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Présentation de Gérard Dôle par Robert Faure .
Les rigodons, les gavotes, les aubades, les sérenades …autant d’évocations de ce qu’était autrefois la culture musicale traditionnelle des Champsaurins.
Si les danses ont été maintenues grâce à certains groupes folkloriques, comme « le pays gavot » de Gap, ou « les maintenaïres » de Saint Bonnet, la tradition chantée, elle, est restée très confidentielle, seulement un tout petit peu retrouvée grâce aux « renveillés » d’Orcières.
Pourtant, certaines régions françaises, comme la Bretagne, en puisant dans le folklore, ont pu régénérer de vieilles chansons locales pour en faire des « tubes » nationaux sur les scènes françaises.
Rien de tel pour le Champsaur.
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Et si l’on veut retrouver, en concert, des vieux airs et des chansons champsaurines, il faut aller aux Etats Unis.
Ces airs, en fait, sont partis aux Amériques avec les émigrés champsaurins qui ont quitté la vallée au 20 ème siècle.
Et beaucoup de ces émigrés se sont retrouvés dans l’état de la Louisiane, au pays des Acadiens, où de nombreux habitants parlaient encore le français.
Ils ont formé là un petit clan pour maintenir les souvenirs, les traditions et les chants et les danses rustiques de leur pays d’origine.
Et il s’est trouvé des chanteurs et compositeurs américains qui ont apprécié et recueilli ces chansons pour les mettre dans leurs tours de chants.
Parmi eux : Gérard Dôle.
« Gérard Dôle est un exemple à imiter pour les auteurs-compositeurs champsaurins. »
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Gérard Dôle est à la fois un chercheur et un auteur-compositeur-interprète (une vingtaine de disques) qui parcourt de concerts en concerts les villes américaines, qui vient de temps en temps en France, qui a chanté, entre autres, à Bobino.
Dans les tournées de Gérard Dôle, on peut entendre des rigodons champsaurins.
On peut entendre le « you…fou…fou… » ,ce huchement traditionnel des Champsaurins qui accompagnait autrefois les musiciens (dans « Macaque rigodon ») . ( Vous pouvez trouver le titre sur « Deezer » )
On peut entendre des chants champsaurins , comme « La danse de Gueydan » inspirée par les Gueydan dont l’ancêtre Jean Pierre est parti de Saint Bonnet en Champsaur pour fonder en 1899 la ville de Gueydan en Louisiane (1700 habitants aujourd’hui)…
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Jacques Brel a dit de Gérard Dôle: « De la mélancolie à la mélancolie, il nous pousse au voyage. Avec lui, la tendresse danse de sillon en sillon. Et avec Gérard Dôle, il est doux de rêver. Il est urgent de se laisser prendre au rêve ».
« Macaque rigodon » et « La valse de Gueydan », que nous a confié Gérard Dôle, sont des morceaux que j’ai appris jadis en Louisiane, mais je ne me souviens plus trop comment ni quand exactement. »
Gérard Dôle a été folk. Il joue depuis le milieu des années années 70 de la musique cadienne et compose des chansons franco-acadiennes.
Article de Gérard Dôle
LES CADIENS, LA CONTREDANSE ET LE RIGODON, À L’ÉPOQUE DE LA CESSION DE LA LOUISIANE À LA JEUNE RÉPUBLIQUE AMÉRICAINE.
par Gérard Dôle ( 28 octobre 2009 )
En 1804, on peut véritablement parler d’Acadiens louisianais puisque quarante ans séparent la cession de la Louisiane de la première mention de réfugiés acadiens à la Mobile, et que les enfants et les petits-enfants des migrants de 1765-1785 sont nés dans la colonie. Ceux-là sont donc créoles au même titre que les autres planteurs blancs, bien qu’ils continuent généralement à s’appeler Cadiens entre eux.
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Comme leurs ancêtres de l’Acadie, les Acadiens louisianais ont la réputation d’aimer les plaisirs de la danse. Ainsi, dans ses Mémoires publiées en 1802, le général Milfort remarque que l’hiver est chez eux une saison qu’ils « passent ordinairement en fêtes » (a). C. C. Robin, qui voyage en Basse-Louisiane à la même époque, écrit de son côté qu’ils sont « amis de la joie » et « dansent par-dessus tout, et plus que tout le reste de la colonie » (b), ce qui n’est pas peu dire.
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Le rigodon, c’est un mouvement en deux temps brefs, composé de 16 mesures dont les 8 premières sont une promenade générale en cercle, alternant un garçon, une fille , qui se font face, se tournent et continuent à marcher , se tenant par la main dans une cadence rapide et gaie, à deux temps avec parfois une anacrouse. Les 8 mesures suivantes sont deux balancés successifs: les bras levés en corbeille, les pieds marquant fortement les temps, l’un avec sa danseuse, l’autre avec la danseuse du voisin de droite. Pour l’anecdote, les « estrangers » disent qu’avec les Champsaurins, c’est comme avec leur rigodon, il faut faire 3 pas en arrière si l’on veut qu’ils en fassent 2 en avant. ( illustration et commentaire de Mr Faure ) .
« Une partie de l’année ils se donnent des bals entre eux, font dix et quinze lieues pour y courir. Tout le monde danse, grand-père et grand’-maman ; un ou deux violons, vaillent que vaillent, animent la joyeuse assemblée » (c)
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Les Acadiens louisianais du temps dansent-ils déjà des cotillions, c’est-à-dire des contredanses françaises, comme le font les colons français de l’Ohio à la même époque ? Il est vrai qu’une partie de ces derniers ont quitté Paris en 1789 ou 1790, et qu’à l’époque, les contredanses font fureur dans les bals publics (d); mais rappelons-nous qu’un gros contingent d’Acadiens a lui-même quitté la France en 1785, et que les contredanses, à ce moment-là, sont également dansées dans les grands ports du royaume. Une preuve certaine nous en est donnée par Berquin-Duvallon qui écrit qu’à la campagne comme à la ville, vers 1802, c’est « l’éternelle contre-danse qu’on y figure sans cesse, en y adaptant quelques formes différentes, il est vrai, mais dont le fond est toujours le même »(e). Au passage, notons que cette phrase nous permet de penser que lorsqu’un violonier du bayou Choupique déclare en 1890, évoquant sa jeunesse, qu’à « eune noce ou eune bal on dansait des rigodons » (f), il faut peut-être comprendre des contredanses à pas de rigaudon comme celle que cite Moreau de Saint-Méry (g).
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Les habitants des villages du Champsaur se rassemblaient autrefois, bruyamment et joyeusement, autour du rigodon. Tout un cérémonial présidait pour la bonne tenue de la fête : le mai, le mât de cocagne, un grand arbre décoré de fleurs et de rubans, planté dans le champ de la danse, l’élection de l’ « abbé », le directeur de le fête (souvent l’oncle Fidèle Faure), avec son « accoutrement »: cheveux poudrés, canne sculptée à la main garnie de rubans multicolores, défilé avec le violoneux ou l’accordéoniste, et les amis qui « huchaient ». Pour le bal, l’abbé réglait les plaisirs, organisait le départ de la musique, et désignait les danseurs. Puis c’était l’envolée du rigodon. ( photo et commentaire de Robert Faure )
« Nous autres dans la campagne on se mariait jeune. On courtisait les filles et eune fois un garcon avait choisi sa prétendue, la noce tardait pas boucoup. Oh ! mais du Djiab si on s’amusait pas bien mieux qu’à c’t’ heure. A eune noce ou eune bal on dansait des rigodons, et c’était si tentant que les violoniers mêmes quittaient leur violon et se mettaient a corcobier [cabrioler] comme les autres. »
Les réminiscences de ce violonier se présentent sous la forme de deux lettres, respectivement datées des 5 et 12 novembre 1890 au bayou Choupique, situé dans l’actuelle paroisse St Mary. Il est à croire qu’Alcée Fortier, qui les publie dans ses Louisiana Studies, a fait la synthèse écrite de divers entretiens verbaux avec des informateurs agés qui évoquaient pour lui le temps de leur jeunesse, lors de son voyage aux Attakapas en septembre 1890. Quoi qu’il en soit, ces deux lettres, signées d’un nom fantaisiste (Batis Grosbœuf), semblent contenir un grand fond d’authenticité.
Gérard Dôle
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Références citées par Mr Dôle :
(a) Milfort (Général), Mémoire ou coup-d’œil rapide sur mes différents voyages et mon séjour dans la nation Crëck, Paris, Impr. de Giguet et Michaud, 1802, p. 108.
(b) C.-C. Robin, Voyages…, op. cit., Robin Charles-César, Voyages dans l’intérieur de la Louisiane, de la Floride occidentale, et dans les isles de la Martinique et de Saint-Domingue, pendant les années 1802, 1803, 1804, 1805 et 1806, Paris, F. Buisson, 1807, vol. 2, p. 241.
(c) Ibid., vol. 2, p. 241.
(d) Ainsi, quelques années plus tôt, une veille de Mardi gras, à Paris, au carrefour de Buci, chez un certain Coulon qui donne « au public, pour son argent, bal et collation »*, une jeune fille que Restif de la Bretonne veut raccompagner, le prie de lui laisser danser avant de partir « une seule contredanse »**.
* RESTIF DE LA BRETONNE Nicolas-Edme, Les Nuits de Paris, édition de Jean Varloot et Michel Delon, Paris, Gallimard, 1987, p. 72 ; ** Ibid., p. 73.
(e) Berquin-Duvallon, Vue de la colonie espagnole du Mississipi ou des provinces de Louisiane et Floride occidentale en l’année 1802, Paris, Impr. Expéditive, 1803, p. 284.
(f) Fortier Alcée, Louisiana Studies, Nouvelle-Orléans, F. F. Hansell, 1894, p. 191.
(g) Moreau de Saint-Méry Médéric-Louis-Elie, « Danse », Répertoire des notions coloniales, Philadelphie, l’auteur, 1796.