Manuel de Philosophie Champsaurine
MANUEL DE PHILOSOPHIE CHAMPSAURINE
Article écrit par Robert Faure ré-actualisé en février 2014
Autrefois, nos ancêtres pouvaient trouver dans les maximes, les sentences, les paraboles et les proverbes de leur langage local, toute une base de philosophie. Et, en s’aidant de ce parler occitan-alpin, ils pouvaient répondre (souvent avec humour) à de multiples questions plus ou moins embarrassantes sur la manière de bien vivre en société.
Retrouvons ces maximes (entendues, et reproduites ici en écriture phonétique) . … Et, faisons, avec ce patois, de la philosophie…
Il y a matière à méditer…
L’EXPERIENCE ?
Par exemple, que dire aux personnes âgées qui voudraient faire partager leur longue expérience à des jeunes qui s’en moquent?
« L’esperiança es un pinche que la vita voui baila quand avé plus jis de piéus ».
L’expérience n’est qu’un peigne que la vie vous donne quand vous n’avez plus de cheveux.
…Toutefois, écoutez les quand même , les Anciens :
« Aquèou que n’a pas de viouts, n’achati »!
Celui qui n’a pas de vieux, il faudrait qu’il en achète!
LA PERSONNALITE?
Comment reconnaître un Champsaurin? C’est quelqu’un qui est, avant tout, épris de liberté, qui veut être son maître et qui accepte difficilement les contraintes :
« Eici, dins aqueou bèou Tchansaou ounte chascun neisse soun mèstre ».
C’est ici dans ce beau Champsaur que chacun naît et reste son maître.
L’AMOUR DU PAYS?
Aimer son Champsaur, c’est quelque chose de tout à fait normal. Foin des critiques!
« Chasque ousseou troba soun nis beou ».
Tout oiseau trouve son nid beau!
LES DECISIONS A PRENDRE ?
Quand on est Champsaurin, comment, dans les moments délicats de la vie, trouver l’équilibre, la sérénité?
« Quant sabès pas ounte vas, regarda d’ounte vènes ».
Quand tu ne sais pas où tu vas, regarde d’où tu viens.
LE BON SENS?
Tout au long de l’existence, il faut et il faudra souvent faire appel à son bon sens, un bon sens paysan. Malheureusement:
« Lou bouon sens s’apren pas dinc oun libri. »
Le bon sens ne s ‘apprend pas dans un livre.
LE SAVOIR?
L’éducation est indispensable. Ceux qui savent en imposent et impressionnent. Toutefois:
« Si la barba baiava lou sen, les chabras sarien sabentas ».
Si le savoir se jugeait à la barbe, toutes les chèvres seraient savantes.
LE MARIAGE ?
Faut-il se marier ou rester célibataire?
« Lou mariage ès coum’un jarinier, aqueles que sount dedinc voudrien estre defouore, et aqueles que sount defouore amarien ben estre dedinc »
Le mariage, c’est comme un poulailler, ceux qui sont dedans voudraient en sortir et ceux qui sont dehors voudraient bien y entrer.
LES FEMMES ?
Un peu misogynes les Champsaurins?
« Très chousas duont tsaou se mefiar :
d ‘una vacha, dei devant,
d’una mioure dei darer ,
de fènas de tout caïre » .
Trois choses dont il faut se méfier : d’une vache par devant, d’une mule par derrière , et des femmes de tous les cotés.
LES FEMMES JEUNES ?
Elles sont tentantes, les femmes jeunes, mais attention si l’on veut les épouser :
« Fenna jouva, bouosc verd, pan tendre fan marri gouvert ».
Femme jeune, bois vert, pain frais ne sont pas faciles à gérer.
LES PREFEREES ?
Où trouver la femme de sa vie?
« Tsaou bastir me les piarres dou pays ».
Il faut bâtir avec les pierres de son pays.
L’EPOUSE ?
Est ce vrai?
« Les omés voudrien que les fenas seyi couma l’armana : que changié tous les ans ».
Les hommes voudraient que les femmes soient comme l’almanach : que l’on change tous les ans.
LE COUPLE
Qui dirige dans le couple?
« A meisoun, es ièu que coummandou…quand ma fenna li’pas ».
A la maison, c’est moi qui commande…quand ma femme n’y est pas.
LA FAMILLE NOMBREUSE ?
« Una filla, dzis de fillas,
Dous fillas, prou de fillas,
Très fillas, trop de fillas,
Quatre fillas, e la maîre :
Cinq diables après lou paîre »!
Une fille, point de fille
Deux filles, assez de filles
Trois filles, trop de filles
Quatre filles et la mère : cinq diables après le père!
LES ENFANTS ?
Apportent-ils des satisfactions?
« Meinas petchous fan fouletian, quant soun grants, fan enrabiar ».
Les enfants, petits vous font plaisir, quand ils sont grands, ils vous contrarient.
…et
« Petchos meinas, petchos soucis, gros meinas, gros soucis ».
Petits enfants, petits soucis, grands enfants, grands soucis.
L’AMOUR MATERNEL?
Une mère peut elle être déçue par ses enfants? Même si, un jour, elle ne peut plus espérer grande affection :
« Pr’una maïre, lou menassou a beou creïsse, s’arresta toudjout à la houtour de soun cur ».
Pour une mère, l’enfant à beau grandir, il s’arrête toujours à la hauteur de son coeur.
LE GENDRE ET LA BRU ?
Quand les enfants se marient, les relations changent. Les deux familles doivent avoir la volonté de partager, sinon :
« Aquèou que trobe un bouon gindré gagna un fils, aquèou que trobe un mari gindré perda una filha ».
Celui qui trouve un bon gendre gagne un fils, celui qui trouve un mauvais gendre perd une fille.
LE CARACTERE DES ENFANTS ?
Peut on changer le caractère d’un enfant? Impossible:
« Qui neisse pounchu, pouo pas murir carra ».
Celui qui naît pointu ne peut pas mourir carré.
LES SECRETS DE FAMILLE ?
Dans un ménage, faut il tout avouer?
« Jamai l’ome sage e discret dis à sa fenna soun secret ».
Jamais l’homme sage et discret dit à sa femme son secret.
L’ECOLE ?
A quoi ça sert d’aller à l’école? Pour se remplir la tête? Pour trouver l’équilibre? Sans doute , car :
« Sacha trànsi tèn pas drech ».
Un sac vide ne tient pas droit.
L’EDUCATION ?
Une bonne éducation doit être sévère. Les enfants en seront reconnaissants plus tard. L’enfant n’a pas droit à tous les caprices:
« Chaou dounar lou plec à l’ aubre tant qu’es jouve ».
Il faut donner le pli à l’arbre tant qu’il est jeune.
LES INEGALITES ?
La pure égalité n’existe pas. Les enfants découvrent très vite les différences. Naissent ils dans une famille pauvre? Naissent ils dans une famille riche? Certains, au départ, sont plus favorisés que d’autres :
« Hourous meinas qu’es nessu après soun païre ».
Heureux enfant qui est né après son père!
LA PROPRETE ?
Propreté physique vaut propreté morale. Les écoliers doivent se tenir propres :
« Si té laves pas les oureillas, il plantaren de chaus ».
Si tu te laves pas les oreilles, on y plantera des choux.
…et
« Si te laïsses pas penchinar, les pèuch fan la cheina et te tirassent au Draou ».
Si tu te laisses pas coiffer, les poux vont faire la chaîne pour te trainer au Drac.
LES ENVIES ?
Comment calmer les envies gourmandes? Réponse impitoyable à ceux qui se plaignent:
« As fan? Mandja ta man, garda l’aoutre per deman ».
Tu as faim ? Mange ta main, garde l’autre pour demain.
LES MALADRESSES ?
Apprendre la vie n’est pas toujours facile. Il y a des actes trop bêtes dont il vaut mieux s’abstenir :
« Qui vouo esse mourdu, que prèni lou chi pre la couo ».
Qui veut être mordu , qu’il prenne le chien par la queue!
…Toutefois:
« Tot chi que japa morde pas ».
Tout chien qui jappe ne mord pas.
L’AUDACE ?
Il ne faut pas avoir peur de tout , et savoir qu’on peut parfois facilement se faire respecter:
« Petchot bastoun faï courre grant aze ».
Un petit bâton peut faire courir un grand âne.
LE CELIBAT?
Faut il se désespérer quand on reste trop longtemps célibataire, ou doit on garder un petit espoir? Tout peut arriver:
« Qui resto a mariar, resto pas a enterrar »
Celui qui reste à marier ne reste pas à enterrer.
LES FREQUENTATIONS?
Qui sera responsable s’il y a des pépins? Avertissement entre voisins:
« N’aï que de jaous, vesi, garda tes jarines ».
Je n’ai que des coqs (que des garçons), voisin, garde tes poules (tes filles).
…Car:
« Quant la chabra es au bouisson chaou que il broti »
Quand la chèvre est au buisson, faut qu’elle broute.
L’EMIGRATION?
Faut il tenter l’aventure ailleurs. Faut il émigrer? Partout, il y a une part de risque:
Aquèou que passa lou mourre sabe pas ço qué l’espera ».
Celui qui passe le col ne sait pas ce qui l’attend ».
LES RECOMMANDATIONS?
Avant de se décider, mieux vaut écouter ceux qui ont de l’expérience, et qui peuvent prévoir les déconvenues:
« Quant la rispa bofa sur Manse, faï marri estre par chamins ».
Quand la bise souffle sur Manse, il fait mauvais être par les chemins.
L’AMBITION ?
Savoir ce que l’on veut. Ne pas se dévaloriser. Viser haut :
« L’agla chassa pas las moïssas ».
L’aigle ne chasse pas les mouches.
…et avoir de l’audace:
« Jamai pieu de chabra n’a etrangla loup ».
Jamais un poil de chèvre n’a étranglé un loup.
LA PRETENTION?
Attention à ne pas se prendre pour plus que ce que l’on est. Gare aux prétentieux :
« Saou pas petar plus aut que soun cuou ».
Il ne faut pas péter plus haut que le trou de son cul.
LES EXIGENCES?
Il est bon d’avoir des exigences, mais il ne faut pas pousser trop loin:
« Ou plus sale es lou pouorc, ou pus propre vouar manjar. »
Plus sale est le porc, plus propre il veut manger.
LES DIFFERENCES?
On n’a pas tous les mêmes goûts. Et ce n’est pas, parce qu’on a des idées originales, qu’on a tort:
« Es pas bèou ce qu’ès bèou, es bèou ce que me plai ».
N’est pas beau ce qui est prétendu beau, ce qui est beau, c’est ce qui me plait.
…De même il faut s’accepter comme on est, ça n’empêche pas d’avoir sa place dans la vie :
« L’y a djis de vergougne pr’ouna passoire d’esse trouca ».
Il n’y a pas de honte pour une passoire d’être trouée.
LA PATIENCE ?
Ne pas sauter les étapes, ne pas être brûlant d’impatience, monter les barreaux de l’échelle, les uns après les autres :
« Chau partir d’à pas pèr arribar just ».
Il faut partir pas à pas pour arriver à temps.
LA PERFECTION ?
Pour viser vers la perfection, surtout ne pas bâcler son travail:
« A obra bien facha, se regarda pas lou tems ».
A travail bien fait, on ne regarde pas le temps passé.
L’EFFICACITE?
Mieux vaut être efficace quand on a une responsabilité et être, si possible, le meilleur dans sa spécialité :
« Tant vaou lou pastre, tant vaou l’escabouot».
Tant vaut le berger, tant vaut le troupeau.
LES BONS CHOIX ?
Une bonne orientation est importante. On doit avoir un but précis :
« S’agis pas que de courre, chaou saoupre ounte l’on vaï ».
Il ne suffit pas de courir, il faut savoir où l’on va.
…Et
« Chau pas marchar per dos chamins ».
Faut pas vouloir suivre deux chemins à la fois.
LES BONNES RESOLUTIONS?
On peut prendre de bonnes résolutions, mais saura t’ on on les tenir?
« Las bonnas resolutions son coma las anguillas, aïsa de prenes, maoouaisas a tenar ».
Les bonnes résolutions sont comme les anguilles : faciles à prendre, difficiles à tenir ».
LES PLAISIRS ?
Gare à ne pas trop s’étourdir dans les plaisirs:
« Qui dans, pauc avança ».
Celui qui passe son temps à danser n’avancera pas beaucoup.
LES ECOEUREMENTS?
Ceux qui ont trop de tout deviennent difficiles et, finalement, ils n’apprécient plus rien :
« Quant los caiouns son cofles, trobon las cerisas amaras ».
Quand les porcelets ont le ventre plein, ils trouvent les cerises amères.
L’AVENTURE ?
On peut se laisser tenter par l’aventure, mais:
« Qui vaï à l’aventura , vaï pas à la secura ».
Qui va à l’aventure ne va pas vers la sécurité.
…Et il faudra s’adapter:
« En chandjant de village, chandgen de lenguage. »
En changeant de village, on change de langage.
…L’essentiel:
« Pr’aver de bouon aïga, chaou anar a bouona sourça ».
Pour avoir de la bonne eau, faut aller à la bonne source.
LA REFLEXION?
Peut on satisfaire toutes ses envies?
« N’es pas tout d’achetar, chaou pis pagar ».
Il ne suffit pas d’acheter, il faut aussi payer.
LES DETTES?
Il vaut mieux réfléchir avant de trop dépenser car :
« Cent ans de chagrin payon pas oun sou de dettes ».
Cent ans de chagrin ne paient pas un sou de dettes ».
AVOCATS ET NOTAIRES?
Mieux vaut éviter les procès et les problèmes d’héritages. On peut se ruiner:
« Vaou mis abeurar oun clapier qu’oun notari »
Il vaut mieux arroser un tas de pierres qu’un notaire.
LES INSTABLES ?
Sans situation, sans domicile, c’est souvent l’errance:
« Qui navigue, mandigue ».
Qui navigue mendie …et mange à tous les râteliers.
…Attention car:
« Misera tirassa lagne ».
La misère amène le chagrin.
LE VOISINAGE ?
L’importance d’un bon voisinage :
« Qui a bouon vesin a bouon matin ».
Celui qui a un bon voisin a un bon matin ».
…Mais attention :
« Chaou qu’un poum puri pèr purir les aoutres ».
Il suffit d’une pomme pourrie pour pourrir toutes les autres .
LES PLACEMENTS ?
Comment choisir l’essentiel?
« Vaou mis aver amis en plaça qu’argent en boursa ».
Mieux vaut avoir de bons amis que de l’argent en bourse.
LES BONNES OCCASIONS?
Les bonnes occasion se présentent parfois, mais il faut en profiter au bon moment, ne pas se tromper et ne pas les laisser passer :
« La fiare es encui, pas dema. »
La foire, c’est aujourd’hui, pas demain.
…De même:
« Aqueou qu ‘arriba tart a taula li trapa que d’os ».
Celui qui arrive en retard au repas ne trouvera que des os.
…ou encore:
« Quant l’on se creï lou benvengu, l’on ei souvent lou maou reçu ».
Quand l’on se croit le bienvenu, on est souvent le mal reçu.
LA RICHESSE?
Malheureusement, on constate souvent que la fortune favorise les riches :
« La peiro toumba au clapié ».
La pierre va toujours au « clapier ».
…Toutefois on a l’impression qu’il n’est pas bon d’étaler sa fortune:
« Chi montra sei sous montra soun cuou ».
Qui montre ses sous montre son cul.
LE MINIMUM?
Il suffit parfois de peu de choses pour apprécier le bonheur:
« Si sian paouri, sian hourous, l’ia d’affayaus din l’oura».
On est pauvres et pourtant on est heureux : il y a des haricots dans la marmite.
LA DESCENDANCE ?
Les fils ne ressemblent pas toujours aux pères. Donc, faut il laisser un gros héritage à ses héritiers? Il arrive que:
« Après oun ramassaïre vin oun dégalaïre ».
Après un amasseur vient un dilapideur.
LES MEDISANCES ?
Toutes les paroles ne sont pas toujours bonnes à dire, et elles risquent de coûter cher :
« Souvent peira reboustia sus qui l’a manda ».
Souvent la pierre rebondit sur celui qui l’a lancée.
LES VANITEUX?
Il ne faut pas se laisser impressionner par ceux qui veulent vous en mettre plein la figure:
« Aqueou que fai trop de possière s’estofa ».
Celui qui fait trop de poussière finit par s’étouffer.
LE BAVARDAGE ?
Parfois, on perd plus qu’on ne gagne en voulant être trop bavard :
« Touta fié que bezèle perda una goura ».
Toute brebis qui bêle perd une bouchée.
…Et pourtant:
« S’empacha paï maï lei lengas de parlar que l’aïga de courre e lou vent de bouffar ».
On ne peut pas plus empêcher les langues de parler que l’eau de courir et le vent de souffler.
LES MECHANCETES ?
Faut il parfois tenir sa langue?
« Un cop de lenga faï maï qu’un cop de pung ».
Un coup de langue fait plus de mal qu’un coup de poing.
LE MENSONGE ?
Peut on parfois mentir? Oui, on peut parfois mentir, par délicatesse, pour protéger:
« Ouno messounjo ben dicho vaou meï qu’ouna verita estrassa ».
Un mensonge bien dit vaut mieux qu’une vérité mal exprimée.
LE PARTAGE?
Faut il tout garder pour soi ou faut, par solidarité, avoir le sens du partage:
« Aqueou qu’a de ben ,chaou que n’en perdie ».
Celui qui a du bien, il faut qu’il en perde… (qu’il en donne.)
LE BRAVE?
Dans le Champsaur, on dit d’un être qui est particulièrement gentil qu’il est brave. Mais on doit parfois mesurer jusqu’où peut aller la gentillesse. On peut être un garçon bien brave… mais il ne faut être ni niais ni soumis:
« D’estre trop brave, seras l’ase ».
Si tu es trop brave, tu ne seras qu’un âne.
LA DIGNITE ?
Comment, pour rester digne, réagir dans les épreuves? La solution:
« Chaou rire à la fenestre, e plourar darier la pouerta ».
Il faut rire à la fenêtre et pleurer derrière la porte.
LES COMPLIMENTS ?
Ne pas être avare de compliments d’autant plus que :
« Li a ren de tant bouon marcha que les coumpliments ».
Il n’y a rien de meilleur marché que les compliments.
LA PARESSE ?
Si l’on ne fait pas des efforts, on n’a aucun résultat, et c’est normal :
« Aquèou que vouo pas se bagnar aganta gis de peissou ».
Celui qui ne veut pas se mouiller n’attrapera jamais de poisson.
LA COLERE?
La grosse colère ne mène à rien:
« Qui cracha au cièou, su lou nas il toumba ».
Celui qui crache au ciel reçoit tout sur le nez.
LES AIDES ?
En cas de difficulté, en cas de besoin où trouver des appuis ?
« Si siès dins lou besoun, vaï eï lou paure, maï jamaï veï lou riche ».
Si tu es dans le besoin va voir le pauvre, mais jamais le riche.
LA SOLIDARITE ?
Dans nos montagnes, il faut s’entraider, tout le monde y trouve son compte:
« Quant chascu s’adjua, dégun se tua ».
Quand tout le monde s’aide, personne ne se tue au travail.
L’EGOISME?
Il ne faut pas toujours compter sur les autres pour accomplir les sales besognes. Le repli sur soi enferme. Il ne permet pas d’aller vers les autres, ni aux autres de venir vers vous. Alors?
« Chaou prendre la pela per faïre chala ».
Il faut prendre la pelle pour faire la trace.
LA MODERATION?
On doit se modérer dans nos exigences, se fixer une limite et savoir être raisonnable:
« Per pas trop n’en perdre, n’i ai pas trop demandar ».
Pour ne pas trop en perdre, il ne faut pas trop demander.
LES CONCESSIONS ?
Pas toujours facile de faire des concessions :
« Aver tort ès ouna marié bestia, dengu vouo l’aver ».
Avoir tort est une mauvaise bête, personne ne veut l’avoir.
…Toutefois :
« Lei garoulhas durarrien gaïre si lou tort ère que d’oun caïre ».
Les querelles ne dureraient pas longtemps si les torts n’étaient que d’un coté.
LES CONTESTATIONS?
La critique est elle toujours utile?
« Mefia te des constristaïres, trapoun jamaï ren pre il plaïre ».
Méfie toi des contestataires, ils ne trouvent jamais rien pour leur plaire.
PREVOIR L’AVENIR ?
Il y a toujours des indices qui laissent deviner ce qui va arriver :
« Lou petar announça lou cagar ».
Lou petar ( le bruit des disputes ) annonce lou cagar ( la bagarre ).
…ou , entendu en 1939 :
Lou petar (le bruit du canon ) annonce lou cagar ( la guerre ).
LE BON CHOIX?
Quand on doit prendre une décision, bien étudier les différentes propositions pour choisir la bonne, même si elle comporte quelques désagréments.
« Vaou mis se trapar sous oun pissaïre que sous oun pouaïre ».
Il vaut mieux se trouver sous quelqu’un qui urine que dessous un homme qui coupe les branches d’un arbre.
LA CREATIVITE?
Etre créatif. Ne pas, toujours, ne faire que ce que font les autres. Oser l’originalité, même si, parfois, elle choque. Agir à sa manière, si l’on est sur de soi, en dépit des critiques :
« A chascun soun biais de se tria les nières ».
A chacun sa manière de se trier les puces!
LA VRAIE MATURITE ?
Souvent une longue patience est nécessaire avant de trouver la réussite, mais le bonheur n’est jamais total :
« Souvent quant aven de pa, aven plus de dent ».
Souvent le bon pain arrive quand on n’a plus de dents.
LES MALHEURS ?
Pour qui que ce soit, la vie n’est pas faite que de bonheurs:
« Tot lou monde a sa crotz. Aqueou que la pas encora la trobara ».
Tout le monde a sa croix. Celui qui ne l’a pas encore la trouvera.
LES REGRETS ?
Pas toujours facile de comprendre l’humeur des gens. Si vous les psychanalysez,
« Les omès an toujout oun ubac que jamaï soreilha ».
Les hommes ont toujours un ubac qui ne s’ensoleille jamais.
LA DESTINEE?
On ne sait rien de l’avenir et pourtant certains destins sont inévitables:
« Couré, couré, arribarès pas a Pasquès d’avan que ièou ».
Cours, cours, tu n’arriveras pas à Pâques avant moi ».
L’INATTENDU ?
Tout, même le pire, peut, un jour, arriver sans qu’on s’y attende:
« Dièou punis tart, mais punis larc ».
Dieu punit tard, mais punit large.
LES SAUVEGARDES ?
Il faut toujours espérer et tout faire pour s’en sortir :
« Arrapa te a l’herba si voles subreviure ».
Accroche toi à l’herbe si tu veux survivre.
LA DUREE ?
Ne pas désespérer si la vie vous a traumatisé :
« Es lo tipe lou maï enclusat que dura lou maï ».
C’est la personne la plus cabossée qui dure le mieux.
LA VIEILLESSE ?
Comment se consoler du temps qui passe et garder une part de bonheur?
« Vi vieil, ami vieil et libres vieils fan d’urous in tou lieuc ».
Du vin vieux, un vieil ami, et des vieux livres font partout des heureux.
LE TESTAMENT ?
Les Champsaurins sont plutôt de nature méfiante tout en étant prévoyants :
« Chaou pas se debrayar trop lèou avant d’anar se couédjar ».
Il ne faut pas se déshabiller trop tôt avant d’aller se coucher :
(iI ne faut pas donner trop vite tous ses biens avant de mourir).
L’ESPERANCE ?
Ne demandons pas tout, et, ( comme dans la pierre écrite des Veyers) , gardons l’espérance :
« Diéou nous fassi la graça de veire l’an que ven, et si sian paï maï, qué seguessian paï mens ».
Que Dieu nous fasse la grâce de voir la nouvelle année et, si l’on n’est pas plus…que l’on ne soit pas moins!
Pour avoir une idée du langage intercalaire, quand les Champsaurins ont été obligés d’abandonner le patois (leur langue régionale) pour ne parler que le français, voir « Le Champsaurisme : une langue menacée de disparition » : Cliquez ici .
FIN
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Commentaire de Marie-José Coiffait :
J’ai à peu près tout regardé ce qui concerne le Champsaur. Je trouve l’ensemble très, très intéressant. C’est une mine!
J’ai aimé, en particulier la philosophie du Champsaur, pleine de bon sens, de simplicité, parfois d’originalité. C’était le socle commun et les gens en avaient certainement besoin pour se rassurer et pour juger.
Mais j’ai encore plus aimé le vocabulaire, la richesse des mots, leur immense variété. Quel dommage que la République n’ait pas entretenu cette précieuse particularité, ce précieux terreau! La terre et la montagne vont avec la langue. Je connais assez bien le Cantal, en particulier la Margeride et c’est pareil! Perdue cette langue (plus qu’un patois) chez les jeunes générations.
L’interview de Jean Paul Clot est très émouvante. On sent que ce qu’il raconte est profondément juste. On ne lui a certainement pas toujours fait de cadeau, mais lui, en tant qu’homme, en est sorti grandi.
…J’ai beaucoup, beaucoup appris sur une région pratiquement ignorée. Merci encore.