Quand GAP etait colonisé par les Champsaurins.
Article écrit par Robert Faure (historien du Champsaur) réactualisé le 03 octobre 2013
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Si, de nos jours, la bonne entente et la convivialité entre Champsaurins et Gapençais demeurent très acceptables, il n’en a pas toujours été ainsi.
Les pires moments datent du temps des guerres de religions.
Tout a, hélas, commencé par de sauvages et sanglantes batailles entre les protestants du Champsaur et les catholiques de Gap.
C’était durant la deuxième partie du 16 ème siècle.
Une méchante rivalité s’était installée entre les fidèles catholiques du puissant évêque de Gap et les bouillants Champsaurins qui, par le biais de la religion réformée, voulaient faire de leurs cantons un petit royaume.
Premier objectif: mâter Gap.
Pour sa première offensive, dans une pétarade d’arquebuses, la bande conduite par François des Diguières, descend de Romette et fait, dans les rangs gapençais, une sanglante trouée. Elle commet les plus effroyables excès: 120 morts.
La ville de Gap est conquise mais elle ne pense alors qu’à se venger.
300 Gapençais catholiques profitent d’une défaite de des Diguières à Tallard pour s’avancer jusque dans le Champsaur. Ils pillent tout le pays et ramènent chez eux des prisonniers champsaurins.
Mais François des Diguières reprend vite les pleins pouvoirs dans la région.
Alors que la fête de Saint Bonnet bat son plein à l’occasion de son mariage, les invités, venus de tout le Champsaur et réunis sur le champ de foire sont avertis que les gens de Gap ont décidé de venir troubler les festivités. Des Diguières réunit aussitôt une cinquantaine d’hommes résolus qu’il poste près de Laye, prêts à la bagarre. Les catholiques gapençais ne se méfient pas, trop persuadés qu’ils vont anéantir les petits chefs protestants réunis au mariage. Ils tombent dans l’embuscade, se font étriller et s’enfuient en pleine déroute après avoir perdu plusieurs des leurs. Ce jour là la fête de Saint Bonnet est pleinement réussie.
Des Diguières, devenu de Lesdiguières, est de mieux en mieux considéré, même par Henri IV qui utilise ses capacités de commandement pour l’envoyer prendre La Rochelle.
Mais quand il revient, furieux de voir que les catholiques ont continué leurs incursions par le col Bayard, il tombe sur eux en pleine nuit du 2 janvier 1577. attaque Gap protégé pourtant par 20 tours, incendie les moulins, entre dans la ville, s’avance à travers les rues en criant : « Tue! Tue! » commettant les plus effroyables excès, taillant en pièces les catholiques . Il détruit le palais épiscopal, renverse le clocher de la cathédrale, emprisonne les ecclésiastiques et chasse un grand nombre de ses 8000 habitants qu’il veut remplacer par des Champsaurins.
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GAP-PVIMORE : ce plan exceptionnel que j’ai trouvé à Paris, au Cabinet des Titres de la Bibliothèque Nationale, a été dessiné par Jean de Beins en 1608. Cartographe et « fortificateur du Dauphiné » (après avoir été arquebusier sous les ordres de Lesdiguières) Jean de Beins a vécu et a travaillé à Puymaure.
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Pour sa famille et sa garnison de 350 hommes, il édifie sur la colline de Puymaure une orgueilleuse citadelle qui lui permet de tenir à sa merci la ville de Gap.
Il s’approprie les maisons, les terrains et surtout les vignes des catholiques expulsés.
On peut lire dans le cadastre de l’époque, que les nouveaux propriétaires des vignes sont ses capitaines et amis champsaurins : les Martin, les Amar, les Roussin-Bouchard, les Dastrevigne, les Davin, les Maset, les Borel, les Bertrand, les Pelissier, les Vacher, les Faure, les Eyraud…etc…autant de nouveaux riches champsaurins qui se font une gloire d’avoir vigne au soleil au dessus de Gap.
Pour imposer la religion réformée, Martin de Champoléon, le beau frère de Lesdiguières offre à la nouvelle communauté la maison qu’il possède près de la Porte Colombe pour bâtir à sa place un temple et Lesdiguières réquisitionne 14 maisons contiguës pour loger le pasteur et ses proches. Il colonise au maximum.
…Cette colonisation gapençaise se maintiendra peu ou prou jusqu’à la révocation de l’édit de Nantes par Louis XIV en 1685.
La répression des dragons du roi allait être sévère. Les catholiques allaient pouvoir se venger. Les persécutions se montraient odieuses.
C’était, pour beaucoup de protestants, l’abjuration, les galères ou l’exil.
Les Champsaurins de Gap passaient à l’époque de mauvais moments.
Néanmoins l’empreinte champsaurine était dans Gap.
Et elle demeure encore.
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LA REHABILITATION DE PUYMAURE
Il a fallu vraiment longtemps pour que les Gapençais admettent que Puymaure pouvait être pour eux un repère historique faisant partie de leur patrimoine.
Il a fallu tout de même attendre l’automne 2013 pour que, à l’initiative de Jean Paul Jaubert, on crée un nouvel aménagement de cette colline de Puymaure où, en longeant un sentier bordé de panneaux et de tables historiques, on puisse découvrir, (qu’on soit Gapençais, Champsaurin, curieux ou touriste) l’épique histoire qu’a connue cette colline au 16 ème siècle.
Là, furent bâties par le bouillant Champsaurin Lesdiguières, entre 1577 et 1633, pendant les guerres de religion, deux citadelles imposantes qui, en dominant la ville, lui ont permis de tenir Gap sous sa main.
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Puymaure : fortification d’inspiration italienne qui donnera des idées à Vauban pour ses places fortes futures.
La première citadelle a été construite en 1577 quand, après avoir conquis Gap, dans la nuit du 2 au 3 janvier 1577, et avoir détruit le palais de l’évêque, emprisonné les ecclésiastiques et chassé quantité de ses habitants, Lesdiguières décidait de s’édifier, pour lui, pour sa famille et sa garnison, une citadelle à Puymaure.
Maître de Gap, Lesdiguières reçevait alors le Prince De Condé qui le nommait chef de la noblesse et des églises réformées du Dauphiné.
Cette première citadelle, certes stratégique, ne fut finalement que peu menaçante et aura une vie éphémère.
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Panoramique impressionnant pour magnifier la puissance de Puymaure dominant Gap.
Retournement de situation : en 1580, le Duc de Mayenne, avec une forte armée de pro-catholiques attaque Gap. Les troupes huguenotes de Lesdiguières capitulent. Lesdiguières doit rendre Gap mais, après négociations, peut conserver la Place de Puymaure.
Et les choses vont s’arranger entre catholiques et réformés.
Lesdiguières en profite alors pour bâtir à la hâte une nouvelle citadelle, plus performante, avec des fortifications renforcées.
En 10 jours, du 5 au 14 avril 1588, 1500 soldats et 40 pionniers, sur les plans de l’architecte italien Hercule Negro, harcelés par Lesdiguières , reconstruisent une deuxième imposante citadelle.
Lesdiguières veut, à la fois, impressionner les Gapençais et s’installer à demeure, en logeant là sa famille, un gouverneur M. de Montorcier, et une solide garnison de 350 hommes.
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Lesdiguières s’installe à Puymaure et ses capitaines champsaurins prennent en butin les maisons vigneronnes des alentours.
Cette citadelle dominera Gap de 1588 à 1633. En 1633, Lesdiguières étant mort, les Champsaurins sont condamnés à la raser. Ils en retirent 10 canons et 1700 boulets. (1) Puis, peu à peu, la nature reprend ses droits sur Puymaure et recouvre tout.
Le sentier de Puymaure permet de retrouver une histoire de Gap que nos livres d’histoire avaient oubliée.
Quatre siècles après, pour le souvenir, reste « le sentier de Puymaure » : une demie-heure de jolie et instructive randonnée…Profitez en ! Bonne promenade.
Sur ce document on peut voir avec assez de précision ce qu’était Gap (ses rues, sa cathédrale, son église, ses tours) … et son voisinage avec Puymaure au début du 17ème siècle.
(1) On peut trouver davantage de détails sur Puymaure dans le livre « Lesdiguières duc du Champsaur » de Faure de Prégentil que l’on peut se procurer sur internet (12,90 euros) en cliquant sur « Editions des Hautes Alpes » (tel : 04 86 99 00 87).
Concernant Lesdiguières, voir aussi « Mémoire du Champsaur » . Cliquer ici.
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