Ce château a été construit probablement entre 1250 et 1300 sur la commune de Chauffayer (vallée du Champsaur). En cet endroit, avant la construction du château, se trouvait une maison plus modeste mais qui appartenait déjà à la famille des « Herbésio » (ou Herbeys sur certains documents).
Histoire du Château.
En 1131, à Chauffayer une terre porte ce nom ….…
En 1131, un premier documentcite la famille des Herbeys sur le secteur d’Aubessagne-Chauffayer, laissant supposer que cette famille avait déjà une propriété en ce lieu …surtout lorsqu’on lit la suite des événements.
En 1248, une petite propriété déjà existante….…?
En 1248 , un document stipule que Marc d’Herbésio ( ou Des Herbeys) obtient la concession de ce terrain « à condition que le dit Marc devienne l’homme de Bertrand des Engelès ». Il devait alors le « servir contre tous sauf contre le Dauphin ». Cet acte officiel stipule bien que la propriété appartient aux Herbeys.
Ce document de 1248nomme le Dauphin comme Seigneur de la région. Le Dauphin dont il est question ne peut pas être le fils du Roi de France. En effet ce titre de Dauphin n’a été créé qu’en 1349 lorsque Humbert II, n’ayant pas d’héritier, donna ses terres au Roi de France Philippe VI à condition que les fils du roi s’occupent de ce territoire en portant le nom de Dauphin. Il s’agit donc, en 1248, des « Dauphins », ancêtres d’Humbert II, maîtres des terres du Dauphiné ( Hautes Alpes).
Le château des Herbeys vu du château de Saint Firmin.( gros zoom)
On sait également qu’en 1248, les terres des « Herbeys » étaient très arides, sans ombres, une propriété difficile à exploiter. Il y avait tout juste suffisamment d’eau pour la consommation des familles sur Chauffayer .
Entre 1250 et 1300, un début de château……. ?
La propriété est achetée aux Herbeys par la riche famille des Armands, seigneurs de Saint Jacques en Valgaudemar. Cette famille avait autorité sur les habitants du secteur et était suffisamment puissante pour construire ce petit château. La construction fut réalisée entre 1250 et 1300. Pendant 400 ans, la famille Armands restera propriétaire des lieux.
Le château et ses terrasses. Peinture à l’huile réalisée par Charles-Etienne Imbert Desgranges.
Amélioration du Château vers 1570….. ?
On sait avec certitude que le Duc de Lesdiguières a été baptisé en ce lieu en 1543. En effet le prêtre qui était au service des Armands ( en 1550, ils sont toujours propriétaires des lieux), était cousin avec la famille de Lesdiguières.
François de Bonne, futur Duc de Lesdiguières, devient très jeune, protestant et fait rapidement fortune en s’imposant dans toute la région grâce à des qualités de chef militaire hors norme et son absence totale de scrupule. A l’âge de 32 ans (en 1575 environ), il est suffisamment riche pour construire un château sur l’emplacement d’une maison familiale au Glaizil.
Portrait du Duc de Lesdiguières ( déjà nommé connétable)
Les Armands, propriétaires du Château des Herbeys, et Lesdiguières, propriétaire du grand château du Glaizil entretiennent de bonnes relations. Par fierté ou peut-être ont-ils fait fortune comme lui dans les guerres de religion, les Armands décident alors d’agrandir le château des Herbeys.
Autour de ce château, existe toujours en 1600, le problème de l’aridité et du manque d’eau.
En 1629, Louis XIII accompagné de Richelieu revenant tous les deux du Piémont ont dormi au Château des Herbeys. A l’aller, le 23 février 1629, ils s’étaient arrêtés de l’autre côté du Drac au château de Lesdiguières. Le Duc de Lesdiguières était mort 3 ans plus tôt (à 83 ans et en campagne militaire….) en 1626. Nous rappelons également que ce beau château brûlera en 1692 après une attaque des mercenaires du Duc de Savoie. Pour lire l’histoire du Château de lesdiguières (et voir les reconstitutions numériques) Cliquez ICI .
En 1696, par manque de descendant,la propriété passe par alliance à la famille Duport de Poncharra…….Effectivement, en 1696 Jacques Armands marie sa fille Esther (seule héritière) à Moyse Duport de Poncharra qui devient alors Seigneur des Herbeys.
Moyse Duport de Poncharra et son épouse Esther Armands.
En 1754, leur fils Pierre-Jacques imagine un canal d’irrigation pour la propriété……
Esther et Moyse auront un fils dénommé Pierre Jacques qui passera chaque année, la belle saison aux Herbeys et il est frappé par la grande sécheresse, par le manque d’eau existant sur le plateau. En 1754, il avance l’idée d’un canal de 28 km, qui prendrait naissance dans la Séveraisse au village de La Tour. Sur ce trajet il fallait prévoir plusieurs édifices ( aqueduc, ponts….) et avoir les autorisations des propriétaires. Beaucoup se méfient et le projet ne verra finalement pas le jour. Pierre-Jacques décède en 1768. C’est son fils Louis-François né en 1733, qui reprendra l’idée…..
En 1773, Louis-François des Herbeys réalise enfin le canal d’irrigation du plateau des Herbeys….un canal de 28 km.
Louis-François de Poncharra des Herbeys ( 1733-1819).
Son père meurt en 1768, mais Louis-François des Herbeys reprend le projet. Ce canal d’irrigation long de 28 km, prendra sa naissance dans la Séveraisse près de La Chapelle en Valgaudemar, arrivera au Château des Herbeys puis retournera, après la longue ligne droite de Combardencq vers le Drac.
Au cours de son long périple, cheminant lentement, à travers bois et villages, les eaux pourront irriguer les propriétés attenantes. Ce projet ambitieux, comporte ponts, aqueducs, constructions, facilitant le trajet. En plusieurs endroits M. Des Herbeys, à la fois ingénieur et conducteur de travaux, doit faire sauter la roche, poser des mines, « utilise pour obtenir de bons niveaux, les sinuosités tour à tour saillantes et rentrantes des flancs. Sur plusieurs points le canal est en corniche. A un moment donné, des Herbeys se trouve arrêté par une masse d’éboulis de 100 m de largeur, essentiellement perméable. Il a recours à l’expérience d’un paysan de Chauffayer, un certain « Masse », qui lui apprend à calfater le canal avec un mélange de terre et de feuilles de hêtre, mélange imputrescible…..Il employa une centaine de femmes à ramasser les feuilles de hêtre dans les bois voisins » . Grâce à ce procédé l’eau peut passer les éboulis sans difficultés.
Pourquoi le projet de canal a-t-il pu aboutir ?En réalité Louis François des Herbeys a deux grands avantages sur son père. D’une part il vit aux Herbeys toute l’année (son père n’y venait qu’à la belle saison) il connait bien le secteur et d’autre part il est très aimé des environs. On l’appelle « monsieur des Herbeys »….. Les propriétaires lui font confiance et réalisent collectivement ce projet. Il est fonctionnel 1773 mais ne sera mis en service qu’en 1811.
M. Des Herbeys finance la plus grande partie des travaux. Toutefois il s’indigne à un moment de n’avoir aucune aide financière et pas même une avance. La vallée est très pauvre et il ne peut guère demander d’argent aux paysans. Initialement une cinquantaine de personnes s’engagent dans ce projet. Mais devant l’opposition du village de La Chaup que le canal traverse (sans pouvoir en profiter) beaucoup d’associés se retirent. Il essuie procès et tracasseries. Finalement ils ne sont plus que huit associés.
En 8 mois l’ébauche du canal est terminée…..ce qui est exceptionnel pour l’époque. En faisant un simple calcul, cela fait une progression de 135m par jour (pour un travail de 6j sur 7) !! Mais il faudra plusieurs mois pour l’élargir.
Le 4 octobre 1773, l’eau arrive au château des Herbeys ! Deux jours plus tard, il épouse à Vienne, en l’église de Notre-Dame-de-Vie, Marie-Marguerite de Vellein. Ils ne pourront jamais avoir d’enfants……
Le bassin du château. Incroyable à l’époque…….
1789 : La Révolution.
A la révolution, M. Des Herbeys est élu le 24 juillet 1789, capitaine de la nouvelle milice à Vienne puis le 12 décembre 1789, colonel de la garde nationale à Vienne. En ces temps violents, incertains, il passe l’orage sans trop de difficultés. Pourtant les révolutionnaires de Saint-Bonnet-en-Champsaur sont virulents. Mais M. Des Herbeys est très apprécié et tout se passe bien. Il doit par contre envoyer toute son argenterie à Gap pour qu’elle soit fondue au profit de la Nation. Avec le Consulat, une certaine logique revient.
Le 30 fructidor de l’an IX, il reçoit une médaille d’or de la Société Nationale d’Agriculture pour son canal et service rendu à la population. Il se lie d’amitié avec le préfet Ladoucette ( grand préfet de l’Empire de 1802 à 1807 dans les Hautes-Alpes).
En 1819, Louis-François nomme son neveu Scipion Imbert-Desgranges comme héritier.
La famille Desgranges gardera le château pendant un siècle environ. (1819-1920)
En 1920, à la suite d’une succession, le château est vendu à une colonie de vacances. Un des salons du château est transformé en chapelle. Tous les meubles anciens de la famille des Herbeys sont transférés à Sainte-Foy-les-Lyon.
Carte postale de 1922. Château des Herbeys devenu colonie de vacances de jeunes filles.
Aujourd’hui, le château des Herbeys est devenu Hôtel-restaurant.
Depuis plusieurs années, le château a été transformé en hôtel-restaurant. M. Delas, le propriétaire des lieux, a su tout en respectant la disposition et l’authenticité des lieux, adapter les bâtiments à sa nouvelle fonction. On retrouve les grands salons, transformés en salle de restaurant. S’y déroulent d’ailleurs des fêtes et des réceptions magnifiques.
Cette photo a été prise par une amie canadienne (Mme Linda Clermont) lors du repas qui a suivi les commémorations de l’accident d’avion de l’Obiou le 13 novembre 2010. Il y avait 115 convives…..
Le site officiel du château décrit l’extérieur du château en ces termes : « Une parenthèse en pleine nature, calme, promenades, rêveries. Un château du XIIIe siècle, dans un parc immense où ombre et soleil se faufilent sous les bosquets, autour des fleurs en massifs, sur les bancs de pierre : piscine, tennis, jeux de boules, et silence ! »
Les jardins du château des herbeys. Lorsqu’on sait que ce plateau était très aride au XIVeme siècle, on réalise le travail d’irrigation accompli.
Les deux petites tours qui encadrent le château ont été construites vers 1990, faisant ressortir le côté château de l’ensemble.
Photos-Souvenirs.
Hormis la photo qui se trouve en bas et à droite et qui est une photo publicitaire (Gilbert Delas), les autres photos ont été prise par Mme Linda Clermont lors du repas qui a suivi les commémorations de l’accident d’avion de l’Obiou le 13 novembre 2010.
Au centre en haut : la piscine du château , en haut à droite l’église de Chauffayer ( commune où se trouve le château), au centre en bas le château de saint Firmin pris en photo depuis « Les herbeys », en bas à droite le village de Saint Firmin pris du château.
Photo 1 : Château vu côté nord au sortir du bois de Gaudi ( route Gap-Grenoble)
Photo 2 : cliché réalisé avec zoom ( énorme) depuis le château de St Firmin.
Photo 3 : cour intérieure du château.
Photo 4 : rare. Famille Desgranges prise en photo devant la vasque d’arrivée du canal dans le jardin du château.
Photo 5 : Eglise de Chauffayer et la chaîne du Faraud en arrière plan.
Photo 6 : le château devient colonie de vacances en 1920. Le mobilier des « Herbeys » est transporté à Sainte-Foy-les-Lyon.
Photo 7 :peinture du château réalisée par Charles Etienne Imbert-Desgranges
Photo 8 : peinture du château réalisée par Charles Etienne Imbert-Desgranges.
Photo 9 : vasque d’arrivée d’eau du canal ( jardin du château).
Photo 10 : photo prise du Château des Herbeys. Au loin le château de Saint Firmin ( l’inverse de la photo 2).