L’après guerre 14-18 : des amitiés pour la vie.
L’après 14-18 Des amitiés pour la vie
(Article écrit par Robert FAURE en mai 2014)
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J’ai été très frappé, dans ma jeunesse, par l’amitié poignante qu’ont entretenue pendant toute une vie mon père, Pierre Faure et Amable Gras. Ils s’étaient connus sur les champs de guerre et ils avaient partagé, entre 1914 et 1918, la bataille de la Marne, l’enfer de Verdun et les horreurs du front de la Somme. Bien sûr, tout cela, ça marque ! Pourtant, ils ne parlaient jamais avec nous de ce qu’ils avaient vécu, avaient subi, avaient souffert… mais ils en rêvaient la nuit.
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Rencontre sur le front
Premier août 1914
Le jour de la mobilisation, Pierre Faure (37 ans) avait quitté sa ferme, sa terre champsaurine, sa femme, ses enfants pour se voir attribuer au 112ème territorial un poste de muletier mitrailleur chargé de porter sur le front les ordres de l’Etat-Major.
Amable Gras (42 ans) Haut-alpin d’origine, quittait la Suisse où il avait fait fortune. Il s’engageait sous nos drapeaux, pour venir, casque sur la tête et revolver à la ceinture, défendre le pays de son enfance, ce qui lui valut d’ailleurs la médaille militaire 1914-1918.
Ces deux là ont alors entamé une « amitié à la vie, à la mort ».
Et toute notre famille participait à cette vénération réciproque qui nous épatait. Les années se suivaient avec correspondances nombreuses, échanges de cadeaux, visites régulières…
La dernière fois que j’ai vu M. Gras, c’était en 1950, deux ans avant sa mort, lors d’une réunion de famille que mon père avait organisée chez mon frère Laurent Faure à la ferme de Sauque.
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Devant la ferme de Sauque, au deuxième rang : Robert Faure, Claire Faure, M. Gras, Laurent Faure. Au premier rang : Marie-Claire Faure, Laurette Faure, Mme Gras et Gaston Faure.
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Dans les prés de Sauque, autour de la grosse auto, joyeuse réunion.
M. Gras était arrivé un peu en retard. Il avait peiné pour faire grimper sa grosse voiture sur l’étroite route encaillassée qui menait de La Bâtie Neuve à la ferme de Sauque.
Mais quel repas campagnard agréable, avec les produits de la ferme (tourtons, jambon, poulet pommes frites, salade du jardin, tomme et chantilly) et un M. Gras à la voix grave mais à la faconde étourdissante avec ses milliers d’histoires sur sa curieuse aventure.
Quand un Haut-alpin prend grand commerce à Genève
Amable Gras avait décidé dans sa jeunesse de quitter Chorges et Montgardin et de partir en Suisse pour tenter d’y faire fortune, voulant imiter ceux de Barcelonnette qui avaient si bien réussi au Mexique. Il trouvait d’abord un petit emploi comme vendeur dans un commerce de textile à Genève.
Doué pour le négoce, d’économies en économies et d’années en années, il parvenait à fonder en 1905 (il avait 33 ans) son propre commerce : un immense magasin, 5 rue de Coutance à Genève : Tissus A. Gras, trousseaux et layettes aux prix de fabrique, toilerie, lainages, nouveautés.
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Amable Gras : un personnage hors du commun qui a tenté sa chance et a bien fait son chemin.
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Villa Montgardin-jardin alpin
Self made man, Amable Gras s’était fait construire à Meyrin, près de Genève une somptueuse villa qu’il baptisa « Montgardin » en hommage à sa localité d’origine.
Ma sœur Marie qui avait été reçue fastueusement par M. Gras nous avait fait parvenir cette éblouissante photo du pavillon de son jardin alpin.
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Et Amable Gras avait joint une photo de sa demeure, nous invitant à venir le voir, ajoutant même : Entrée nord-ouest :
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Musée communal suisse
Cette villa Montgardin, après la disparition de M. et de Mme Gras, a été rachetée à ses héritiers par la commune et est devenue pendant quelques années la mairie de la ville de Meyrin (plus de 20 000 habitants).
Puis la municipalité de Meyrin a transformé la propriété d’Amable Gras en jardin alpin. C’est aujourd’hui un parc très réussi, idéal pour la promenade et la découverte des rocailles et des plantes vivaces alpines.
Chaque année on y célèbre une « fête du jardin alpin » pour l’arrivée de l’été.
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Un personnage haut en couleurs
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Amable Gras, avec sa présence et son prénom éclatants, laisse le souvenir d’un personnage distingué, moustache conquérante et toujours bien lissée, haute élégance : un vrai prince haut alpin, un prince qui, dans ses relations, se montrait courtois, simple, humble et surtout très chaleureux.
J’avais 4 ans
J’avais 4 ans (dans les jambes de mon père) pour ma première rencontre avec M. Gras.
C’était le 1er août 1934.
Les deux anciens combattants, Amable Gras et Pierre Faure, s’étaient réunis ce premier août 1934 à Prégentil, lieu paisible par excellence, pour commémorer le vingtième anniversaire de la déclaration de la guerre.
Rencontre sympathique des anciens de la guerre de 1914 à Prégentil, avec toute la famille, avec aussi l’oncle Fidèle et la tante Louise, Gapençais de la rue Saint Arey.
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Au fil des années quelques uns des échanges:
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Petites attentions, et modestes cadeaux d’affection:
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Amable Gras : des images fortes qu’on n’oublie pas!
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