voici la mission de ces camps de maquisards
1 / Récupération des armes …
Le premier travail des maquisards a été de récupérer toutes les armes du secteur. Il s’agissait d’une mission dangereuse pour eux-mêmes et pour la population qui y contribuait. Certains paysans avaient caché leurs armes dans de vieilles remises, ou les avaient enterrées à distance de la ferme. Toutes étaient récupérées. Le curé de Champoléon, l’abbé Robin, nous l’avons vu, avait pu cacher dans son église les fameux 107 fusils Lebell. Fin 1943, les maquisards recevront du matériel beaucoup plus moderne, grâce aux parachutages des Alliés, matériel qu’il faudra aller récupérer en montagne dans des conditions difficiles à cause de la neige. Le premier, à notre connaissance a eu lieu en septembre 1943 à l’Adroit de Pontis pas très loin de Serre Ponçon. A partir de 1944 il furent nombreux : Ancelle, Saint Jean….mais ils étaient aussi destinés aux maquis des Basses Alpes, du Vercors, du Devoluy, de l’Isère… Vous trouverez un peu plus loin la liste de ces parachutages.
en 1944.
2 / la formation des futurs combattants
Au fond de cette tablée, Paul Marie Radius indiquée par la flèche et son ami JB Rouxel à sa droite.
Trois jeunes Saint-Cyriens, Jean-Bernard Rouxel (22 ans), Paul-Marie Radius (22 ans) et le sous-lieutenant Vollaire ont formé les jeunes de la vallée (maquis et trentaines) aux maniements des armes. Ils s’entrainaient soit dans la vallée de Champoléon, soit dans le village de Saint-Jean, non loin de la cure du père Poutrain.
Le groupe de Résistants de Prégentil.
Photo des jeunes Alsaciens cachés par le Père Louis Poutrain, extraite du livre du Père Louis Poutrain « la déportation au coeur d’une vie ».
De gauche à droite : Emile Arnaud, René Baumann, Pierre Poutrain, Léon Specklin, Armand Hengy, Henri Parmentier (tué au combat à Laye le 17/07/1944). La plupart de ces jeunes logeaient au presbytère de Saint Jean puis rejoignaient le Maquis de Champoléon pour l’entrainement. Certains ont participé en 1944 (après la fermeture du lycée par les Allemands) au combat de Laye organisé par la Trentaine de Saint Laurent du Cros. Nous y reviendrons plus loin.
A propos également de ce groupe, je cite les écrits de Léon Specklin (22 ans à l’époque) « A Champoléon, il y avait deux camps de maquisards (en réalité, il y en avait quatre), un aux Tourronds et un autre aux Méollions. Le groupe de Prégentil se joignait souvent à eux. Un matin nous nous sommes retrouvés dans les bois au dessus du pont de Corbières, nous présentions les armes au Colonel Descours, un des commandants du Vercors. Le soir nous avons transporter des armes cachées dans une grotte et nous les avons déposées avec l’aide des 2 maquis dans une cachette non loin des Borels. Un autre soir nous eûmes aux Garnauds la visite du père du sous-Lieutenant Vollaire, un ancien colonel de réserve… Il nous disait son espoir d’une victoire prochaine, et nous rappelait que nous aurions une carte importante à jouer. Les responsables militaires savaient qu’ils pouvaient compter sans réserve sur les jeunes Résistants de la vallée. »
Ce texte nous fait découvrir que la hiérarchie militaire du Vercors visitait aussi la Résistance du Champsaur, que certains militaires de réserve rendaient visite, que beaucoup d’actions se passaient la nuit, que les armes commençaient à être récupérées et cachées…
Probable séance d’entrainement. Ce cliché inédit m’a été adressé par la famille d’Aimé Roux qui se trouve complètement à droite. A priori ce sont tous d’anciens militaires, libérés en 1942.
Concernant la formation des futurs combattants, 1943 est une année importante. Les organisations Combat, Libération et Franc-Tireur fusionnent dans ce qui devient les « Mouvements Unis de la Résistance » (MUR). Paul Héraud va alors s’occuper de l’organisation de ce Mouvement dans le département avec le commandant Ricard (Daviron). Tous les deux organisent le département en secteurs de Résistance, chaque secteur ayant son chef et son maquis. Ils créent une école des cadres et la mise en place de formation pour les maquisards. En 1943, l’action de Paul Héraud est considérable. Il organise dans le cadre de ses responsabilités des sabotages d’usines, traque les collaborateurs et les miliciens, assure le lien entre les différents groupes, repère les terrains qui peuvent servir aux parachutages par les Alliés, forme des groupes pour la récupération du matériel. Son activité de sabotage s’étend jusqu’à Marseille et Gardanne (usine d’aluminium sur demande des Britannique).
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3 / Ces groupes de Résistants étaient en lien les uns avec les autres :
Lorsqu’on relit la vie de Pierre Poutrain, du capitaine Baudel, de Paul Héraud, de Paul Marie Radius, de Rouxel et de tous les autres, on se rend compte qu’ils passaient beaucoup de temps à circuler dans la vallée, soit pour la formation militaire, soit pour passer les informations d’un camp à l’autre ou tout simplement pour apporter des vivres. Pierre Poutrain faisait jusqu’à 50 km par jour ! C’est d’ailleurs comme ça qu’il s’est fait arrêter : épuisé après une nuit de marche (dont le col du Noyer) il s’est endormi dans une sorte de bergerie, à quelques centaines de mètres de son camp habituel et a été trahi. Une personne m’a signalé qu’il faisait effectivement 50 km par jour mais une partie en vélo lorsque la route était praticable. Lors de son arrestation, effectivement son vélo était à la réparation …il avait tout fait à pied.
Ces groupes étaient en lien aussi avec d’autres régions comme la Drôme, le Vercors, l’Isère, la Haute Savoie. En juillet 1944, lorsque le colonel Drouot l’Hermine arrive de la Drôme pour préparer le débarquement et favoriser la remontée ensuite des Alliés vers le Nord-Est, il trouve la région du Champsaur prête aux combats. Le tissu de la Résistance était en place, fédérée par ces incessants déplacements.
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4 / Cacher toutes les personnes susceptibles d’être arrêtées :
De nombreux jeunes étaient recherchés. Ils trouvaient refuge, soit dans la montagne, soit chez l’habitant. La Résistance procurait à ces jeunes (et moins jeunes) de fausses pièces d’identité, grâce d’ailleurs à l’administration française.
C’est à cause de ces faux papiers que le groupe de « Prégentil » s’est fait démasquer. Un collabo dénommé Grasset (condamné par contumace aux travaux forcés à perpétuité à la Libération) s’est introduit dans le groupe, a repéré les faux papiers et les a dénoncés.
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5 / Distribution de tracts et de revues dans tout le Champsaur et à Gap.
Le groupe de Saint-Léger présent dès 1939 (et seul groupe pendant 2 ans environ) va non seulement réfléchir à mettre en place la Résistance sur le secteur (et dans le Dévoluy) mais encore va éditer tracts, revues, faux papiers, faux bons de requisition allemands. Le groupe de Saint-Léger-les-Mélèzes dirigé par Marcel Arnaud et le commandant Mauduit avait une place à part dans la Résistance locale. C’était la tête pensante du secteur.
Ce groupe éditera les revues Vérité, Liberté, Petites ailes, Combat, Témoignage Chrétien. Ce sont les 2 frères Gaston et Raymond Ribaud qui feront ce travail au péril de leur vie dans une petite imprimerie de la Rue Bresson à Gap. Certains lycéens et scouts participèront à la distribution de tous ces papiers avec autant de risques.
Les faux papiers que donnait le Père Louis Poutrain à ses jeunes dans le Lycée professionnel provenaient soit de la Préfecture soit de cette imprimerie de Gap.
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6 / Détente : les Maquisards de Champoléon construisent en 1943 une chapelle
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Au Chatelard, cette petite chapelle a été reconstruite par les maquisards : c’était une ruine à leur arrivée. Un correspondant m’écrit « ... la reconstruction de cette chapelle avait été malgré tout un bon alibi pour leur activité de Résistance. En effet en cas d’arrestation, elle pouvait expliquer la présence d’un groupe d’hommes jeunes, tous ensemble au même endroit. » .
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La fin des camps de Champoléon en résumé :
Faisons un saut dans le futur. En septembre 1943 les allemands arrivent dans la région. Très rapidement ils comprennent qu’il y a un foyer de Résistance important dans la vallée de Champoléon. Après avoir recueilli suffisamment d’informations, ils attaquent les camps de Champoléon et le village de Saint-Jean avec de gros moyens militaires (500 hommes). Toute les Résistants de la vallée de Champoléon arriveront à s’échapper, mais ceux de Saint-Jean seront arrêtés.
Nous allons y revenir en détails un peu plus loin…
Deux témoignages reçus sur cette période 1942-1943
Ces témoignages sont intéressants car ils fourmillent de petits renseignements sur la période 42-43 et nous font vivre très concrètement, sous nos yeux en quelque sorte, cette période si compliquée.
Une histoire touchante :
Le jeune Jacques Levy, futur propriétaire des cafés Maurice à Toulon était maquisard dans la vallée de Champoléon. Il aidait l’abbé Robin (curé des Borels) à gérer le matériel et la nourriture qui ensuite étaient distribués dans les différents Maquis perchés dans la montagne. Or ses parents avaient trouvé également refuge dans une famille du Champsaur, à Chauffayer.
Un jour on demande à Jacques Lévy, et à quelques-uns de ses compagnons, d’aller dans la vallée pour l’approvisionnement des camps. En passant par Chauffayer, il tombe nez à nez avec ses parents. Ni lui, ni ses parents n’ont fait mine de se connaître et se sont donnés une simple poignée de main : c’est tout. La prudence devait être absolue. En cas d’arrestation, personne ne devait savoir qu’il y avait un lien de parenté entre eux et encore moins d’indiquer un lieu d’habitation !
L’entrevue a duré cinq minutes, puis les jeunes maquisards ont repris leur chemin. L’émotion des retrouvailles est restée totalement cachée ! Tel était le prix de la survie pour les Juifs. Finalement toute la famille a été sauvée. Par contre Jacques Lévy essuiera en novembre 1943, le tir des mitraillettes allemandes lors de l’attaque de Champoléon. Il fuiera comme tous les jeunes hébergés aux Borels dans la montagne. « Les balles sifflaient à nos oreilles, les feuilles des arbres nous tombaient dessus, mais pas un jeune n’a été blessé » Seul l’abbé Robin n’a pas bougé de son presbytère. Il est arrêté puis libéré car il n’y avait aucune preuve contre lui. Tout le matériel était astucieusement caché sous le plancher !
Une histoire à tomber à la renverse !
Je parlais précédemment de la famille Rodrigue, famille juive, qui a vécu une véritable errance dans le Champsaur pour échapper aux Allemands. Elle avait trouvé refuge à l’hôtel Martin de Pont du Fossé. Mais le lieu devenait dangereux car la famille avait été repérée. Elle a pu alors se loger sur les hauteurs de Pont-du-Fossé dans une sorte de bergerie, à la « Coche ». Voici ce que m’écrit M. Rodrigue dans son témoignage « Quelques jours après notre installation à la « Coche », la Gestapo alla interroger M. Léon Martin (le propriétaire de l’hôtel où nous logions juste avant) pour savoir où nous étions partis. M. Martin leur dit qu’il n’en savait rien et n’en démordit pas malgré leurs menaces. La propriétaire qui nous avait loué ce nouveau logis (à la Coche), l’ayant appris, voulut s’assurer qu’elle était en règle en téléphonant à la gendarmerie.
La Coche (dans le cercle rouge)
Un gendarme de Pont du Fossé a pu entendre la teneur du coup de fil « Ai-je le droit de louer ma maison à des Juifs – mais oui Madame, où est-elle située ? quel est le nom de ces gens ? Depuis quand louez-vous ? Quel est l’itinéraire pour s’y rendre ? Où sont-ils actuellement ? etc..etc.. ». Stupide ! La Gestapo, forte de tous ces renseignements, débarque presque immédiatement à la Coche mais les Rodrigue arrivent à s’échapper grâce à un voisin qui les prévient (via la gendarmerie) et retarde les Allemands en faisant un trou en plein milieu du chemin qui menait à la Coche. Les Rodrigue trouvent une grotte pour se réfugier ! La population leur apportera de quoi manger pendant des semaines. Toute la famille sera sauvée !
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– 15 / Souvenirs de guerre d’un petit enfant (JP Clot, chirurgien) : Cliquez ICI.
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