Article écrit le 08 juillet 2010 par Robert Faure
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Photo de Chaudun prise en fin d’hiver. Sur le versant gauche la neige , sur l’autre la désolation , de toute part des montagnes difficilement franchissables. Dans leur lettre au ministre les villageois écrivaient : « ….notre village est enfoui 8 mois dans l’année; privé de communication, enfoncé dans les replis abrupts de rochers dénudés….le mulet est la seule bête que nous puissions employer avec sécurité pour le transport à dos de nos approvisionnements…. ». ( pétition du 28 octobre 1888) .
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Mais pourquoi ont ils fait ça?
Ils étaient « au bout du rouleau » , tant la vie leur était dure: la rigueur du climat, 8 mois d’hiver à 1900 mètres d’altitude, des conditions d’existence dures et précaires, une terre stérile, un sol dur et rebelle, un village encaissé, enclavé, 19 kilomètres pour trouver le premier magasin, pas de médecin…
La ténacité des habitants arrivait alors à son terme. Tout empirait. Ils se sentaient découragés, vaincus, désespérés. Ils ne pouvaient même plus payer leurs impôts.
Un temps séduits par leur curé, l’abbé Robert, (un Champsaurin de Charbillac), quelques habitants manifestaient leur envie de s’expatrier pour fonder un autre Chaudun sous un climat moins rigoureux et un sol moins ingrat. L’Etat, à l’époque, facilitait les départs pour l’Algérie, vers « cette nouvelle France, cette seconde patrie ».
Et, de propositions en propositions, de négociations en négociations, la municipalité, finalement, proposait au gouvernement d’acheter la commune.
L’administration des Forêts venait alors occuper le territoire vidé de ses habitants.
Et 4 millions d’arbres remplaçaient 176 habitants.
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Aujourd’hui, Chaudun en ruine est envahi par la végétation. ( photo de Juin 2010 ).
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Une situation très difficile……
La destinée de ce village, en limite du Champsaur, montre bien l’état d’esprit dans lequel se trouvaient à l’époque les paysans de la région.
D’ailleurs, la situation des autres communes du Champsaur n’était guère plus brillante.
Il est vrai qu’elles se retrouvaient , toutes , marquées par un accroissement rapide de la population ( un quasi doublement) et la terre n’arrivait plus à nourrir tous les habitants:
La population était passée,
pour Ancelle, de 545 (au I5ème siècle) à 1193 en 1881,
pour Champoléon, de 265 à 563,
pour Le Forest Saint Julien, de 125 à 528,
pour Saint Bonnet, de 850 à 1763,
pour Saint Jean Saint Nicolas, de 350 à 930…
Pour les femmes, les maternités succédaient aux maternités.
Quant aux pères, ils estimaient que, dans ce pays où la mort frappait durement surtout les enfants, il fallait un maximum de descendants pour assurer la survie.
Dans les grandes familles, quand le père, en pleine force de l’âge mourait, c’était le drame. Et si les deux parents disparaissaient, c’était souvent , pour les nombreux enfants, l’orphelinat.
Au début du 19ème siècle, la moyenne de vie, dans le Champsaur n’était que de 29 ans.
Les pauvres terres étaient insuffisantes pour nourrir la forte population de la vallée.
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Un système patriarcal…..
Ceux qui persistaient tentaient bien de garder, en dépit de difficultés de toutes sortes, un système patriarcal qui permettait un maigre minimum vital.
La vallée vivait en autarcie, au sein de familles nombreuses où l’autorité du chef de famille était reconnue jusqu’à un âge avancé.
Le père, on le respectait, on le craignait, on le vouvoyait.
Les règles qu’il enseignait : travail, dur travail, des terres difficiles et peu généreuses, persévérance quand même.
Sa vie : labourer, semer, faucher, récolter, garder, gouverner les bêtes.
Les pères étaient très puissants, (le fils aîné aussi, à la mort du père).
Les mères courageuses. Une vie pénible, avec, en plus des travaux domestiques et ménagers, quantité d’enfants : souvent plus de dix.
Pour les jeunes, la cohabitation avec les parents était intenable.
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Un climat glacial et des terres difficiles à travailler……
L’habitat était austère, rudimentaire, glacial.
Les parcelles à travailler étaient maigres eu égard à l’importance des familles qui vivaient dessus.
Il fallait compter avec l’altitude qui limitait l’utilisation des terres. Subir parfois six mois d’hiver. Quand la bise soufflait et la neige tombait en novembre, les seigles et les avoines ne pouvaient plus mûrir. Betteraves, regains, pommes de terre étaient ensevelis. Et il fallait attendre plus de cinq mois pour réensemencer des blés de printemps sans savoir si un futur automne clément permettrait de les récolter.
De plus, il ne fallait pas trop se fier aux terres en pente qui glissaient vers le Drac.
Il fallait lutter sans merci, quotidiennement, pour conquérir un pouce de terrain.
Témoins ces terrasses, ces « clapiers » et ces tonnes de pierres, de cailloux, arrachées à la terre et qui jalonnent les chemins entre Orcières et Prapic.
Très dures vies!
…On comprend le désespoir des habitants.
D’ailleurs, plusieurs hameaux haut-perchés ont vu, à l’exemple de Chaudun, leurs habitants partir définitivement.
Dans la liste de ces hameaux abandonnés : Molines en Champsaur, Londonnière, Les Bayers, Le Roy, Le Sellon, Les Auberts, Méollion, Chaumeillon, Les Chabauds, Costebelle…etc…
Si l’on en croit le rapport de 1857 basé sur le revenu imposable, les paysans du Champsaur étaient les plus pauvres de la Nation au 19ème siècle.
Une émigration importante. Partir à tout prix…..
On comprend aussi que de nombreux jeunes n’aient eu qu’une idée en tête: fuir, partir même au delà des mers.
Plus de 5000 Champsaurins ont alors émigré en Algérie, aux USA, au Canada, en Argentine…
Ils ont quitté la vallée, surtout entre 1845 et 1935.
Ils ont laissé, en pleurant, le Champsaur et les parents qu’ils aimaient, parce que la vie, dans la vallée, menait à une impasse. Ils voulaient survivre!
Pour ceux qui restaient , différentes mutations allaient modifier la vie locale.
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Puis des changements importants dans le Champsaur……
Triste, mais régulatrice, la guerre de 1914-1918 emportait un tiers de la population masculine.
La vie des paysans allait également changer après la guerre de 1939-1945 avec la mécanisation de l’agriculture, l’intensification de l’élevage et la modernisation des exploitations.
Puis le tourisme arrivait vers 1960, tourisme indispensable pour permettre à davantage de Champsaurins de travailler et de vivre au pays.
Le Champsaur passait alors d’une économie fermée à une économie ouverte, d’une économie de subsistance à une économie de productivité.
Autant de transformations bénéfiques puisqu’elles ont permis aux Champsaurins d’atteindre un niveau de vie comparable à la moyenne française.
Aujourd’hui, vivre en Champsaur n’est plus, comme au 19ème siècle, un douloureux défi.
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