Paul-Marie Radius

Paul-Marie Radius. Résistant

 

Radius-Paul-Marie-copie-1.jpg Trois époques : bachelier, Saint-Cyrien, Résistant.

 

Le général De Gaulle a pû déclarer en 1946 : « Le Lieutenant Paul-Marie Radius, FFI des Hautes Alpes, a été un magnifique officier, animé du plus pur patriotisme. Il a rejoint le maquis dès la dissolution de l’armée. Il a commandé le camp de Champoléon pendant de longs mois, inculquant à ses jeunes les sentiments d’honneur et de devoir. Arrêté par la Gestapo, a tenté de s’enfuir, repris a été exécuté comme otage le 10 juillet 1944. Son sacrifice en fait un héros de la Résistance française ». Le décret du 18 novembre 1944 comporte l’attribution de la Croix de Guerre avec palme et la nomination de la Légion d’honneur, au grade de Chevalier.

Voici donc l’histoire d’un grand Résistant.

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La jeunesse de Paul Marie

Paul-Marie Radius est né à Paris le 8 Avril 1920 dans une famille de 6 enfants (Paul-Marie, Yves, Françoise, Olivier, Micheline et Guillain). Son père Louis Radius a fait la Grande Guerre de 14-18 comme la majorité des jeunes de son époque. En 1918 il est démobilisé avec le grade de Lieutenant (obtenu au feu si j’ai bien compris). Aux dires de la famille, ce père n’était pas pour autant un « va-t-en guerre » loin s’en faut, mais il avait toutefois cet esprit un peu revanchard, comme beaucoup de français à cette époque, à l’égard des allemands. Louis entrera dans la Résistance à  Minihic-sur-Rance, pour y être responsable. Père et fils seront donc tous les deux Résistants : l’un en Bretagne (le père) et l’autre, celui dont nous allons parler, dans les Hautes-Alpes (le fils).

Olivier Radius, un jeune frère (qui m’a reçu longuement à Marseille), sera également Résistant au Minihic-sur-Rance avec son père.

 

Paul-Marie-Radius-copie-1.jpgEnfance de Paul Marie. 

 

 Un ouvrage a d’ailleurs été écrit sur Louis Radius (le père de Paul Marie) par Marine Margelidon (petite fille de Louis) car il a été un personnage assez étonnant. Héritier d’une droite plutôt maurassienne, il est devenu communiste  au contact de la Résistance.  Mais le frère de Paul Marie me précisait qu’il l’était devenu surtout à la mort de son fils, après la guerre.  Il tournait le dos à toute une tradition familiale de pensée.

1940-Famille-Radius.jpg

1940. Belle photo des six frères et soeurs. Paul-Marie (entouré), Yves, Françoise, Olivier, Micheline et Guillain. Pour écrire cet article, j’ai rencontré longuement à Marseille Olivier (4eme en partant de la droite) et son épouse. C’est également Olivier Radius qui  m’a transmis, avec beaucoup de gentillesse, ces belles photos  de jeunesse.

 

Mais continuons avec Paul-Marie :

Jeune, Paul Marie fait ses études au Cours Saint Louis, rue de Monceau à Paris et lorsque la famille quelques années plus tard s’installe en Normandie puis en Bretagne, lui, continue ses études à Paris. Sans être au large financièrement, la famille ne manque de rien.

Pendant les vacances, il retrouvait la maison familiale en Bretagne.  Son frère me signalait  qu’il participait volontiers aux travaux de la ferme. Mais plus encore, ce qui l’avait  frappé à l’époque, c’était son côté « liant » (pour reprendre son expression) avec les voisins, ses proches, avec tous……..Il était très ouvert.

Le témoignage en 1948 de Jacques Lévy  compagnon de Résistance de Paul Marie va dans ce sens « Le lieutenant Radius, que j’ai bien connu, était un jeune homme épatant, très énergique et très bon. Il avait été certainement  élevé selon des règles extrêmement strictes quoique dans des conditions difficiles et plus que modestes (il ne s’en cachait pas). Il abattait un travail considérable……. ».

Beau témoignage de Jacques Lévy (que j’ai connu personnellement à Toulon) et qui n’était pourtant pas un grand bavard. Toutefois, Jacques Lévy  (propriétaire des cafés « Maurice ») issu d’une famille très aisée,  a-t-il peut-être eu un regard excessif sur la famille de Paul-Marie. (Jacques Lévy restera longtemps en contact avec la maman de Paul -Marie, lui adressant chaque année un colis de café: beau geste). Mais je le répète,  son frère Olivier m’a confirmé que la famille ne manquait de rien,  et les parents pas spécialement strictes.

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maison-familiale-de--Paul-marie-Radius.jpg

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La maison familiale.  Les dessins sont de M. Paul Ducatez, beau frère de Paul Marie. Cet ensemble de photos confirment les dires de la famille: ils ne manquaient de rien…..sans avoir pour autant des revenus extraordinaires.

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Entrée à Saint Cyr

Une fois le baccalauréat obtenu, il entre à l’école militaire de Saint-Cyr alors transferrée à Aix-en-Provence pour cause d’occupation du Nord de la France. Il fait partie, comme son grand ami Jean-Bernard Rouxel, de la promotion « Charles de Foucault ». J’ai été surpris d’apprendre qu’on faisait faire aux jeunes promus, au sortir de l’école, la promesse de servir le Maréchal Pétain et de ne rien faire contre les allemands pendant 6 mois !  C’est pour ce motif que, pour ne pas manquer à leur promesse, beaucoup partaient en Afrique du Nord (pour préparer le débarquement) ou en Angleterre.

Paul Marie Radius semble avoir tenu sa promesse jusqu’à la dissolution en novembre 1942 de l’armée française dont il faisait partie. Il rejoint avec son ami Rouxel le maquis de Champoléon dans les Hautes Alpes (Champsaur). Une grande mission l’attend.

 

Paul-Marie-Radius--3--copie-1.jpgPhotos prises au Minihic sur Rance.A gauche en 1941 et à droite en 1942 très probablement.

 

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1943. Il quitte l’armée et entre dans le Maquis de Champoléon.

1er camp :

Resistance-Champoleon.jpgLa vallée de Champoléon dans le Champsaur (20 km de Gap).

 

Cette vallée d’environ 9km de profondeur est parcemée de petits hameaux : Les Eyrauds, le Clapier, Les Martins, Les Gubias, Les Clots, les Gondoins, le Chatelard….. Mais au centre de cette constellation de villages se trouve les Borels (que l’on voit très bien sur la photo ci-dessus, en bas et à droite). Ce village était la plaque tournante de tous les camps de Résistants qui se trouvaient plus haut dans la montagne, souvent à une heure de marche.  En effet, en  1943 des camps de Maquisards étaient installés un peu partout sur les hauteurs : les Garnauds, Meollions, Les Tourronds, le Chatelard. Un document signale que la vallée « était farcie de maquisards et de maquis« .

Paul-Marie Radius, officier St-Cyrien, est rapidement responsable de l’ensemble des groupements de l’ORA de Champoléon. Il assure personnellement la formation militaire des jeunes Résistants et s’occupe également des jeunes alsaciens logeants au village de Saint-Jean chez le Père Louis Poutrain (curé du village).

 Par ailleurs il est responsable du ravitaillement avec Pierre Poutrain (responsable du camp des Garnauds : pour lire l’histoire de Pierre Poutrain Cliquez ICI. ). Ce n’est pas une mince affaire de ravitailler quelques 60 jeunes affamés, quotidiennement, en période de pénurie, et de façon clandestine ! Du grand art !!

Compte tenu de ces 2 grandes responsabilités (formation militaire des jeunes et ravitaillement) Paul-Marie circulera sans arrêt dans la vallée, se trouvant assez souvent au village des Borels (point central de cette Résistance), quelquefois aux Meollions à 1 heure de marche dans la montagne au dessus des Borels (son camp théorique de repos), mais aussi au camp des Garnauds avec Poutrain, ou encore à 15 km de là, à la cure du Père Louis Poutrain qui a pu dire en 1948, « il est venu souvent dormir chez moi lors des missions….. »

Sur cette période, voici un autre témoignage du Père Louis Poutrain datant de 1948 « Paul-Marie et mon frère (Pierre Poutrain) était souvent ensemble pour assurer le ravitaillement. Ils entraient à toute heure du jour et de la nuit…….Paul Marie Radius était aussi chargé de la formation militaire…. il y a accentué l’esprit militaire et de combat……il était très gai…….C’était un excellent jeune homme, très énergique. Il avait le sens du devoir et ne comptait pas avec la fatigue« 

 

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 Du travail donc…… mais également beaucoup d’amitiés dans le maquis.

 

Camp--resistants.jpgMaquis des Tourronds. Fête de la remise du Fanion.

La plaque de la photo de droite a été volée par un collabo dénommé Grasset, remise ensuite à la Gestapo. Elle a été développée par les allemands et retrouvée à la villa Mayoli à Gap, lieux de torture de la Gestapo. A gauche, dessin réalisé par M. Paul Ducatez.

Un internaute me signale : « En fait, cette photo a été prise le 11 novembre 1943 alors que les maquisards fêtaient avec le Commandant Daviron (Ricard) l’armistice de 1918 ».

 

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Les camps de base étaient joyeux, pleins d’amitié :

Le père Louis Poutrain, en les voyant s’entendre si bien, prêts à rendre service à tout moment et parfois au péril de leur vie, disait d’eux dans son livre, « La déportation au coeur d’une vie », :« Quelle belle jeunesse….. « .

Richard Duchamblo va dans le même sens : « Ses compagnons de Résistance étaient pour la plupart des héros qui n’hésitaient pas à risquer leur vie. Mais, les coups durs une fois passés, ils se reposaient en savourant les plaisirs de la vie ….. »

Parmi eux ils y avaient beaucoup d’anciens scouts, et   » les veillées étaient magnifiques, avec un grand feu, des chants, des histoires…..et tous riaient bien volontiers…. » .

Après la guerre, beaucoup d’anciens Résistants diront avec force que ces camps de Champoléon (menés par Rouxel, Radius, Poutrain…) leur avaient laissé un souvenir extraordinaire, inoubliable  mais qu’ensuite, mutés à Chorges, à la Bégüe, dans le Dévoluy…… l’ambiance n’avait pas été aussi exceptionnelle.

Attaque violente des allemands le 13 novembre 1943.

Jusqu’en septembre 1943, ce sont les Italiens qui occupent la région. Avec eux, les choses se passent bien, ils ferment les yeux sur beaucoup de choses. D’ailleurs à la fin de la guerre certains reviendront en France pour aider la Résistance à chasser les allemands !

Mais en septembre 1943 les allemands arrivent dans la région. Très rapidement ils comprennent  qu’il y a un foyer de Résistance important dans la vallée de Champoléon. Après avoir recueilli suffisamment d’informations (en particulier grâce au jeune Grasset et à Léon Michel : le premier a été condamné après la guerre aux travaux forcés et le 2eme condamné à mort), les allemands attaquent Champoléon et le village de Saint Jean avec de gros moyens militaires.

Les maquisards de Champoléon ont été prévenus par un gendarme (Fine) quelques heures avant. Ils sont tous partis dans la montagne et ont pu caché les armes et le matériel. Aux Méollions, en partant un Résistant a écrit sur la porte du chalet « vous arrivez trop tard »  . Malheureusement les allemands détruisent tous les camps…..sauf celui des Garnauds.

 

Une autre attaque le même jour. Graves conséquences !

 

Presbytere-de-Saint-Jean-Saint-Nicolas.jpg  Presbytère de Saint Jean où les allemands sont intervenus. ( à 10 km de Champoléon)

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Ils cernent , le même jour, le village de Saint Jean à 10 km de Champoléon et la Paroisse du Père Poutrain (ci-dessus). Tous les jeunes alsaciens sont arrêtés, le Père Poutrain est arrêté et déporté. Ce sera une terrible expérience pour lui qu’il racontera dans son livre « La déportation au coeur d’une vie« . Sur la photo, on voit au dessus de la porte un plaque commémorative.

 

Après cette attaque, toute la Résistance du secteur est désorganisée

 Paul-Marie Radius était prêt à recommencer et à cet effet rassembler ses hommes  sur les hauteurs d’Orcières. Mais il reçoit l’ordre du colonel Daviron de les lacher dans la nature en leurs donnant des permissions pour qu’ils entrent chez eux.

Une petite partie du groupe passe quelques jours à l’hôtel des « Négociants »  à Gap  sous l’autorité des 2 officiers : Radius et Rouxel (les 2 amis). Voici ce qu’ils en dirent : » Nous y avons goûter le plaisir de coucher dans un lit, au voisinage immédiat de quelques allemands (glups !!!). Ce fut pour nous les délices de Capoue…. » Mais cela ne pouvait durer. Chacun allait devoir rentrer chez lui.

Note du Webmaster : Je pense qu’après l’attaque du 13 novembre 1943, les allemands connaissaient très bien les noms de tous les chefs de la Résistance : Radius (qui sera fusillé), Rouxel (mort en déportation), Pierre Poutrain (fusillé), son frère le Père Louis Poutrain (arrêté lors de cette attaque du 13 novembre et déporté : a survécu ), le colonel Daviron (déporté, a survécu), le capitaine Connan……Le fait de séjourner à Gap était donc très risqué.

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Paul Marie rentre en Bretagne chez lui. 

Il arrive à le Minihic sur Rance le 20 novembre 43 pour revenir  dans les Alpes le 30 novembre : dix jours chez lui (dates données par sa mère). De retour à Gap, il va d’hôtel en hôtel, prend des risques pour réorganiser son groupe. Pas un de ses hommes ne manque à l’appel.

Décembre 1943, sa hierarchie lui demande d’intégrer le maquis de la Begüe.

2eme camp

Carte-Resistance.jpgIl n’est plus dans la vallée du Champsaur mais dans celle qui monte vers Briançon, précicément au Chantier de la Begüe. (Hameau de la Beaume au pied du col de Cabre )

 

La-Begue-Resistance-2.jpg

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Paul Marie arrive à la Bégüe  en décembre 1943, tout près de Thuoux (hameau d’Aspremont) . Cette photo a été prise à son arrivée (transmise par sa famille). Ils seront attaqués par les allemands le 13 janvier 1944 !!! ….c’est à dire 1 mois plus tard…..mais je vais trop vite.

 

La-Begue-Resistance--jpgLe baraquement n’est pas terminé. Tout est à faire. On y installe aussi une ligne electrique.

 

Officiellement, dans les alentours, ces garçons (maquisards en réalité) sont bûcherons-charbonniers employés par l’entreprise Charmasson (courageux le patron !).

Précision de M. Jean-Pierre Pellegrin  » A Thuoux, un centre forestier de jeunes réfractaires du STO avait été ouvert. Les jeunes officiers dont vous parlez devaient les encadrer pour en faire un maquis. Ce n’est qu’après l’attaque du 13 janvier 1944 que P Radius et ses amis officiers ont pu s’enfuir et rejoindre la zone de Chorges, ou se créait alors un autre maquis. Je pense qu’il ne pouvait pas y etre en novembre lors du 1er parachutage, car il était alors à Champolion. »

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Mais reprenons le cours de l’histoire :

A La Begüe,  la population se méfie. Ces jeunes inconnus sont-ils des planqués (qui évitent les allemands pour une raison ou une autre), des voyous, fils de richards qui survivent en ce temps de guerre grâce à des rapines, de vrais ouvriers, ou des maquisards. Mais le regard et le beau sourire Paul Marie Radius, de son ami Rouxel chef du camp, et des autres  va assez vite rechauffer l’accueil. Les jeunes sont malgré tout refroidis par cet accueil et le moral n’est pas au beau fixe. Ils regrettent un peu cette ambiance extraordinaire du camp des Méollions, du curé des Borels, de la population de Champoléon.  Paul Marie reste beaucoup au camp, probablement pour maintenir un bon moral, et participer aux travaux de réparation de la maison.

Plusieurs familles leurs feront toutefois bon accueil dans un deuxième temps : la famille Michellon, la famille Aubin, la famille Bauchau (un article est en cours d’élaboration sur cette famille) madame Pointet… Le curé (M. Davault) leurs fait aussi bon accueil et les aide. Ce prêtre ose pendant un sermon mettre en garde ses paroissiens contre la Gestapo, la Milice, le S.O.L. …..Quelques jours plus tard il reçoit une lettre de la Milice (Vallet) lui disant « ….la Milice prend en main les intérêts de l’Eglise…..toutefois je vous conseille de faire attention à ce que vous dîtes dans vos sermons !!!!…. ». Le soir de Noël, le groupe de Paul-Marie anime la messe de minuit avec de très beaux chants. Des liens commencent à se constituer.

Radius-Paul-Marie--2-.jpg

L’installation devient très correcte.

 

Paul-marie-Radius.jpg

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Magnifique photo de janvier 1944 qui nous montre les deux amis, Paul Marie Radius (flèche) et Rouxel  un peu plus à gauche (à sa droite). J’ai été très surpris par cette photo (adressée par M. Paul Ducatez son Beau-frère). Les maquisards évitaient à tout prix les photos pour ne pas se compromettre. Mais dans ce cas, ne sont-ils pas des bûcherons, officiellement déclarés ?

Dans la nuit du 1er au 2 janvier 1944, Paul-Marie doit donner une leçon de sabotage avec Paul Héraud, à la Freissinousse, aux hommes du colonel Daviron. Mais le rendez-vous de nuit est manqué. Pas de leçon…..

Ils viennent de passer un mois à peu prêt tranquille à la Bégüe, mais cela ne va pas durer.

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Le 16 janvier 1944, les allemands attaquent à nouveau…Consternation !

Dans ce secteur secteur B il y avait un autre camp de Résistants à Thuoux, une sorte de chantier-frère. Le 16 janvier 1944,  M. Bauchau vient leur signaler précipitamment que Thuoux  vient d’être encercler.

Les jeunes de la Bégüe disparaissent rapidement dans la nature. Paul-Marie dépose ses affaires chez M. Bachau et passe une semaine à Gap. Il écrit à ses parents  » cette semaine, cela a été  assez la bulle…..vie en hôtel. Hier avec mon ami Rouxel, je suis allé voir Carthacalla, un film sur les Bohémiens…. » . Une vie donc qui n’est pas simple et qui comporte beaucoup de risques.

 

Il est  à 5 mois de son arrestation le 20 juin 1944, à 6 mois de son exécution le 10 juillet 1944. Nous sommes à 7 mois de la Libération. Gap est libéré le 20 Aout 1944…Les hommes de Paul Marie Radius seront au tout premier rang des combats ….on les devine très motivés contre les allemands !!

 

3eme mission : il est muté dans l’Armée Secrète.

 Casanova, chef civil du secteur B, demande à Paul Marie Radius de quitter l’ORA et d’entrer dans l’AS (l’armée secrète). Il le nomme chef de camp au Forest du Bois-Montgardin (toujours proche de Chorges).

 

Chorges-copie-1.JPG

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Village de Chorges……Entre le Champsaur et le secteur de Chorges, 700 hommes vont rejoindre l’Armée Secrète. Ces 700 hommes vont attaquer 1200 soldats allemands à Gap le 20 Août 1944 et…….ils auront le dessus, avant l’arrivée des américains !! Gap sera libéré par ces hommes, remontés à bloc.

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Le rôle de Paul-Marie Radius

Il a été nommé par Casanova chef de camp avec tout ce que cela suppose de responsabilités. Il assure entre autres le recrutement des jeunes de l’armée secrète et organise la récupération d’armes après parachutage.

Par contre le ravitaillement est assuré dans la mesure du possible par Casanova et Rochard. On recommande à Paul-Marie de ne plus circuler sur le secteur: il a été repéré par les allemands. Il doit rester au camp.

Les hommes retrouvent un peu l’ambiance des Méollions: ils sont redevenus de vrais soldats. Ils s’exercent chaque jour au maniement  des armes, font du sport……le débarquement semble imminent, au point que certains s’impatientent. Afin de brouiller les pistes, les anglais font passer de fausses dates……de telle sorte que la vraie date soit noyée en cas de fuite…..Ce stratagème a été usant pour les nerfs de tout le monde.

 

Le soir du 18 février 1944, le groupe écoute attentivement Radio-Londres lorsque tombe la phrase annociatrice d’un parachutage d’armes  » ….les descentes sur les neiges sont rapides, je répète les descentes sur les neiges sont rapides« . Cette fois c’est le secteur et « nul ne peut imaginer la joie et la fièvre qui régna alors parmi nous« . Le terrain convenu se trouve presqu’au sommet de Saint Jean, une clairière au milieu des bois. Il y avait à cette époque 1m50 de neige ! Vers une heure du matin, l’avion se présente, reçoit correctement les signaux et laisse tomber les précieux containers. Il faut suer malgré le froid pour les arracher à la neige , charger les uns sur des traineaux, mettre les autres sur des plaques de tôle et les faire glisser en les retenant sur la neige. Enfin après plusieurs heures d’efforts, tout arrive à bon port, les cylindres d’armes, les paniers de chaussures et les vivres.

Mitraillette-Sten.jpgCylindre d’armes  et mitraillette Sten

 

Chaque maquisard reçoit sa mitraillette « Sten ». Une autre partie des armes est distribuée dans la vallée…….La vie des maquisards est transformée. Ils vont pouvoir s’exercer sérieusement au maniement des armes automatiques.

 

Resistance-Queyras.jpg  Grand Morgon, un des lieux de parachutage.

 

C’est ainsi que de nombreux parachutages vont avoir lieu, en préparation du débarquement de Provence. En voici les dates :

1 / Septembre 1943 à l’Adroit de Pontis, de l’autre côté du barrage de Serres Ponçon. Paul-Marie y participe.

2 / le 18 février 1944 largage pour la 1ere fois d’armes. Il a lieu pratiquement au sommet de Saint Jean (récit juste au dessus).

3 / le 2 et 12 avril 1944 un 2eme et 3eme parachutage d’armes sur le même terrain (St Jean). La neige a fondu et le travail de récupération est plus simple. Quelques précisions pour le 12 avril : 10 tonnes de matériel  (armes et ravitaillement) doivent être récupérées. A partir de 5 heures du matin, plus de 50 hommes sont sur le terrain. Ils ne termineront que le soir…..totalement exténués. « Il y avait de tout : armes automatiques, munitions en grand nombre, explosifs, matériel de sabotage, viande en boîte, sucre, café, chocolat, fruits confits, chaussures, des parachutes……. ». Une bonne part du matériel est enterré sur place. Un plan des cachettes est établi et gardé par JB Rouxel. Malheureusement ce dernier est arrêté le 14 avril 1944 et les allemands trouveront ce plan sur lui !!! Quelqu’un l’a dénoncé. Rouxel a été arrété par un barrage routier à l’entrée de Gap. Une 2eme grande figure de la Résistance vient de tomber. Il mourra en déportation et l’une de ses dernières paroles sera : »je suis fier de ne pas avoir parlé… »

4 / le 6 juin 1944 même type de parachutage dans la vallée de l’Ubaye.

Le 8 juin 1944, il est demandé à Paul-Marie Radius (ordre de Mermet) de rejoindre le groupe de maquisards de Barcelonnette pour verrouiller la vallée de l’Ubaye. A cet effet ils font tomber quelques gros sapins, un camion est mis en travers, trois FM sont bien positionnés, les hommes sont prêts au combat. Il y a une grosse effervescence car l’affrontement va avoir lieu d’égal à égal avec les allemands. Deux jours plus tard, l’opération est annulée.

Le 10 juin 1944, les allemands envoient une colonne de 300 hommes sur le plateau Saint-Jean. Ils sont très bien renseignés ….mais finalement redescendent bredouilles. Mais ils arrêtent Emile et René Michellon. Emile sera utilisé (horreur !!!) quelques semaines plus tard comme bouclier humain sur un camion allemand entre Gap-Grenoble (je pense au moment de la débacle). Cela tire de tous les côtés. Il est atteint au bras à Monestier de Clermont. Finalement il sera libéré par les américains quelques jours plus tard. Quant à  René, malade au moment de son arrestation, il est mené sous bonne garde à l’hôpital. Grâce à l’aide d’une infirmière allemande, il arrive à s’échapper. Les deux frères Michellon seront bien vivants à la Libération.

Mais revenons à Paul-Marie…….

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Son arrestation le 20 juin 1944 : trahison……

 Alors qu’il était dans la vallée de Briançon, au camp de Mongornet, il a dû impérativement aller chercher à Gap une ordonnance et un certificat médical pour un de ses hommes malade (Maurice Michaud). Casanova lui disait quelques jours plus tôt de ne pas sortir car il était repéré. Il prend ce risque pour aider le malade. De Mongornet, il descend à Savines à pieds pour prendre le car qui va à Gap. Il est vétu comme un paysan et possède une fausse identité (et de vrais papiers)

 

autocar Pellegrin (2)

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 Quand il arrive à Chorges (à l’arrêt du car), il voit rapidement comme convenu le Dr Ramadout et Mme Pointet. Tous les deux le mettent en garde devant le danger qu’il courre à continuer sur Gap. Il répond « ils ne me reconnaîtront pas ainsi vétu« . Puis il reprend le car avec son habituel sourire vers son destin. Mais il est trahi  et ne le sait pas.

A Pont Sarrazin, le car est arrêté par un barrage allemand. Un milicien, dont le nom serait Jourdan, est là qui le désigne. Les allemands le font descendre. Radius sait qu’il est perdu et il va tenter le tout pour le tout : il s’élance, échappe aux soldats. Mais il est cerné au bord de la Luye. On lui assène un coup de crosse très violent qui l’assomme. Il est complètement défiguré. Plusieurs personnes qui le croiseront en prison auront du mal à le reconnaître. Une fracture du crâne est très probable.

 

Un mois de calvaire avant d’être fusillé. Mais il ne parlera pas.

Les allemands le soignent car ils veulent l’interroger. Comme les autres, maquisards il sera interrogé et torturé à la villa Mayoli…….

 

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Quelques jours plus tard, « on le traîne chancelant au « Comptoir des Alpes« . On le mets en présence de M. Clément et de ses employés : « Qui est M. Clément? Qui vous ravitaille ? ». Paul-Marie feint de ne connaître personne. Non, il ne connaît vraiment personne.

On le mets en présence du Dr Coronat (Paul-Marie portait une lettre sur lui à l’adresse du docteur). Les deux se taisent.

Le lieutenant Paul-Marie Radius ne parlera pas. Il sera donc fusillé.

Fusillé le 10 juillet 1944 à l’âge de 24 ans.

Il est conduit sur la D900b sur les bords de la Luye et fusillé en même temps que Jean Roman. Le 10 juillet 1944 au soir, la Gestapo avertissait par téléphone le Préfet Durocher que deux hommes avaient été abattus …..et « qu’il eut à faire enterrer les deux cadavres le soir même« .

Croix-de-Lorraine.jpg

 Ici

ont été fusillés par la Gestapo,

le 10 juillet 1944,

Radius Paul (24ans)

Roman Jean (21 ans)

Martyrs de la Résistance

Morts pour la France.

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 Divers témoignages sur la personne de Paul Marie Radius. 

« Le sympathique Radius n’avait jamais l’air de s’en faire…..Il était le dévouement personnifié »

« Toujours très gai… »

 « L’amour de la Patrie et l’esprit de la Résistance nous unissaient vraiment. Radius et Rouxel étaient vraiment des chefs…..des hommes trempés durs. A cette qualité s’ajoutait celle de la gentillesse. Je n’ai jamais vu d’aussi chics garçons. Mes copains et moi nous nous serions fait hacher pour eux. Radius était infatiguable. Il marchait jour et nuit, s’occupant de notre ravitaillement …..souvent il arrivait tard la nuit, haletant sous son sac tyrolien lourdement chargé….. »

« Il abattait un travail considérable….. » (Jacques Levy Lauzier)

« Radius  était un très bon camarade, grand coeur , dévoué. Il avait des sentiments très élevés de la religion »

« très religieux, il assistait à la messe lorsque c’était possible….; »

« Il avait toujours une chanson sur les lèvres » (Mme Pointet)

« J’ai fait connaissance du Lieutenant Radius à Morgonnet en 1944….Sa manière franche, simple, directe me plût beaucoup et tout de suite nous nous sommes mis d’accord. Ses hommes l’aimaient et le respectait beaucoup…. » (Mlle Jeolas)

 » Radius ? C’était un pratiquant, qui vint plusieurs fois communier afin d’être toujours prêt …. » ( abbé Feraro)

« …il savait se faire obeir et se faire aimer. Nous avions une entière confiance en lui et nous serions allés à la mort s’il l’avait demandé……abnégation, dévouement, patriotisme…. »

« Ah notre lieutenant Paul Radius ! …..monsieur Paul, comme nous l’appelions était d’une gentillesse et d’une loyauté « (Etienne Rougny)

« Radius et Rouxel étaient d’une activité débordante, plein d’entrain et de gaieté. Pour nous ils ont été mieux des chefs, mieux que des guides, ils ont été l’âme de l’équipe… ».(Desprez-D’assas)

« Radius….pour nous tous, quelle joie quand nous pouvions le garder quelques jours avec nous, un jour une nuit,……Que de fois il est venu. Il restait à peine deux heures. Il avait un don pour nous encourager. Il était toujours pressé. Que de fois je lui disais : vous ne perdez pas votre temps. Restez manger avec nous….. » (Mme Michellon dont les deux fils ont été arrêté par la Gestapo)

Emouvant : une lettre de Mme Radius à Mme Rouxel « Ces deux amis (Radius et Rouxel) qui s’aimaient comme deux frères, qui ont été unis dans la vie et se sont retrouvés dans la mort, sont encore une fois à l’honneur « (elle parlait de la médaille de la Résistance décernée aux deux amis).

J’aimais beaucoup votre fils et j’ai apprécié tout son courage, tout son dévouement, son habileté dans le travail difficile que nou avons mené…..Malgré les souffrances endurées, il est resté égal à lui-même jusqu’au bout » (Colonel Daviron)

« …..Cet officier très jeune, toujours livré à lui-même (dans la direction du groupe), a eu à supporter les plus lourdes responsabilités dans des conditions jusqu’alors inconnues. C’est un devoir pour le Commandement  de le reconnaître et de récompenser très brillamment ce chef si jeune qui a déjà fait ses preuves….. »  (Colonel Daviron)

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 Vitrail en mémoire de Paul Marie Radius.   Il se trouve dans l’église du Minihic sur Rance, village de Paul-Marie.

 

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Saint-Cyr. Emblème de la promotion Charles de Foucault. On retrouve cet emblème d’ailleurs sur le vitrail qui se trouve juste au dessus. Vis à vis de Paul Marie radius, si on connaît un tant soit peu la symbolique ….., cet emblème était annonciateur  de sa mission et de celle de sa promotion.

 

Chaque années les compagnons se souviennent de lui et de son sacrifice !  70 ans plus tard…… 

 

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Inauguration d’une Place « Paul Marie Radius » à Le Minihic-sur-Rance

 

Le samedi 18 octobre 2014, en présence de la famille, une place Paul-Marie Radius a été inaugurée.

 

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Remerciements

J’adresse tous mes remerciements à la famille de Paul-Marie Radius de m’avoir aidé dans mes recherches. Son frère, Olivier Radius et son épouse, m’ont reçu longuement à Marseille pour me donner des précisions et de nombreuses photos de jeunesse.

Mes remerciements également à M. Paul Ducatez (beau-frère de Paul-Marie) qui m’a transmis un fascicule très intéressant sur la Résistance dans les Hautes Alpes. Il s’agit d’une sorte de recueil que M. Ducatez a constitué après la guerre. Dans ce fascicule, non seulement il y a des articles concernant Champoléon, mais il y a glissé les notes personnelles de Paul-Marie Radius (ni éditées et à priori jamais utilisées), sorte de carnet intime tenu chaque jour sur la vie dans les camps. Très intéressant et émouvant.

 

paul-marie-Radius.jpg30 pages écrites par Paul-Marie

 

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…….et voici l’original que j’ai pu avoir entre les mains grâce à son frère Olivier. Paul Marie était conscient que de prendre ainsi des notes au-jour-le-jour était extrêmement dangereux, pour lui et ses amis. Ainsi il ne donne que des surnoms de guerre (on voit sur la page de gauche « l’ami Pierre »…..à priori Pierre Poutrain).  Duchambo aura le plus grand mal après la guerre  à décrypter les initiales et les abréviations de ce carnet.

Mes remerciements à M. Loïc Robin qui fait partie de la famille et qui a été mon principal interlocuteur. Merci

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– 1 / Résistance dans le Champsaur de 1939 à 1941 :     Cliquez ICI.
– 2 / Mise en place de la Résistance de 1942 à septembre 1943 :   Cliquez ICI
– 3 / Le 3 septembre 1943, arrivée des Allemands dans le Champsaur : Cliquez ICI
– 4 / La grande année des maquisards en 1944 :  Cliquez ICI.
– 5 / Spectaculaire  Libération de Gap le 20 Août 1944 :  Cliquez ICI  
– 6 / Libération des Hautes-Alpes : Cliquez ICI  .
– 7 / Champsaurins morts pour la France (noms et circonstances) :  Cliquez ICI.
– 8 / Paul Héraud : chef de la Résistance dans le Champsaur : Cliquez ICI .
– 9 / Pierre Poutrain  : un Résistant exceptionnel….fusillé le 19 juin 1944 : Cliquez ICI  .
– 10 / Paul-Marie Radius : Saint-Cyrien, Grand Résistant…..fusillé le 10 juillet 44 à 24 ans : Cliquez ICI .
– 11 / Histoire d’une famille juive dans le Champsaur :  cliquez ICI 
– 12 / Léon Michel : ancien résistant passé à la Gestapo. Une histoire sidérante :  Cliquez ICI.
– 13 / Ange Zanotti : résistant dans le Champsaur. Lettre de sa famille : Cliquez ICI .
– 14 /Aimé Roux : résistant dans Champsaur, mort en Indochine : Cliquez ICI.
– 15 / Souvenirs de guerre d’un petit enfant (JP Clot, chirurgien) : Cliquez ICI.

Sommaire des articles sur 39-45 :  Cliquez ICI.

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