La traversée du Champsaur par les éléphants d’Hannibal

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LES ELEPHANTS D’HANNIBAL SERAIENT BIEN PASSES PAR LE CHAMPSAUR
 
 
(Article de Robert Faure actualisé le 1 2015)        
 
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 Les historiens et les chercheurs sont de plus en plus nombreux à admettre que les éléphants d’ Hannibal sont bien passés par le Champsaur.
Parmi eux, Daniel Metz, le spécialiste d’Hannibal (http://www.hannibal-dans-les-alpes.com) donne un point de vue très argumenté sur les différents parcours envisagés et il est persuadé que la route la plus évidente empruntée par l’armée d’Hannibal est celle de la vallée du Drac, remontée depuis La Mure, sur la rive gauche, par le Trièves, le Bas Champsaur, jusqu’au Col de Manse.
            Mais, c’est à partir du col de Manse, pour la suite du parcours qui conduit au Mont Genèvre,  que les avis divergent sur l’itinéraire emprunté.
            Il y a ceux qui envisagent un parcours le long de La Durance et il y a ceux,( dont je suis, ) qui estiment (la tradition orale aidant) qu’Hannibal a emprunté l’itinéraire (habituel  à l’époque) qui menait de la vallée du Drac vers l’Italie, en passant par le Haut Champsaur, Freissinières et sa vallée qui mène à L’Argentière.
Intervew de Robert Faure sur Radio d’ICI (2mn), concernant le passage des éléphants d’Hannibal dans le Champsaur.
 
Voyons les faits.
 Voyons surtout les textes.
Hannibal est un guerrier audacieux d’Afrique du Nord. Il veut, par n’importe quel moyen arrêter l’expansion des Romains. Et il pense que, pour attaquer Rome, le meilleur chemin n’est pas la voie maritime Tunis-Rome, mais la route terrestre.
Il rassemble donc à Carthagène, en Espagne conquise, en 218 avant Jésus-Christ, 12 000 cavaliers, 50 000 fantassins et 37 éléphants, résistants et rapides.
 
   
Et tout ce monde part vers la Gaule, traverse les Pyrénées, longe le Languedoc, s’approche de Marseille.
Là, Hannibal se rend compte que Marseille, la Grecque, est plutôt fidèle à Rome et Hannibal n’est pas pressé d’affronter les légions de Scipion.
Il décide alors, si l’on s’appuie sur les récits de Polybe, de «marcher le long des fleuves et des rivières jusqu’à la source».
La longue troupe remonte donc le Rhône jusqu’à son confluent avec l’Isère . Puis, « elle s’avance vers l’Orient, comme si elle faisait route vers le centre de l’Europe. »
L’écrivain  Tite-Live précise qu’ « après avoir remonté le cours de l’Isère et être arrivée  vers Grenoble, la troupe traverse le pays des Allobroges et se dirige vers le territoire des Tricorii…avant d’arriver à la Druantia » .
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 Or, qui sont les Tricorii ?
 
Les Tricorii sont les habitants des trois régions: le Trièves, le Valgaudemar et le Champsaur qui occupent la haute vallée du Drac.
 Hannibal suit donc cette route et arrive à Puy Maure (le col de Manse) où il installe son campement sur le plateau. Il envoie des émissaires à Gap pour s’informer de la situation et aussi  pour ramener du ravitaillement pour ses soldats.
         Il apprend alors qu’il n’a pas intérêt à poursuivre vers Gap et Embrun, où la population , liée aux Romains, est très dense et lui est hostile. De plus, la Durance, (avec ses affluents) grossie par les pluies est alors capricieuse et dévastatrice, et les chemins sont impraticables.
 
Il change de cap, préférant une route plus courte, plus sure, chez une peuplade plus indépendante qui lui propose même de l’accompagner et de le guider.
Il se renforce dans  son idée première : suivre les fleuves et les rivières jusqu’à la source. TITE LIVE (XXI,31) écrit: « Hannibal se détourna sur la gauche vers le pays des Tricastins et, côtoyant l’extrème frontière des Voconces, il pénétra sur le territoire des Tricorii… jusqu’au bord de La Durance. »
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Dans les temps anciens, le passage par Fressinières et la Vallouise a toujours été l’itinéraire habituel (et tracé) pour aller de la vallée du Drac en Italie.
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Hannibal, parti de Manse, remonte donc le Drac avec son immense armée de cavaliers, de fantassins, d’éléphants, et, sous le regard épouvanté des habitants, traverse La Plaine de Chabottes, Pont du Fossé, part vers Orcières et s’engage dans la montée qui va vers les Estaris, par un chemin étroit, raboteux, longeant des précipices.
Ce paysage tranquille de la montée au lac des Estaris, avec ses roches rousses et ses rochers blanchâtres a vu passer les éléphants d’Hannibal.
 
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Arrivé là, dans un cirque encaissé, cerné de roches rousses, de dalles et de rochers blanchâtres et de terres blanches, il décide de « camper au pied des montagnes. »
Hannibal constate que, finalement, jusque là, son armée n’a pas eu de très gros problèmes dans sa traversée des Alpes.
Elle arrive , avec les éléphants,  au point culminant. (On peut aujourd’hui se rendre compte – les touristes qui vont à Orcières-Merlette prennent la même route – qu’un passage d’éléphants le long de la montagne n’est pas quelque chose d’impossible.)
Hannibal, donc, parvenu là, sur un plateau d’une douzaine d’hectares, fait allumer des feux et octroie un peu de repos à son armée, en attendant les traînards.
Mais c’est là, sur le plateau des Estaris, que les vrais problèmes vont commencer.
Le plus inattendu: une attaque surprise à rebrousse poil venue de Gaulois réunis à Champoléon qui passent, malgré les ravins et les précipices, par le col de Prèles, dévalent en trombe des crêtes de Prèles, font rouler des rochers et tombent sur les Carthaginois, les surprennent,  commencent à les massacrer, à les disperser, et tentent de voler du butin.
La bataille est assez sanglante, mais Hannibal est un bon stratège. Il parvient à rassembler  son armée et les Carthaginois prennent finalement le dessus.
Les Gaulois restants sont obligés de se rendre. (Le col de Prèles doit d’ailleurs son nom à cette bataille: « proelium » signifiant, en latin: « combat ».)
  Le col de Prelles où sont passés les Gaulois venus de Champoléon pour surprendre l’armée d’Hannibal
Que faire de tous ces prisonniers? Hannibal imagine alors, pour récompenser ses soldats vainqueurs de leur offrir du beau spectacle, quelque chose d’assez épouvantable.
Il organise donc des duels terribles entre les montagnards vaincus: un Gaulois contre un Gaulois. Ne peuvent avoir la liberté que ceux qui la gagnent par le courage…
L’horrible spectacle de tuerie entre frères, cousins, amis, dure toute une soirée… La moitié d’entre eux périssent. Et les vainqueurs, sont délivrés pour le prix de leur victoire…
Hannibal dit alors à ses soldats: « Je vous ai donné ce spectacle pour que vous appreniez à combattre avec autant de valeur et autant d’adresse qu’en avaient les Tricorii. »
Orgies, et repos du guerrier bien mérités, s’en suivent.
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Les Carthaginois repartent, le lendemain,vers le col de Freissinières et Dormillouse.
Et c’est alors, en redescendant vers Freissinières et la Vallouise, que l’armée carthaginoise va s’engager dans des sentiers fort malaisés et dans des défilés particulièrement redoutables.
Les pentes sont escarpées, les ravins sont profonds, des éboulements obstruent le passage. Hannibal ne s’attendait pas à de tels obstacles.
Cette fresque est l’interprétation, par un peintre, du délicat passage par la troupe d’Hannibal du défilé entre Dormillouse et Freissinières.
          Il faut dégager la piste, abattre des arbres, élargir et adoucir la piste  pour permettre le passage des éléphants, détacher les blocs en suspension en embrasant la roche et en l’imprégnant de vinaigre bouillant pour la faire éclater (cette même technique sera utilisée plus tard dans l’exploitation des mines métalliques de Freissinières ) .
De plus, intempéries et chutes de neige s’en mêlent. Sur des neiges de l’année précédente, de nouvelles couches de neiges précoces s’amoncellent.
La population n’est ni accueillante, ni coopérative.
          « Dans cette région, raconte Polybe, les Carthaginois sont terrorisés par les neiges qui semblent se confondre avec les creux, par les huttes grossières suspendues aux pointes des rochers, par des hommes sauvages et hideux, par une nature inanimée presque engourdie par la glace. »
          C’est la catastrophe. Mais, tant bien que mal, ce qui reste de l’armée carthaginoise progresse à coups d’efforts surhumains , dans une nature terriblement hostile et chaotique, pour finalement gagner, au pied de la montagne, La Bessée.
          Le célèbre historien Jacques Auguste de Thou  indique que c’est dans la montagne de La Bessée, (près de L’Argentière), dite « Saltus Annibalis », que le héros carthaginois a éprouvé les plus grands obstacles.
          Hannibal vient donc de vivre là un passage qu’on pourrait qualifier d’irréaliste. Mais on doit bien admettre qu’il a fallu un endroit particulièrement horrible pour qu’Hannibal subisse tous les avatars qui nous sont racontés afin de dompter une route à-priori impraticable.
          Arrivée en Haute-Durance, son armée doit alors,  traverser avec grande difficulté la Durance grossie par les pluies. C’est dans ces parages que, déjà, Nicolas Chorier situait la traversée de La Durance.
Son parcours dans la vallée, après, devient plus calme.
          « Hannibal, à partir de la Druantia, arrive au bas des Alpes par une voie qui est en majeure partie une route de plaine » (Tite Live , XXI, XXXII, 6).
          Sa troupe n’éprouve aucune difficulté jusqu’à Briançon et le col du Mont Genèvre, pour arriver en Italie où les Romains ne l’attendent pas mais où il doit encore rencontrer les Taurini.
          Son effectif est réduit de moitié.
Tous les éléphants sont morts , sauf un, qui devient la monture d’Hannibal.
Telle est l’histoire d’Hannibal vue par les Champsaurins.
 
 

Mais pourquoi le Drac plutôt que la Durance ?
 
Pourquoi préférer cet itinéraire ?
Argumentons.
Tenons nous en à la géographie.
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Pour qui connaît ou habite les Hautes Alpes, on ne voit aucun endroit , entre Gap et L’Argentière, où, en plein mois d’octobre, l’armée carthaginoise aurait pu, lors d’un parcours atroce,  se voir confrontée à  « une nature inanimée presque engloutie par la glace, à des neiges se confondant avec les creux, à des terrains très raides, à des pentes escarpées près de huttes grossières suspendues aux pointes des rochers, à des ravins profonds, à des défilés redoutables avec des blocs en suspension… »
Pas d’endroit, non plus, en scrutant ce paysage, où pourrait exister un « rocher blanc » ou un névé.
Puis, revenons aux descriptions du Grec Polybe et du Romain Tite-Live.
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On peut alors comprendre que la troupe d’Hannibal, après avoir délaissé la vallée de l’Isère, se soit engagée dans la vallée du Drac « pour finalement arriver  à une montée qui lui fera définitivement abandonner le pays de plaine ».
Vallée de l’Isère, vallée du Drac… Son cours d’eau ayant été suivi jusqu’à la source, les troupes d’Hannibal arrivent alors à  Orcières (où débute la montée vers le col de Freissinières.)
Entre temps, les Tricorii présents au col de Manse, en rapportant de Gap des branches d’oliviers, symboles de la paix, avaient séduit davantage Hannibal que les Voconces et Caturiges de la vallée de la Durance, fidèles à Rome, qui risquaient d’alerter les légions hostiles des Romains.
Hannibal, alors, poursuivait son avancée vers le Haut-Champsaur.
C’est en arrivant au niveau du lac des Estaris qu’il subissait sa principale embuscade.
S’ensuivait l’inattendu et terrible passage par la vallée de Freissinières, grande épopée de la traversée des Alpes.
 
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 Interview de Robert Faure (juillet 2012) sur « Dici Radio »: cliquez ici.
Au cours de cette interview Robert Faure explique le passage d’Hannibal  dans le Champsaur
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